« J’ai du mal à trouver les mots justes pour dire à quel point la situation est terrible aujourd’hui « , confie Heïdi Sevestre. Son sourire et son allure solaire contrastent avec les nouvelles glaçantes qu’elle est venue nous apporter. « J’aimerais un jour pouvoir dire : ça va mieux, mais la situation est apocalyptique », souligne la glaciologue. Originaire de Haute-Savoie, elle a élu domicile dans l’archipel norvégien du Svalbard. Membre du conseil de surveillance de l’Arctique, elle est aux premières loges pour constater les effets du dérèglement climatique sur nos pôles.
« La banquise est un stabilisateur du climat mondial. Ce couvercle blanc, au milieu d’un océan foncé, réfléchit la lumière du soleil et renvoie 90 % de ses rayons. C’est la meilleure clim de la planète, mais elle est en train de fondre par les deux bouts », explique-t-elle. « En quelques décennies, elle a perdu 75% de son volume. Il est possible que d’ici 2040, on connaisse les premiers mois d’été sans banquise. La fonte du Groenland et de l’Arctique, ce sera 65 mètres d’élévation du niveau des mers », alerte la scientifique.
« Caen, la Nouvelle-Aquitaine, l’aéroport de Nice…notre vie de tous les jours va être affectée par le Groenland et l’Antarctique »
Quand elle nous parle de l’état des glaciers, Heïdi Sevestre nous parle de nous. « Notre vie de tous les jours va être affectée par le Groenland et l’Arctique » prévient-elle. « Le Groenland c’est trois fois la taille de la France. L’Antarctique, vingt-cinq fois. On a du mal à imaginer comment des régions si lointaines peuvent nous impacter. Si on perd une partie du Groenland et une partie de l’Antarctique, Caen, la Nouvelle Aquitaine, l’aéroport de Nice, les Pays-Bas, le Bangladesh (…) la Terre entière va être impactée par ça. » L’Europe devrait particulièrement être touchée. « C’est l’un des continents qui se réchauffe le plus vite sur Terre. Ça va devenir de plus en plus violent et irréparable » ajoute la glaciologue.
Comment communiquer sur de telles nouvelles pour les chercheurs ? Heïdi Sevestre reconnaît que la question est épineuse. » En tant que scientifiques, on a à cœur de diffuser des connaissances. Pas pour embêter les gens, mais pour protéger le plus grand nombre de personnes possible (…) C’est important de continuer à s’éduquer sur les effets du changement climatique car sans connaissance, on prendra les mauvaises décisions », souligne-t-elle.
« La transition se fera au niveau local ou ne se fera pas »
Lueur d’espoir au milieu de ce tableau sombre : la mobilisation au niveau local. « Je fais partie des convaincus que cette grande transition écologique se fera au niveau local ou ne se fera pas » déclare Heïdi Sevestre, avec son infatigable optimisme. « Au niveau des communes, on rencontre partout en France des warriors du climat, qui prennent ce sujet à bras le corps. » Exemple à l’appui : la ville de Caen.
« L’agglomération bosse à fond sur la transition. Elle a compris qu’il fallait anticiper maintenant la fonte du Groenland et de l’Antarctique, et ses effets très concrets sur le trait de côte, la hausse du niveau des mers. »
Se mobiliser au niveau local donc. Et rattraper par la main les « climato-jemenfoutistes », préconise aussi Heïdi Sevestre. « Ce sont ses personnes qui ont autre chose à faire, d’autres priorités, elles s’intéressent moins à ces sujets. Elles représentent le ventre mou de la société. Il faut y être attentif. Une de mes plus grosses difficultés, c’est de trouver comment aller là où l’on n’est pas invité. Il y a des territoires où l’on ne réalise pas ce qui va se passer. Il faut que l’on réussisse à embarquer tout le monde. Ça devrait être enthousiasmant de se créer un avenir plus désirable ».
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