« Trois personnes pour me remplacer, c’est une forme de témoignage posthume que je savoure », a plaisanté Christophe Béchu, à l’occasion de la cérémonie de passation de pouvoir organisée à l’hôtel de Roquelaure ce 23 septembre. Dans le nouveau gouvernement de Michel Barnier, les compétences du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires seront en effet partagées entre trois ministères.
Au sein du ministère du Partenariat avec les territoires, Catherine Vautrin aura sous ses ordres trois ministres délégués, chargés de la Ruralité, des Transports et de la Mer. L’ancienne sénatrice Valérie Létard prend la tête d’un ministère de plein exercice, en charge du Logement. Enfin, Agnès Pannier-Runacher quitte l’Agriculture pour prendre les rênes du ministère de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques.
La crainte d’un « démantèlement du ministère de la Transition écologique »
Sur le papier, le portefeuille ministériel d’Agnès Pannier-Runacher s’est donc quelque peu élargi. Rattaché à Bercy sous Gabriel Attal, le dossier de l’énergie revient sous son autorité, porté par l’ex-députée macroniste Olga Givernet, nommée ministre déléguée. Mais, dans le même temps, la ministre macroniste perd la main sur les transports, le logement, ou encore les collectivités territoriales.
Une situation inédite depuis près de vingt ans. Avec le passage de Jean-Louis Borloo au ministère et la tenue du Grenelle de l’environnement, le ministère de l’Écologie était en effet devenu un large pôle, comprenant de nombreux secteurs devant engager leur transition. De ce point de vue, le gouvernement de Michel Barnier opère donc un retour en arrière.
Pour Anne Bringault, directrice des programmes du Réseau action climat, on peut même parler d’un « démantèlement du ministère de la Transition écologique » : « Nous sommes extrêmement inquiets, puisque les leviers de décarbonation que sont le logement et les transports sortent du giron de ce grand ministère de la Transition écologique, une première depuis 2007. »
Des craintes sur la biodiversité
Quelles peuvent être les conséquences concrètes de cette nouvelle répartition des portefeuilles ? « L’intérêt d’avoir toutes ces politiques sectorielles réunies au sein d’un grand ministère, c’est d’avoir une tête qui donne de grandes orientations et objectifs de transition écologique. Aujourd’hui, par exemple, le ministère du Logement est indépendant et n’a donc plus cette corde de rappel écologique », explique Marine Braud, fondatrice associée de la société de conseil Alameda, ancienne conseillère écologie auprès de l’Élysée et de Matignon.
Dépourvu d’une partie de ses anciennes prérogatives, le ministère perd également des moyens humains. Cinq ministres délégués travaillaient sous l’égide de Christophe Béchu, Agnès Pannier-Runacher ne pourra quant à elle compter que sur Olga Givernet pour porter ses politiques. « Derrière les cinq ministres délégués de Christophe Béchu, il y avait cinq équipes pour se battre sur ces sujets. Maintenant, elles ne sont plus que deux, avec probablement trois fois moins de collaborateurs », observe Marine Braud.
Ce manque de moyens pourrait d’ailleurs se ressentir dans un secteur en particulier : la biodiversité. Le sujet, porté par un secrétaire d’État spécifique dans les précédents gouvernements, n’est pour le moment incarné par aucun membre de l’exécutif. Une situation que déplore Marine Braud, elle-même ancienne directrice de cabinet de Sarah El Haïry, lorsqu’elle était chargée du dossier : « Sans ministre délégué, au mieux, Agnès Pannier-Runacher aura une personne dans son équipe sur ces sujets, là où j’avais un cabinet de huit personnes. Ce ne sont plus les mêmes moyens, à terme ce sont donc des sujets qui disparaissent. »
Un agenda chargé, pour un budget réduit ?
À l’occasion de son discours de passation, Agnès Pannier-Runacher a toutefois bien listé la biodiversité parmi ses missions phares, ne cachant pas ses ambitions face à des collègues de l’exécutif certainement plus frileux. « Je serai une voix exigeante au sein du gouvernement, avec la volonté d’agir tous les jours, de ne pas considérer que la nouvelle donne politique serait un appel à l’inaction, bien au contraire », a-t-elle affirmé.
Malgré la réduction du champ d’action de son ministère, l’agenda d’Agnès Pannier-Runacher risque d’être chargé, avec la mise en place de deux feuilles de route primordiales. La programmation pluriannuelle de l’énergie, particulièrement attendue au Sénat, élaborée pour fixer les objectifs de développement des énergies renouvelables et du nucléaire. Et la troisième stratégie nationale bas carbone, conduite pour établir une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Une inconnue demeure dans ce programme chargé : le budget. Après de premières coupes dans les moyens du ministère au mois de février dernier, Bercy prévoyait de nouvelles restrictions dans le Fonds vert ou encore l’électrification des transports. Charge à la nouvelle ministre de préserver les moyens de son ministère au périmètre réduit. Dès son discours de passation, Agnès Pannier-Runacher a en tout cas affirmé qu’elle s’assurerait « que le budget 2025 permette vraiment d’accompagner les classes modestes et moyennes dans leur transition ».