Panneau Agriculture Biologique

Filière bio : des agriculteurs qui se sentent « inquiets » et « abandonnés »

Les agriculteurs bio estiment avoir été lésés lors des négociations entre le gouvernement et les agriculteurs. Sur le plan environnemental, ils dénoncent des engagements qui n'ont pas été tenus. Ils se rassemblent devant l’Assemblée nationale ce mercredi, car ils s’estiment être les grands oubliés du gouvernement.
Rédaction Public Sénat

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Dans un communiqué publié le 2 février, la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB) estime que les agriculteurs bio ont été « abandonnés » par le gouvernement au moment de la négociation de sortie de crise. Aujourd’hui, le secteur bio, déjà fragilisé par les aléas climatiques, doit aussi faire face à une chute de la demande. Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, pointe du doigt différents facteurs à cette crise : une forme « d’industrialisation » de la filière (qui cherche à faire des économies d’échelle), la fin de l’aide au maintien, ou encore la mise en concurrence entre le label bio et le label HVE (Haute valeur environnementale). Pour y répondre, les sénateurs écologistes et les agriculteurs bio demandent un soutien public à la hauteur des enjeux et le respect de toutes les normes environnementales.

Une aide de 271 millions d’euros

Parmi les premières réponses de Gabriel Attal aux agriculteurs, la mise en place d’une aide d’urgence de 50 millions d’euros pour la filière bio avait été annoncée. La sénatrice Antoinette Guhl (Les Écologistes) dénonce une somme insuffisante pour les 60 000 fermes engagées en bio : « Cela reviendrait à moins de 1000 euros par ferme, dans un contexte d’effondrement de la demande. ». Philippe Camburet, le président de la Fédération nationale de l’agriculture biologique NAB, lui, invite le gouvernement à s’engager à hauteur de 271 millions d’euros. Les députés s’étaient déjà mis d’accord sur cette somme lors du vote du projet de loi finances 2024, en novembre dernier. L’amendement transpartisan avait finalement été supprimé par l’exécutif, avant l’adoption du projet de loi via l’article 49-3.

Outre l’adoption d’un fonds d’urgence, Antoinette Guhl insiste sur l’importance de l’encadrement des marges pour les distributeurs. Selon elle, ces derniers ont profité de la hausse de la demande en bio pour s’octroyer une marge plus importante : « Pour un kilo de pommes non bio, la marge des distributeurs est de 87 centimes. Pour un kilo de pommes bio, la marge est de 2,17 euros ». La sénatrice de Paris déplore un « système perdant-perdant » dans lequel les consommateurs finissent par se déporter vers des produits moins chers, mais « nocifs pour la santé ».

Les sénateurs écologistes et les agriculteurs de la filière bio, partagent les revendications de tout le secteur et exigent également l’application des lois Egalim. Philippe Camburet revient notamment sur la disposition de 2018. Le texte prévoyait que la part des produits bio constitue 20% de l’offre en restauration collective : « L’objectif aurait dû être atteint en janvier 2022. Deux ans plus tard, on a atteint uniquement 10% du marché ». Antoinette Guhl ajoute, elle, que cette obligation devrait également être « étendue à toute la restauration commerciale ».

Arrêt du plan Ecophyto : un problème de santé publique

Pour répondre aux demandes de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs, le premier Ministre a annoncé une mise à l’arrêt du plan Ecophyto. Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique a de son côté annoncé une révision du texte, qui aboutira fin février. Laurence Marandola, fait part de son inquiétude, alors que la Confédération paysanne n’a toujours pas été consultée à l’heure actuelle : « Cela ne nous évoque rien de bon ». Elle rappelle que lors du dernier vote début janvier, le syndicat s’était prononcé contre l’adoption de ce plan. Si elle concède que des mesures intéressantes avaient été intégrées, elle déplore néanmoins l’absence d’objectif clair de réduction des pesticides.

La FNAB partage la réserve de la Confédération paysanne, et s’inquiète de voir certaines mesures disparaître, tels que le doublement des surfaces bio d’ici 2030 ou encore la possibilité d’indemniser les agriculteurs bio, dont les cultures ont été contaminées par les pesticides des producteurs voisins.

La sénatrice Antoinette Guhl fustige, elle, un problème de santé publique : « Ca n’est certainement pas en supprimant les normes que l’on permettra une meilleure qualité de vie des paysans ». Elle rappelle que les agriculteurs restent les principales victimes de la pollution phyto sanitaire, comme le précise une étude de Santé Publique France (2021).

Renforcer la politique commune européenne

Ce mardi, Ursula von der Leyen a annoncé vouloir « retirer » le projet législatif visant à réduire de moitié l’usage des pesticides dans l’Union Européenne d’ici 2030. Philippe Camburet considère cette décision comme « un très mauvais signal envoyé à l’agriculture biologique ». Pour le président de la FNAB, aujourd’hui, la filière bio a besoin d’un « Green Deal renforcé ». Selon lui, l’objectif d’atteindre 25% de surfaces bio en 2030 est en train de s’éloigner. Il prend notamment pour cible les velléités de l’agriculture conventionnelle qui souhaite « libéraliser toujours plus en renforçant l’utilisation de l’eau et des OGM, tout en accordant une part minime à la recherche. »

De son côté, la porte-parole de la Confédération paysanne fustige une annonce « extrêmement grave » qui confirme « l’abandon de toute ambition de politique commune ». Mais pour Laurence Marandola, le plus grand risque pour l’agriculture biologique en Europe ce sont les NGT (les nouveaux OGM), qui empêcherait toute traçabilité des produits.

À l’échelle européenne, la FNAB, elle, défend une réorientation de la Politique agricole commune (PAC). Philippe Camburet insiste notamment sur la nécessité d’une rémunération pour accompagner les mesures de protection environnementales. Il évoque notamment la réduction des produits phyto-sanitaires pour protéger la qualité de l’eau, la lutte contre l’effondrement de la biodiversité, et enfin la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il rappelle notamment que « l’agriculture biologique a le bilan carbone le plus prometteur, car elle n’utilise pas d’engrais azotés de synthèse ».

La mobilisation se poursuit

Si la Confédération paysanne se réunira ce mercredi pour décider des suites de sa mobilisation, la FNAB, elle, a donné rendez-vous à ses soutiens devant l’Assemblée nationale ce 7 février. Leur objectif : « Nous voulons les convaincre du coût réel de l’agriculture biologique pour la société. Notre bilan est bien moindre que celui de l’agriculture qui pollue et qui rend malade. ».

Le salon de l’Agriculture se tiendra à Paris du 24 février au 3 mars. Un rendez-vous très attendu par la FNAB, qui attend des réponses concrètes sur l’avenir de la filière bio en France. Face aux difficultés, les producteurs craignent que la filière n’attire plus assez de nouvelles installations, voire, qu’elle ne parvienne plus à retenir ceux qui finissent par se tourner vers l’agriculture conventionnelle.

Myriam Roques-Massarin

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