Energies renouvelables : Agnès Pannier-Runacher souhaite trouver un compromis avec le Sénat

Energies renouvelables : Agnès Pannier-Runacher souhaite trouver un compromis avec le Sénat

Invitée de notre matinale, Agnès Pannier-Runacher est revenue sur le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables qu’elle s’apprête à défendre ce jeudi au Sénat. Malgré quelques points d’achoppement avec la majorité sénatoriale, la ministre de la Transition énergétique se dit confiante sur la possibilité de « trouver un chemin » d’entente sur le texte.
Louis Mollier-Sabet

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Alors que l’examen du texte sur l’accélération du déploiement des énergies renouvelables débute ce jeudi matin au Sénat, Agnès Pannier-Runacher était l’invitée de notre matinale et a pu clarifier la position du gouvernement sur certains points de clivage avec la chambre haute.

Eoliennes : « Le dernier mot aux maires, mais dans le cadre d’une planification de l’énergie ambitieuse »

Sur le droit de véto des maires sur les projets d’installation d’éoliennes terrestres, notamment, introduit par la majorité sénatoriale en commission, la ministre semble préférer une autre rédaction : « Les associations d’élus elles-mêmes ne souhaitent pas nécessairement un droit de véto d’emblée, sur des projets dont on n’a pas eu le temps de prendre connaissance et qui seraient partagés avec les maires voisins. Elles appellent plutôt à une forme de planification qui leur permettrait de définir des zones propices à l’accueil des énergies renouvelables, et sur cette base-là de bénéficier d’un coup de pouce de l’Etat quand ils acceptent d’accueillir des projets. […] Nous avons travaillé à avoir une formulation qui permette aux maires d’avoir le dernier mot, mais dans le cadre d’une planification de l’énergie ambitieuse. »

« Je suis ouverte à trouver la meilleure solution pour rendre les renouvelables les plus désirables sur nos territoires »

Sur les mécanismes de « partage de la valeur » produite par l’installation d’énergies renouvelables sur certains territoires, la ministre de la Transition énergétique s'est en revanche montrée tout à fait ouverte aux propositions du Sénat et des élus locaux. « Le fait de pouvoir ouvrir le capital des projets aux habitants et aux collectivités locales, c’est une très bonne idée parce que ça permet à chacun de s’approprier les énergies renouvelables », s’est par exemple félicité Agnès Pannier-Runacher à propos d’un dispositif introduit par le Sénat.

Reste la question de qui bénéficiera de rentrées d’argent pour compenser les désagréments causés par l’installation de projet d’énergies renouvelables : les habitants ou les collectivités locales ? « Cela peut servir à compléter les budgets de transition énergétique des collectivités au moment où elles ont besoin d’investissements, ou bien à baisser la facture des habitants et/ou des collectivités. Là on peut tracer un chemin. Je suis ouverte à trouver la meilleure solution pour rendre les renouvelables les plus désirables sur nos territoires. Je suis à l’écoute et on va construire ces solutions ensemble », a répondu la ministre, qui ne ferme visiblement aucune porte sur le sujet.

De même sur la réduction de la facture d’électricité pour les riverains de telles installations, le gouvernement propose une limite de 5km, qui ne semble pas gravée dans le marbre. « On a proposé de fixer une limite de 5 km autour des installations mais là encore le gouvernement est ouvert au débat », a indiqué Agnès Pannier-Runacher

Eoliennes à 40 km des côtes : « Cela voudrait dire concentrer toutes les installations d’éoliennes marines sur la façade atlantique »

En revanche, sur l’éolien « offshore », où le Sénat a introduit une disposition obligeant à installer les parcs éoliens en mer à au moins 40 km des côtes, la ministre de la Transition énergétique ne voit pas de compromis possible : « C’est un sujet géographique : si vous positionnez des éoliennes en mer à 40km des côtes, cela veut dire que vous ne pouvez plus utiliser la mer du Nord, la Manche, et la Méditerranée non plus. Cela voudrait dire concentrer toutes les installations d’éoliennes marines sur la façade atlantique. »

Agnès Pannier-Runacher ajoute que cela supposerait « de devoir différer de plusieurs années des projets, parce que la technologie pour mettre à 40km des côtes n’existe pas de manière industrielle. » L’ancienne ministre déléguée chargée de l’Industrie se dit par ailleurs « très inquiète du signal que ça enverrait à la filière » : « Il se trouve que l’on a une des meilleures filières du monde en France, c’est plus de 6500 emplois directs à Saint-Nazaire, Cherbourg et au Havre. Est-ce qu’on veut freiner cette filière en disant 'pas de ça chez nous avant 2035 et 2040 ?' »

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Nouveau Plan Ecophyto : au Sénat, la droite applaudit et les écologistes dénoncent un « grand recul »

C’était une des victimes de la grogne des agriculteurs, en janvier et février dernier. Le plan Ecophyto, troisième du nom, qui avait pour objectif de réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030 par rapport à la période 2011-2013, avait été « mis sur pause » le 1er février. Il était décrié par les agriculteurs, qui manifestaient leur colère contre l’excès de normes et le manque de rentabilité de leurs activités. Une nouvelle version du plan devait voir le jour pour le Salon de l’agriculture, fin février. C’est finalement le 6 mai qu’il sera présenté. Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, en a présenté les grandes lignes dans un entretien au Parisien, ce vendredi 3 mai. Plan Ecophyto quatrième version : un nouvel indicateur Sur le papier, le nouveau plan Ecophyto ne change pas son objectif : réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030, par rapport à la période 2011-2013. Ce qui change, c’est l’indicateur utilisé. Alors que depuis 2008 et le premier plan Ecophyto, c’était un indicateur français, le NoDU (Nombre de doses unités), qui était utilisé pour comptabiliser la quantité de pesticides utilisés chaque année, ce sera dorénavant le HRI-1 (Harmonized Risk Indicator, indicateur de risque harmonisé), un indicateur européen, qui sera utilisé. Gabriel Attal avait annoncé ce changement le 21 février dernier. Du NoDU au HRI-1 : qu’est-ce que cela change ? Ce changement d’indicateur est l’un des principaux enjeux de ce plan. En effet, le mode de calcul est différent d’un indicateur à l’autre. Le NoDU se base, pour chaque substance, sur les doses maximales autorisées par hectare pour chaque produit phytosanitaire. C’est une addition des surfaces (en hectares) qui seraient traitées avec les doses de référence. C’est une statistique au calcul complexe, décrié par certains syndicats agricoles. Pour Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire, il est « catastrophique ». Il ne mâche pas ses mots : « Il a été imposé par des écolos dogmatiques avec un objectif de sortie totale des phytosanitaires ». Le HRI-1, lui, prend la masse des produits phytosanitaires vendus en France et les pondère par un coefficient prenant en compte la dangerosité de chaque produit. Il en existe quatre : 1, 8, 16 et 64, ce dernier correspondant au plus haut niveau de dangerosité. Marc Fesneau se félicite de ce changement : « Si l’on n’utilisait pas le même indicateur que nos voisins, à quoi cela servirait-il ? C’est comme si, pour notre objectif climatique de réduction d’émissions de CO2, nous avions notre propre calculateur et le reste de l’Europe un autre », expliquait-il au Parisien ce matin. Si le HRI-1 permet de donner un poids plus important aux produits les plus nocifs, il présente des défauts. Ses coefficients, qui ne reposent pas sur un calcul scientifique, peuvent être jugés comme artificiels. C’est l’avis d’un ensemble de scientifiques, membres du Comité Scientifique et Technique du plan Ecophyto qui, dans un article au média The Conversation du 21 février dernier, alertait sur « la nécessité de conserver un indicateur prenant en compte les doses d’usage, tel que le NoDU ». C’est aussi l’avis de Daniel Salmon, sénateur écologiste de l’Ille-et-Vilaine. « Aucun indicateur n’est parfait, mais il fallait combiner le NoDU et le HRI-1. C’est possible dans les directives européennes. Si on change d’indicateur en cours de route on n’aura plus rien pour les années d’avant, on va avoir une grosse baisse, c’est normal » explique-t-il à publicsenat.fr. Le nouveau plan Ecophyto : réduire les pesticides nocifs Même si, sur le papier, l’objectif du plan Ecophyto dernière version ne change pas, avec ce nouvel indicateur, son interprétation se déplace. Il passe d’une réduction des pesticides en général, à une réduction des pesticides dangereux. Avec cette nouvelle version, le gouvernement cible les produits qui peuvent se voir interdits par l’Union européenne d’ici trois à cinq ans. Une stratégie que revendique Marc Fesneau dans Le Parisien : « Affirmer que les pesticides sont dangereux, c’est une généralité approximative. Et c’est justement pour ça qu’on en réglemente les usages. Si on les a classés par niveau de dangerosité, c’est bien que certains sont dangereux et d’autres ne le sont pas ou plus faiblement. L’objectif de la stratégie est de mieux connaître le risque de leur usage pour la santé et de le réduire ». Une affirmation avec laquelle Daniel Salmon est en profond désaccord. « On entend la petite musique selon laquelle il y a des bons et des mauvais pesticides. Il y a certes des pesticides plus dangereux que les autres, mais ils sont tous toxiques car ils tuent tous du vivant. Il n’y a pas de pesticide qui soit anodin » confie-t-il. Les autres mesures Autre nouveauté du plan Ecophyto, quatrième version, c’est la concrétisation de la doctrine « pas d’interdiction sans alternative », revendiquée entre autres par la FNSEA. Le ministre de l’Agriculture a en effet annoncé la provision de 250 millions d’euros par an, dont 150 pour financer la recherche de solutions alternatives aux produits phytosanitaires les plus dangereux, qui auront vocation à être interdits. Si Daniel Salmon n’est pas complètement opposé à cette mesure, pour lui, les alternatives doivent être « bien étudiées ». Pas question que cela ne permette de développer de nouvelles molécules. « La recherche doit aussi se faire sur les causes. Les nouveaux ravageurs se développent parce que leur environnement change, et on doit comprendre pourquoi ils pullulent : il y a le réchauffement climatique mais aussi la chute de la biodiversité », ajoute-t-il. Du côté des LR, la somme convient : « 250 millions, c’est ce que je proposais », explique Laurent Duplomb, « mais il faut se poser les bonnes questions ». Pour le sénateur qui est aussi agriculteur, cet argent doit aller aussi à des initiatives incluant les agriculteurs, comme les fermes Dephy, qui cherchent à réduire l’usage de pesticides en développant des alternatives. Enfin, le nouveau plan Ecophyto contient une partie indemnisation, pour les riverains et les victimes de pesticides. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles » La nouvelle mouture du plan est loin de satisfaire les écologistes et l’association de défense de l’environnement Générations Futures. Pour elle, l’abandon du NoDU, c’est « casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre ». « Le HRI1 est un indicateur trompeur puisqu’il affiche une baisse de 32 % entre 2011 et 2021 alors que le NoDU a, lui, augmenté de 3 % de l’usage des pesticides pendant la même période », explique-t-elle dans un communiqué du 3 mai. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles en prétendant ne rien avoir changé à la politique de réduction des pesticides en France ! », peut-on y lire. Son porte-parole François Veillerette, regrette : « La France a longtemps été considérée à l’avant-garde des pays portant une ambition de réduction des pesticides. Avec cette nouvelle stratégie elle rejoint les pays qui mettent tout en œuvre pour que rien ne change, faisant régresser notre pays de 15 ans ! ». Daniel Salmon partage la même colère. « C’est un très mauvais plan », juge-t-il, « c’est un grand recul malgré l’enfumage du ministre. Les producteurs de phytosanitaires ont gagné la bataille contre l’opinion publique et les agriculteurs ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots » Du côté droit de l’hémicycle, le plan est bien accueilli. « Enfin ! », se réjouit le sénateur Les Indépendants de la Haute-Garonne Pierre Médevielle, « il était temps d’harmoniser les politiques et de parler d’une seule voix en Europe, pour que nous soyons crédibles ». Sur les pesticides, l’élu se veut mesuré dans sa position : « On ne peut pas vider la trousse à pharmacie, mais il faut arriver à restaurer la confiance ». Il plaide pour une approche « prudente mais réaliste », à l’encontre d’une « écologie punitive ou d’une écologie idéaliste ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots », se réjouit Laurent Duplomb. Pour autant, l’élu dit ne pas se faire d’illusions : « Je n’ai rien à enlever à ce qu’il a dit. 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