Argelliers : Environmental police illustration

Face à la colère des agriculteurs, l’Office français de la biodiversité dans le viseur

À l’approche du Salon de l’agriculture, le gouvernement a annoncé plusieurs mesures « pour mieux organiser les relations entre l’Office français de la biodiversité et les agriculteurs ». Au Sénat, si pour certains le gouvernement ne va pas assez loin, pour d’autres il risque de mettre en danger les agents de l’OFB.
Rose Amélie Becel

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Ce 21 février, lors d’une conférence de presse en compagnie de Gabriel Attal et d’autres ministres, Christophe Béchu a annoncé une série de mesures pour « mieux organiser les relations entre l’Office français de la biodiversité et les agriculteurs ». Des conventions devraient être passées localement entre les agents de l’OFB et les Chambres d’agriculture, « pour constituer des volets de pédagogie » et ainsi faciliter la perception des contrôles.

Créé en 2020, l’OFB joue un rôle de « police de l’environnement », sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et de l’Agriculture. Une mission de contrôle dénoncée par les syndicats agricoles majoritaires, dont les mobilisations ont eu lieu jusque devant les locaux de certaines agences. Fin janvier, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs avaient adressé une liste de revendications à l’exécutif, parmi lesquelles figuraient le « désarmement des agents » de l’OFB.

« L’OFB est devenu la police religieuse des associations environnementales »

Pour apaiser ces relations, la création de conventions proposée par Christophe Béchu vise par exemple à « mettre en place des outils qui expliquent mieux la réglementation environnementale, par exemple l’organisation de journées de contrôle « à blanc » : des journées où agents de l’OFB et agriculteurs se rencontrent sur une exploitation pour voir ensemble quels points sont contrôlés et quels sont les enjeux de ces contrôles ».

Une méthode saluée par le sénateur centriste Franck Menonville : « Il faut redonner des objectifs clairs à l’OFB. Il faut qu’on soit dans une logique, non pas de culpabilité, ni purement répressive, mais de souplesse. Les textes sont tellement changeants, il faut faire preuve de pédagogie. »

Mais pour le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb, les annonces du ministre de la Transition écologique ne vont pas assez loin. Dans une proposition de loi déposée au Sénat le 24 janvier, l’élu demande la suppression de l’OFB et le retour des deux instances qui existaient avant sa création : l’office national de la faune sauvage captive et l’agence française de la biodiversité. « L’OFB est devenu la police religieuse des associations environnementales. Tant qu’on ne sortira pas de ça, on ne traitera pas le problème. Comment expliquer qu’une police de l’environnement arrive, pistolet à la ceinture, sur les exploitations d’agriculteurs qui ne font que leur travail ? », fustige-t-il.

« Le gouvernement pointe du doigt l’OFB comme des nuisibles »

Lors d’une précédente conférence de presse le 1er février, Gabriel Attal s’était déjà penché sur le sujet de l’OFB. Parmi les annonces de simplification, figure celle de « lancer immédiatement une révision des procédures de contrôle et des échelles des peines, de manière à éviter les procédures infamantes ».

Une série d’annonces qui inquiètent à gauche de la Chambre haute. « Le gouvernement pointe du doigt l’OFB comme des nuisibles », déplore le sénateur écologiste Daniel Salmon. Pour l’élu d’Ille-et-Vilaine, la multiplication des mesures gouvernementales à ce sujet risque même de mettre en danger les agents de l’OFB : « On leur a demandé de faire une pause dans leurs contrôles, depuis on les a délégitimés, on instille le doute. Comment vont-ils être perçus lorsqu’ils vont reprendre leur travail ? »

Sous l’autorité de l’Etat, l’agence se fait discrète et n’a pas réagi aux accusations dont elle fait l’objet dans le monde agricole. Mais plusieurs agents, sous couvert d’anonymat, ont récemment témoigné dans la presse. Auprès de France 3 Centre-Val de Loire, un agent ne cache pas son inquiétude : « On nous demande de travailler prioritairement sur les espèces et les habitats les plus menacés. C’est déjà très difficile. Si demain il faut en plus compter sur un allègement des normes, cela va nous compliquer encore plus la tâche. C’est le sens de notre travail qui est ainsi mis en cause. »

Dans la même thématique

Tractor spray fertilise field pesticide chemical
8min

Environnement

Nouveau Plan Ecophyto : au Sénat, la droite applaudit et les écologistes dénoncent un « grand recul »

C’était une des victimes de la grogne des agriculteurs, en janvier et février dernier. Le plan Ecophyto, troisième du nom, qui avait pour objectif de réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030 par rapport à la période 2011-2013, avait été « mis sur pause » le 1er février. Il était décrié par les agriculteurs, qui manifestaient leur colère contre l’excès de normes et le manque de rentabilité de leurs activités. Une nouvelle version du plan devait voir le jour pour le Salon de l’agriculture, fin février. C’est finalement le 6 mai qu’il sera présenté. Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, en a présenté les grandes lignes dans un entretien au Parisien, ce vendredi 3 mai. Plan Ecophyto quatrième version : un nouvel indicateur Sur le papier, le nouveau plan Ecophyto ne change pas son objectif : réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030, par rapport à la période 2011-2013. Ce qui change, c’est l’indicateur utilisé. Alors que depuis 2008 et le premier plan Ecophyto, c’était un indicateur français, le NoDU (Nombre de doses unités), qui était utilisé pour comptabiliser la quantité de pesticides utilisés chaque année, ce sera dorénavant le HRI-1 (Harmonized Risk Indicator, indicateur de risque harmonisé), un indicateur européen, qui sera utilisé. Gabriel Attal avait annoncé ce changement le 21 février dernier. Du NoDU au HRI-1 : qu’est-ce que cela change ? Ce changement d’indicateur est l’un des principaux enjeux de ce plan. En effet, le mode de calcul est différent d’un indicateur à l’autre. Le NoDU se base, pour chaque substance, sur les doses maximales autorisées par hectare pour chaque produit phytosanitaire. C’est une addition des surfaces (en hectares) qui seraient traitées avec les doses de référence. C’est une statistique au calcul complexe, décrié par certains syndicats agricoles. Pour Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire, il est « catastrophique ». Il ne mâche pas ses mots : « Il a été imposé par des écolos dogmatiques avec un objectif de sortie totale des phytosanitaires ». Le HRI-1, lui, prend la masse des produits phytosanitaires vendus en France et les pondère par un coefficient prenant en compte la dangerosité de chaque produit. Il en existe quatre : 1, 8, 16 et 64, ce dernier correspondant au plus haut niveau de dangerosité. Marc Fesneau se félicite de ce changement : « Si l’on n’utilisait pas le même indicateur que nos voisins, à quoi cela servirait-il ? C’est comme si, pour notre objectif climatique de réduction d’émissions de CO2, nous avions notre propre calculateur et le reste de l’Europe un autre », expliquait-il au Parisien ce matin. Si le HRI-1 permet de donner un poids plus important aux produits les plus nocifs, il présente des défauts. Ses coefficients, qui ne reposent pas sur un calcul scientifique, peuvent être jugés comme artificiels. C’est l’avis d’un ensemble de scientifiques, membres du Comité Scientifique et Technique du plan Ecophyto qui, dans un article au média The Conversation du 21 février dernier, alertait sur « la nécessité de conserver un indicateur prenant en compte les doses d’usage, tel que le NoDU ». C’est aussi l’avis de Daniel Salmon, sénateur écologiste de l’Ille-et-Vilaine. « Aucun indicateur n’est parfait, mais il fallait combiner le NoDU et le HRI-1. C’est possible dans les directives européennes. Si on change d’indicateur en cours de route on n’aura plus rien pour les années d’avant, on va avoir une grosse baisse, c’est normal » explique-t-il à publicsenat.fr. Le nouveau plan Ecophyto : réduire les pesticides nocifs Même si, sur le papier, l’objectif du plan Ecophyto dernière version ne change pas, avec ce nouvel indicateur, son interprétation se déplace. Il passe d’une réduction des pesticides en général, à une réduction des pesticides dangereux. Avec cette nouvelle version, le gouvernement cible les produits qui peuvent se voir interdits par l’Union européenne d’ici trois à cinq ans. Une stratégie que revendique Marc Fesneau dans Le Parisien : « Affirmer que les pesticides sont dangereux, c’est une généralité approximative. Et c’est justement pour ça qu’on en réglemente les usages. Si on les a classés par niveau de dangerosité, c’est bien que certains sont dangereux et d’autres ne le sont pas ou plus faiblement. L’objectif de la stratégie est de mieux connaître le risque de leur usage pour la santé et de le réduire ». Une affirmation avec laquelle Daniel Salmon est en profond désaccord. « On entend la petite musique selon laquelle il y a des bons et des mauvais pesticides. Il y a certes des pesticides plus dangereux que les autres, mais ils sont tous toxiques car ils tuent tous du vivant. Il n’y a pas de pesticide qui soit anodin » confie-t-il. Les autres mesures Autre nouveauté du plan Ecophyto, quatrième version, c’est la concrétisation de la doctrine « pas d’interdiction sans alternative », revendiquée entre autres par la FNSEA. Le ministre de l’Agriculture a en effet annoncé la provision de 250 millions d’euros par an, dont 150 pour financer la recherche de solutions alternatives aux produits phytosanitaires les plus dangereux, qui auront vocation à être interdits. Si Daniel Salmon n’est pas complètement opposé à cette mesure, pour lui, les alternatives doivent être « bien étudiées ». Pas question que cela ne permette de développer de nouvelles molécules. « La recherche doit aussi se faire sur les causes. Les nouveaux ravageurs se développent parce que leur environnement change, et on doit comprendre pourquoi ils pullulent : il y a le réchauffement climatique mais aussi la chute de la biodiversité », ajoute-t-il. Du côté des LR, la somme convient : « 250 millions, c’est ce que je proposais », explique Laurent Duplomb, « mais il faut se poser les bonnes questions ». Pour le sénateur qui est aussi agriculteur, cet argent doit aller aussi à des initiatives incluant les agriculteurs, comme les fermes Dephy, qui cherchent à réduire l’usage de pesticides en développant des alternatives. Enfin, le nouveau plan Ecophyto contient une partie indemnisation, pour les riverains et les victimes de pesticides. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles » La nouvelle mouture du plan est loin de satisfaire les écologistes et l’association de défense de l’environnement Générations Futures. Pour elle, l’abandon du NoDU, c’est « casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre ». « Le HRI1 est un indicateur trompeur puisqu’il affiche une baisse de 32 % entre 2011 et 2021 alors que le NoDU a, lui, augmenté de 3 % de l’usage des pesticides pendant la même période », explique-t-elle dans un communiqué du 3 mai. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles en prétendant ne rien avoir changé à la politique de réduction des pesticides en France ! », peut-on y lire. Son porte-parole François Veillerette, regrette : « La France a longtemps été considérée à l’avant-garde des pays portant une ambition de réduction des pesticides. Avec cette nouvelle stratégie elle rejoint les pays qui mettent tout en œuvre pour que rien ne change, faisant régresser notre pays de 15 ans ! ». Daniel Salmon partage la même colère. « C’est un très mauvais plan », juge-t-il, « c’est un grand recul malgré l’enfumage du ministre. Les producteurs de phytosanitaires ont gagné la bataille contre l’opinion publique et les agriculteurs ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots » Du côté droit de l’hémicycle, le plan est bien accueilli. « Enfin ! », se réjouit le sénateur Les Indépendants de la Haute-Garonne Pierre Médevielle, « il était temps d’harmoniser les politiques et de parler d’une seule voix en Europe, pour que nous soyons crédibles ». Sur les pesticides, l’élu se veut mesuré dans sa position : « On ne peut pas vider la trousse à pharmacie, mais il faut arriver à restaurer la confiance ». Il plaide pour une approche « prudente mais réaliste », à l’encontre d’une « écologie punitive ou d’une écologie idéaliste ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots », se réjouit Laurent Duplomb. Pour autant, l’élu dit ne pas se faire d’illusions : « Je n’ai rien à enlever à ce qu’il a dit. Mais on assiste à une multitude d’annonces séduisantes, mais qui ne verront jamais le jour. Depuis les mesures annoncées après la crise agricole, lesquelles ont été réellement mises en place ? ». Le sénateur travaille sur le projet de loi d’orientation agricole, qui passera au Sénat dans l’hémicycle à la mi-juin. Il regrette de ne pas y trouver les mesures annoncées par le ministre.

Le

Face à la colère des agriculteurs, l’Office français de la biodiversité dans le viseur
5min

Environnement

Environnement : le Portugal, paradis des énergies vertes ?

En 2023, la production d’énergies renouvelables a atteint un record historique au Portugal. Bénéficiant des vents de l’Atlantique, le pays s’appuie sur l’énergie éolienne, et fait le pari de l’innovation. Reportage.

Le