Energies renouvelables : les éoliennes pourraient venir perturber le débat au Sénat

Energies renouvelables : les éoliennes pourraient venir perturber le débat au Sénat

Alors qu’Emmanuel Macron annoncera demain à Saint-Nazaire les contours du projet de loi sur le développement des énergies renouvelables, le travail parlementaire a commencé au Sénat. Pour le moment, les sénateurs semblent satisfaits de la méthode mise en œuvre par Agnès Pannier-Runacher sur un texte technique, certes, mais qui pourrait se compliquer si les éoliennes s’invitent dans le débat.
Louis Mollier-Sabet

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En pleine crise énergétique, Emmanuel Macron visitera jeudi 22 septembre le parc éolien en mer de Saint-Nazaire. Le Président de la République entend ainsi saluer la mise en service du premier parc éolien offshore de France, alors que les énergies renouvelables sont appelées à devenir un pilier du mix énergétique français. Au sein de ces énergies renouvelables, l’éolien est un secteur clé, et notamment l’éolien offshore, sur lequel Emmanuel Macron semble miser depuis son discours de Belfort, où il avait annoncé une réduction des objectifs d’installation d’éolien terrestre, pour 40 GW d’éolien offshore prévus pour 2050, soit 50 parcs. C’est donc le premier qu’inaugurera Emmanuel Macron jeudi à Saint-Nazaire, alors que la moitié des éoliennes devraient fournir de l’électricité au réseau à cette date. Et c’est bien cela l’enjeu : produire de l’électricité, qui plus est, décarbonée, alors que la guerre en Ukraine met le réseau électrique à rude épreuve, et que des réacteurs nucléaires sont à l’arrêt pour à cause d’un problème de corrosion des circuits.

« À ce stade ça se passe bien, nous avons eu de bons échanges »

À long, comme à court terme, le développement des énergies renouvelables fait partie des objectifs du gouvernement en matière de politique énergétique, surtout avec le retard pris sur le sujet dans le premier quinquennat du chef de l’Etat. Un projet de loi d’une vingtaine d’articles devrait être présenté lundi 26 septembre en Conseil des ministres, alors qu’Emmanuel Macron devrait dans un premier temps en faire l’ébauche et annoncer quelques mesures lors de son déplacement à Saint-Nazaire. Pour préparer ces travaux parlementaires, et dans la volonté du gouvernement de se concerter en amont avec les parlementaires, Agnès Pannier-Runacher a rencontré une délégation de sénateurs de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ce mercredi. Et une fois n’est pas coutume, les sénateurs semblent plutôt satisfaits de la « nouvelle méthode » du gouvernement. « À ce stade ça se passe bien. On s’est vus la semaine dernière, on s’est revus aujourd’hui avec la ministre Pannier-Runacher et nous avons eu de bons échanges. Je constate avec bonheur que certaines de mes remarques de la semaine dernière sur des points particuliers ont déjà été prises en compte, dans les paroles de la ministre en tout cas », confie notamment Didier Mandelli (LR), qui sera corapporteur du texte au Sénat pour la commission du Développement durable. « Il faut aller vite pour développer les énergies renouvelables, mais la ministre a la volonté de ne pas passer en force dans les chambres », ajoute-t-il vraisemblablement convaincu par la méthode du gouvernement sur le sujet.

Encore plus étonnant, à gauche aussi le travail de l’exécutif sur le sujet semble convaincre. « C’est une séquence parlementaire intéressante ou le gouvernement ouvre vraiment le débat avec l’ensemble du Parlement. Il y a une volonté d’essayer de voir comment on peut trouver un consensus national autour d’un développement des énergies renouvelables, c’est un peu un changement de paradigme », analyse le sénateur écologiste Ronan Dantec, lui aussi présent à la réunion d’aujourd’hui. Tandis que du côté de la majorité présidentielle aussi, François Patriat, président du groupe RDPI au Sénat se dit confiant : « Le débat risque d’être long mais ne devrait pas trop poser de problèmes. » Sur le fond, Ronan Dantec aussi est convaincu qu’un « consensus » sera facile à trouver entre le Sénat et le gouvernement : « Il faut répondre à l’urgence énergétique de la France et le nucléaire ce sera dans 15 ans, on peut donc trouver un consensus national autour du développement des énergies renouvelables. » Le sénateur écologiste précise tout de même que « le texte n’est pas encore à l’échelle sur le rôle des collectivités et l’investissement citoyen », mais compte sur le travail parlementaire pour « le compléter. » Pour Didier Mandelli, « c’est un texte technique », qui comprend « des éléments intéressants », et explique simplement « qu’il faudrait en ajouter d’autres » pour « évoquer les questions d’acceptabilité. »

Vers un véto des maires sur l’implantation de projets éoliens ?

C’est bien là tout le problème. Jusqu’ici, on aurait pu croire qu’Emmanuel Macron avait enfin trouvé la formule magique du « dépassement » permettant de transcender les clivages politiques. Mais à la chambre représentant les collectivités locales, le développement des énergies renouvelables est un sujet explosif, notamment parce qu’il est largement décentralisé, et soulève donc de nombreuses problématiques pour les élus locaux. Sur l’éolien terrestre, notamment, le Sénat vote régulièrement un droit de véto des maires sur l’implantation d’éoliennes, sans que la mesure n’ait jamais été intégrée dans la loi. Dans la configuration parlementaire actuelle, la droite – et notamment la majorité sénatoriale – pourrait-elle revenir à la charge avec plus de succès ? Du côté de l’exécutif, on assure que l’éolien terrestre ne sera pas intégré au projet de loi. Mais les sénateurs semblent bien décidés à remettre le sujet au cœur du débat. « Il faut que l’on soit cohérent avec nous-mêmes », lâche ainsi Didier Mandelli (LR), en rappelant que la majorité sénatoriale avait voté ce fameux véto des maires sur les projets d’installations éoliens ou solaires lors des débats de la loi de décentralisation dite « 3DS » ou dans la loi Energie-Climat en 2019. « Il faut redonner la parole aux élus locaux sur un certain nombre de sujets et que des projets ne soient pas imposés contre leur avis. On ne peut pas faire le bonheur des gens malgré eux, sinon on est dans un régime qui prend une autre forme. Le paysage appartient à tous, c’est un bien commun », ajoute le rapporteur du texte.

Jusqu’à réintégrer ce droit de véto des maires ? D’autant plus que maintenant que la majorité présidentielle dispose d’une majorité relative à l’Assemblée, LR pourrait tenter d’imposer la mesure au gouvernement. Didier Mandelli temporise pour le moment : « Moi je n’ai pas d’a priori, on va auditionner tout le monde, on aura des échanges avec les collègues dans le groupe et au-delà. Je n’ai pas de dogme, je vais essayer de trouver une voie qui permet de rendre compatible le développement des énergies renouvelables et la notion d’acceptabilité, à la fois pour les habitants et pour les élus locaux. » Sans prendre de position ferme pour le moment, on sent bien que la majorité sénatoriale devrait au moins s’attaquer au sujet lors de l’examen au Sénat. Dans tous les cas, l’éolien terrestre devrait s’inviter dans le débat au Sénat, puisqu’à gauche aussi, on ne semble pas décidé à laisser passer l’occasion, mais, à l’inverse, plutôt de mettre un coup d’accélérateur sur la filière. « Le développement rapide de l’éolien terrestre est sur la table », affirme ainsi Ronan Dantec. Les éoliennes ne devraient donc pas manquer de brasser de l’air au Sénat dans les semaines qui viennent.

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