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Gestion de l’eau : les préconisations de la Cour des comptes rejoignent celles du Sénat

Au moment où le mercure grimpe en flèche dans l’hémisphère Nord de la planète et que plus de 68% de nos nappes phréatiques se trouvent en dessous des normales, la Cour des comptes a présenté les conclusions de son rapport sur la gestion quantitative de l’eau. Face à la raréfaction des ressources en eau liée au dérèglement climatique, la réduction des prélèvements s’impose comme « l’unique solution », selon les magistrats de la rue Cambon.
Rédaction Public Sénat

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32 milliards, c’est le nombre de mètres cube d’eau prélevés chaque année en France pour répondre à nos besoins, soit 17% de nos ressources. En parallèle, la quantité d’eau renouvelable dont nous disposons a baissé de 14% entre 1990-2001 et 2002-2018 – et la situation ne devrait cesser de s’aggraver dans les années à venir. La raréfaction des ressources en eau, liée à la consommation humaine et au dérèglement climatique, devient une réalité alarmante qui impose des mesures immédiates. C’est l’enjeu auquel entend répondre le rapport de la Cour des comptes publié le 17 juillet, qui préconise une stratégie « déterminée » de réduction des prélèvements d’eau.

Pour les auteurs du rapport, si la politique de l’eau s’est longtemps bornée à organiser sa répartition entre les différents usagers, elle doit désormais être plus ambitieuse et « devenir une politique de protection d’un bien commun essentiel ». « Trop coûteuses ou d’une portée limitée », le rapport écarte les pistes de la désalinisation de l’eau de mer et la réutilisation des eaux usées – la seconde figure dans le Plan eau, présenté le 30 mars par le gouvernement. Le rapport contient onze recommandations pour une meilleure gestion de l’eau.

Sobriété : la réduction des prélèvements d’eau est « l’unique solution »

L’heure est à la sobriété. Pour la Cour, « la réduction des prélèvements apparaît comme l’unique solution à même de résoudre à court terme le problème fondamental du déséquilibre entre la disponibilité de la ressource et le niveau de ces prélèvements ». « Elle n’est pourtant pas encore considérée comme une priorité », ajoute-t-elle. L’institution appelle ainsi l’Etat à renforcer dès aujourd’hui le contrôle des autorisations de prélèvement. Par ailleurs, le rapport fait état du manque de données sur les prélèvements d’eau opérés par l’ensemble de la population et insiste sur la nécessité d’améliorer la qualité des informations, ces dernières étant indispensables à l’optimisation de la gestion de l’eau.

Plus de la moitié des pistes envisagées par la Cour vont dans le sens du rapport d’information sénatorial sur la gestion durable de l’eau dont les conclusions ont elles aussi été rendues courant juillet. Les deux rapports font peu ou prou le même constat. Si le président LR de la mission d’information, Rémy Pointereau, estime que la Cour des comptes sort de son champ de compétences et observe des contradictions dans le rapport, il reconnaît toutefois, et non sans satisfaction que « le rapport de la Cour contient onze propositions et que dix d’entre elles sont communes aux nôtres ».

Des mesures pour inciter les gros consommateurs à changer leurs comportements

Pour inciter les gros consommateurs à changer leurs comportements et réduire les prélèvements, le rapport préconise une tarification progressive « partout où cela est possible ». Celle-ci est déjà prévue par le Plan eau pour les ménages, ainsi qu’à titre expérimental dans plusieurs communes, mais devrait être généralisée. C’est là une mesure similaire à celle du rapport sénatorial. Si le rapporteur socialiste Hervé Gillé convient que le chantier de la tarification différenciée « crée les conditions pédagogiques pour aller vers plus de sobriété », il insiste toutefois sur la nécessité de l’intégrer à un chantier national « pour aller plus loin ». Il concède cependant : « C’est complexe à mettre en œuvre, mais il faut y travailler sur le plan législatif. » La Cour propose également de rétablir un partage plus juste en matière de redevance sur les prélèvements car celle-ci ne tient pas compte de l’évolution de la disponibilité en eau. Emme est en outre supportée « à hauteur de 75% par les particuliers qui ne représentent que 16,4% des prélèvements ».

Pour parvenir à réduire les prélèvements, la Cour des comptes avance également l’idée d’un conditionnement du financement public des infrastructures de sécurisation de l’irrigation agricole à des engagements en matière de réduction des consommations et des prélèvements d’eau. Une mesure qui entre, elle aussi, en résonnance avec les conclusions du rapport sénatorial. Lors de la présentation du rapport à la presse, le sénateur de la Gironde défendait l’idée d’un contrat d’engagement : « Il faut engager tout le monde dans des chemins collectifs et des chemins partagés […] pour aller vers plus de sobriété, plus de performance, mais conditionnées à des politiques d’accompagnement financier pour permettre l’amélioration des process […] à tous les niveaux, à tous les usages industriels, agricoles, mais aussi les syndicats d’eau et d’assainissement, tous les usages de l’eau devraient aujourd’hui, pour demain, rentrer dans ces procédures contractuelles […] C’est le fait de dire qu’on embarque tout le monde dans cette démarche collective, pour qu’on sente bien que c’est une mobilisation de tout un chacun, à la fois collective et individuelle. »

La gouvernance de la politique de l’eau jugée trop « complexe »

Le rapport souligne la complexité de la gouvernance de la politique de l’eau. Comme l’expliquent ses auteurs, « l’État et les collectivités territoriales interviennent dans un mélange de décentralisation historique de la gestion de l’eau et la tentation centralisatrice autour des préfets coordinateurs de bassin ». Le sénateur Hervé Gillé admet que « l’Etat, aujourd’hui, a du mal à assumer une décentralisation efficace et affichée ». Si l’organisation demeure relativement bien structurée au niveau des bassins versants grâce aux comités de bassin, aux agences de l’eau et aux directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, « elle est encore en cours de développement à l’échelle des sous-bassins hydrographiques, où les orientations sont mises en œuvre ». Par ailleurs, les schémas d’aménagement et de gestion des eaux étant élaborés sur neuf ans, ces derniers ne seraient « pas toujours actualisés et parfois ne sont plus adaptés à la situation ». L’Etat favoriserait ainsi « une politique contractuelle au détriment de la planification, au risque d’ajouter un facteur de confusion supplémentaire ».

Pour faciliter la participation des acteurs locaux dans la gestion de l’eau, la Cour des comptes plaide pour une simplification des procédures d’élaboration des schémas de gestion axés sur « des objectifs clairs, mesurables et compréhensibles pour les citoyens ». Enfin, pour « assurer la cohérence entre la politique de l’eau et les autres politique », la Cour défend la généralisation des commissions locales de l’eau dans tous les bassins hydrographiques, ainsi que leur saisine pour avis « systématique » sur les documents d’urbanisme et de développement économique.

L’eau est une ressource vitale reconnue par l’ONU comme une condition préalable à tous nos droits fondamentaux. L’accès, le partage et la préservation de nos ressources représentent donc un enjeu central pour nos politiques publiques. Canicules, incendies, sécheresses, destruction des écosystèmes… Les effets spectaculaires liés au dérèglement climatique que nous observons en ce moment-même – et voués à se multiplier et à s’aggraver dans les années à venir – imposent la mise en œuvre d’actions efficaces et immédiates.

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