« Industrie verte » : que contient le projet de loi ?

Le projet de loi, présenté en Conseil des ministres, « a deux objectifs : réindustrialiser et décarboner », a résumé le ministre Bruno Le Maire. Un nouveau plan d’épargne, que les parents pourront ouvrir pour leurs enfants, vise à flécher l’épargne privée vers l’industrie verte. Un crédit d’impôts de « 500 millions d’euros » est prévu, tout comme l’accélération des procédures pour créer une usine.
François Vignal

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C’est l’une des cartes du gouvernement pour tenter de tourner la page des retraites. Le projet de loi sur « l’industrie verte » a été présenté ce mercredi matin en Conseil des ministres. Le texte affiche de fortes ambitions. Il entend mêler réindustrialisation du pays, l’un des objectifs d’Emmanuel Macron, et ambition écologique.

Le texte part d’un constat. « Nous avons réussi à réduire nos émissions de gaz à effet de serre, pourtant, tout le terrain gagné est perdu en raison d’importations de produits manufacturés […] dans des conditions environnementales moins satisfaisantes », a souligné le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, en présentant le projet de loi, à l’issue du Conseil des ministres. Une situation synonyme de fermetures d’usines et d’emplois ouvriers supprimés. Si « nous avons rouvert 300 usines depuis 2017 et créé 90.000 emplois industriels », le gouvernement veut « accélérer avec ce projet de loi industrie verte, qui a deux objectifs : réindustrialiser et décarboner », résume le ministre (voir la vidéo). Cinq filières stratégiques seront soutenues en particulier : « Les pompes à chaleurs, les éoliennes, les panneaux photo voltaïques, l’hydrogène vert et les batteries électriques ». Bruno Le Maire affiche l’ambition :

 L’objectif est que la part industrielle, dans le PNB, tombée de 20 à 10% en 30 ans, remonte à 15% dans les années qui viennent. 

Bruno Le Maire, ministre de l'Economie

Lors de l’entre-deux tours de la présidentielle, Emmanuel Macron avait assuré que son quinquennat « sera écologique ou ne sera pas ». Le projet de loi industrie verte est-il à la hauteur de cette ambition ? Le point sur les différentes mesures prévues par ce texte, dont l’examen débutera au Sénat du 20 au 22 juin, avant de passer à l’Assemblée la semaine du 17 juillet.

  • Sites clés en main et procédures d’autorisation réduites

Le texte vise à favoriser les nouvelles implantations de sites industriels. Il est ainsi prévu de raccourcir les procédures d’autorisation à neuf mois, soit une division par deux de leur durée. Encore faut-il trouver des terrains, alors que le foncier est rare. Un milliard d’euros est prévu pour dépolluer des friches industrielles. L’objectif est de préparer 50 sites clés en main qui seront préaménagés.

La semaine dernière, Emmanuel Macron a par ailleurs appelé à une « pause réglementaire européenne ». « Il ne faut pas que l’on fasse de nouveaux changements de règles, on a besoin de stabilité », a-t-il plaidé, au risque de paraître en contradiction avec son ambition verte, et suscitant les critiques des écologistes.

  • Création d’un nouveau « plan d’épargne avenir climat » avec une rémunération « supérieure au livret A »

Autre point essentiel : « L’argent. L’industrie coûte cher et a besoin de capital », a rappelé Bruno Le Maire. Pour favoriser le financement des projets économiquement vertueux et flécher l’épargne privée vers l’industrie verte, le projet de loi prévoit la création d’un nouveau produit d’épargne. Il s’agit du « plan d’épargne avenir climat », réservé aux mineurs. Il « pourra être ouvert, par les parents […] dès la naissance de leur enfant », avait annoncé dès lundi Bruno Le Maire. Aucun retrait ne sera possible avant que le bénéficiaire n’ait atteint l’âge de 18 ans, sauf en cas de maladie ou de décès.

« La rémunération devrait être supérieure à celle du livret A, car c’est un investissement sur plusieurs années », affirme aujourd’hui Bruno Le Maire. Cependant, « ce ne sera pas, par définition, un taux garanti comme le livret A, mais un investissement de long terme, qui vous garantit dans quasiment tous les cas de figure un niveau de rémunération supérieur à celui livret A », précise le ministre, qui affirme même que ce produit « garantira un niveau de rémunération élevé ». Le taux du livret A est actuellement de 3 %. Il a été augmenté en raison de l’inflation.

L’argent versé sera « affecté à l’acquisition de titres financiers contribuant au financement de l’économie productive et de la transition écologique » selon le texte. L’affectation des fonds sera contrôlée par la Caisse des dépôts et consignations afin de s’assurer que l’épargne soit bien affectée à des investissements « strictement et rigoureusement verts », selon le ministre. Le gouvernement espère que la collecte annuelle pourra atteindre jusqu’à un milliard d’euros.

  • Un crédit d’impôts de « 500 millions d’euros » financés par la baisse d’avantages fiscaux sur le fossile ou « les véhicules trop lourds ou trop polluants »

L’autre branche du financement passe par « la mobilisation de l’argent public, avec un crédit d’impôt de 500 millions d’euros par an pour favoriser le financement « des panneaux solaires, des éoliennes, des batteries électriques, des pompes à chaleurs », a précisé Bruno Le Maire, qui explique que ce crédit d’impôt sera « intégralement financé par la baisse d’avantages fiscaux sur les énergies fossiles ou les véhicules trop lourds ou trop polluants ».

Le ministre vise notamment « les véhicules de flottes ». Il entend aussi « déplafonner le malus du véhicule qui est limité à 50 % de la valeur du véhicule ». « Au-delà, nous allons réexaminer l’intégralité des niches fiscales qui bénéficient aux énergies fossiles », ajoute Bruno Le Maire, qui promet un « accompagnement » des petites entreprises qui seraient touchées.

L’Etat assurera par ailleurs « un niveau élevé de subventions, avec 2,3 milliards d’euros de prêts directs ou de garanties de financement de l’industrie verte, qui sera fournie par la Banque publique d’investissement. Ils seront conditionnés à l’atteinte d’objectifs climatiques par les entreprises », soutient le locataire de Bercy, ce qui « correspond à des demandes des associations et des partis politiques ».

  • Bonus sur l’électrique « réservé aux véhicules produits en Europe » : une forme de protectionnisme économique et environnemental

Le texte comporte aussi une dimension protectionniste. Gros mot pendant longtemps pour les libéraux, la réalité les a fait évoluer. « Je n’hésite pas à le dire : on peut croire au commerce mondial et vouloir protéger nos investissements, nos usines et nos ouvriers », soutient Bruno Le Maire. « Ce sera le cas avec la modification des critères du bonus sur les véhicules électriques (qui va de 5000 à 7000 euros, ndlr). Nous allons mettre des conditions environnementales sur les productions des véhicules électriques […] avec des normes environnementales très strictes », affirme le ministre. Le résultat sera que « l’intégralité du bonus sera réservée aux véhicules produits en Europe. C’est une manière de défendre nos intérêts économiques et nos intérêts environnementaux ».

  • 700 millions pour assurer les formations

Qui dit industrie, dit emploi. Pour répondre aux besoins des « métiers d’avenir », Emmanuel Macron a annoncé la semaine dernière que « 700 millions d’euros seront engagés dès les prochains jours et dans l’année à venir pour faire évoluer la carte des formations à tous les niveaux de diplôme ». « On a besoin […] d’avoir à l’échelle de chaque territoire une carte des besoins et une formation adaptée », a-t-il expliqué, comme avec « l’académie de la batterie dans le Nord ».

L’objectif est notamment « d’augmenter de 22 % les places dans les écoles des Mines et des télécoms, et de créer 100 écoles de production à l’horizon 2027 », a précisé le ministre de l’Economie ce mardi.

Place maintenant au travail parlementaire. L’exécutif, dépourvu de majorité absolue à l’Assemblée nationale, devra convaincre au-delà de ses rangs pour adopter le projet de loi.

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