La dissolution des Soulèvements de la Terre suscite des réactions contrastées au Sénat

En réflexion depuis la manifestation de Sainte-Soline, la dissolution du collectif « les Soulèvements de la Terre » a été actée par décret en conseil des ministres ce 21 juin. Le gouvernement reproche notamment l’organisation de manifestations non autorisées par la préfecture ainsi que des dégradations.
Henri Clavier

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 « Le recours à la violence n’est pas légitime dans un état de droit et c’est bien cela qui est sanctionné », affirme le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, à l’issue du Conseil des ministres pour justifier la dissolution des Soulèvements de la Terre. Formés en 2021, les Soulèvements de la Terre se définissent comme une « tentative de construire un réseau de luttes locales tout en impulsant un mouvement de résistance et de redistribution foncière à plus large échelle ». Le collectif est menacé de dissolution depuis la manifestation de Sainte-Soline le 25 mars dernier. Après deux mois d’hésitation, les manifestations contre la ligne à grande vitesse Lyon-Turin et le rassemblement ayant pris pour cible les serres des Maraîchers nantais, ont poussé le gouvernement à vouloir écarter « cette tentation qui reviendrait à légitimer le recours à la violence pour une idée pour un combat », explique Olivier Véran.

Pourquoi dissoudre les Soulèvements de la Terre ?

 « La dissolution avait été promise après les événements de Sainte-Soline, mais il ne se passait plus grand-chose, donc il a fallu réactiver le sujet », explique la sénatrice LR de Loire-Atlantique, Laurence Garnier, qui a évoqué le sujet lors d’une question au gouvernement, le 14 juin. « Il a fallu les événements chez les maraîchers nantais pour prendre conscience que ces activistes étaient déterminés à continuer à dégrader, à détruire, à arracher des cultures et à violer nos lois pour que le gouvernement se décide à agir ce qui est une très bonne nouvelle », poursuit Laurence Garnier.

Toutefois, plusieurs représentants écologistes contestent la légalité du décret, à commencer par la secrétaire générale d’EELV, Marine Tondelier, qui attend « de voir les éléments pour justifier cette dissolution et ce qui justifie cette atteinte à la liberté d’association ». Pour mémoire, la loi du 24 août 2021 confortant les valeurs de la République, autorise la dissolution d’une association ou d’un groupement de fait en raison d’agissements de l’un de ses membres. Néanmoins, cette responsabilité « par ricochet » n’est en rien automatique et, pour entraîner la dissolution, les agissements doivent être directement liés à l’activité du collectif.

 « Le terme d’éco-terrorisme, en réalité, ce sont ces activistes eux-mêmes qui le revendiquent »

Pour Laurence Garnier, cette qualification ne fait aucun doute. Cette dernière rappelle « l’addition de ces événements, de ces dégradations, de ces violences » et se réjouit du « très bon signal » envoyé par le gouvernement. Les dégradations et violences ayant eu lieu lors des différentes manifestations auxquels participaient les Soulèvements de la Terre ont largement été assimilées à de « l’éco-terrorisme », notamment par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Un mot que la sénatrice de Loire-Atlantique ne récuse pas puisque « le terme d’éco-terrorisme, en réalité, ce sont ces activistes eux-mêmes qui le revendiquent ».

Du côté des sénateurs écologistes, Monique de Marco fustige une « stratégie d’intimidation qui vise à éviter de parler du fond, de l’urgence climatique ». La sénatrice de Gironde rejette la stratégie qui consiste à « assimiler ces gens violents aux Soulèvements de la Terre. Il y a eu de la violence et nous la condamnons, le collectif est assez largement non-violent ». Pour le groupe écologiste, la publication du décret de dissolution du collectif « relève de l’intimidation, avec notamment des arrestations arbitraires. Il y a une volonté d’assimiler les Soulèvements de la Terre à des actions terroristes, l’utilisation du terme d’éco-terrorisme, qui est inquiétante ». Marine Tondelier est revenue ce matin sur l’arrestation d’un militant écologiste pour une manifestation à laquelle il n’a pas participé. 

La crainte d’un précédent liberticide

La dissolution des Soulèvements de la Terre fait également craindre un précédent et une augmentation des dissolutions de collectifs écologistes. « On doit éviter les outrances et les faux procès », affirme Olivier Véran en essayant de désamorcer la polémique. « Des gens violents qui se greffent aux rassemblements c’est devenu commun, on n’a pas interdit les syndicats parce qu’il y avait des violences dans les manifestations pendant la réforme des retraites », tempère Monique de Marco. Cette dernière craint « une criminalisation croissante » des actions d’associations écologistes. Alors que le gouvernement justifie la dissolution par le respect de l’Etat de droit, d’autres craignent à l’inverse une restriction de la liberté d’association et d’expression. La sénatrice de Gironde, Monique de Marco dénonce un « deux poids deux mesures concernant ce type d’actions, puisque les syndicats d’exploitants agricoles ne sont jamais visés, malgré des actions violentes ! »

 

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