Illustraion: ecole de la Republique.

Le casse-tête de la rénovation énergétique des écoles

Alors que près de 45 % du patrimoine des collectivités territoriales sont des bâtiments scolaires, les écoles, collèges et lycées sont en première ligne pour atteindre les objectifs de réduction des pollutions et de neutralité carbone. Pourtant, un rapport de la mission d’information du Sénat pour la rénovation du bâti scolaire exige un meilleur accompagnement des élus locaux, sous peine de ne pas y parvenir.
Thomas Fraisse

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À quoi ressembleront les écoles du futur ? Des cours bardées de végétaux pour filtrer les rayons du soleil afin de créer des « îlots de fraîcheur », une eau de pluie réutilisée pour l’arrosage ou pour les sanitaires… Aujourd’hui, la donne est bien différente. Passoires thermiques, bâtiments vétustes, « baies vitrées incompatibles avec les canicules » ou encore cour de récréation entièrement bétonnée, les bâtiments scolaires ont besoin d’être rénovés. Pour les 51 000 établissements que comptent la France, les strictes exigences des rénovations énergétiques et écologiques – en vue d’atteindre les objectifs européens de lutte contre les émissions de polluants – nécessiteront de mettre la main à la poche. Débutés au 1er février 2023, les travaux de la mission d’information du Sénat, présidée par Jean-Marie Mizzon (UC), dressent le bilan de toutes les améliorations nécessaires pour atteindre des objectifs exigeants et coûteux. « La transition énergétique de ces bâtiments est, en effet, une obligation, qui se traduit par des exigences en termes de baisse de consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre et, plus récemment, d’amélioration de la qualité de l’air », note le rapport.

« L’échéance de 2030 est pour demain, celle de 2040 et 2050 sont pour après-demain. Elles doivent être anticipées dès maintenant », avance Nadège Havet, sénatrice LREM du Finistère et rapporteure. Ces échéances sont fixées par le décret tertiaire, aussi appelé décret de rénovation tertiaire, instauré en 2019 afin de détailler l’application de la loi de transition énergétique en ce qui concerne la rénovation des bâtiments. Ainsi, en 2030 la consommation énergétique des bâtiments français devra être réduite de 40 % par rapport à 2010, 50 % en 2040 et enfin 60 % en 2050.

Toutefois, comme l’explique l’Association des Maires de France (AMF), « il y a encore un long chemin à parcourir pour améliorer l’efficacité énergétique de la plupart des bâtiments scolaires en France ». Le rapport du Sénat, intitulé « le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique : mieux accompagner les élus locaux », propose trois axes d’aides aux collectivités, notamment pour les plus petites mairies étant donné que les grandes villes, les départements et les régions sont moins affectés par les difficultés connexes aux rénovations des bâtiments. Afin de mieux connaître les besoins et les demandes de chaque collectivité, un centre de ressources en lien avec les associations d’élus est proposé pour « connaître précisément l’état des lieux des bâtiments scolaires », d’après les termes de la rapporteure.

« J’ai découvert cette cellule à travers cette mission d’information. Je n’étais pas le seul »

La complexité des rénovations énergétiques des bâtiments est un frein majeur au développement de projets dans les communes. « Des exigences, parfois difficiles à concilier, accentuent encore la complexité de ces projets : l’isolation thermique peut affecter la qualité de la ventilation, la ventilation peut entraîner une hausse des consommations énergétiques, les exigences de conservation du patrimoine peuvent entrer en contradiction avec l’efficacité énergétique (cas des panneaux solaires en zone protégée) », soulève le rapport. Sans aide, les plus petites communes peuvent rapidement être submergées par les difficultés liées aux transitions énergétiques et écologiques.

Pour les aider, le gouvernement a déjà instauré des programmes. La cellule « bâti scolaire », créée sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale, édite des guides de conseils et d’avis afin d’aider les communes à adopter de bonnes pratiques en ce qui concerne la rénovation et éviter les écueils. De plus, le Plan 10 000 écoles, intégré dans le programme EduRenov, présenté par le gouvernement en mai dernier « mise sur l’émergence de projets ‘totem’ pour encourager des projets de rénovation dans d’autres communes, dans une logique d’émulation », assure le rapport. Toutefois, la méconnaissance de ces aides est chronique à toutes les échelles du mille-feuille institutionnel français, jusqu’au Sénat. « J’ai découvert cette cellule à travers cette mission d’information. Je n’étais pas le seul, de nombreux collègues ont été surpris », se désole Jean-Marie Mizzon.

Ainsi, les sénateurs proposent d’aller plus loin. Ils souhaitent que chaque élu local puisse bénéficier d’un appui technique en termes d’ingénierie pour élaborer des projets ambitieux. Une mesure similaire au dispositif instauré par le Plan France Ruralités, qui intégrera 100 chefs de projets aux sous-préfectures dépourvus d’ingénierie. « Nous proposons de créer une plateforme dédiée au bâtiment scolaire, qui contiendrait tous les accompagnements pour les élus afin de mener leurs travaux : normes, conseils, avis et aussi un répertoire », détaille Nadège Havet. À cela s’ajoutera la création d’une adresse courriel par département afin de répondre aux questions des maires et la mise en place de conférences entre les élus et les professionnels du bâtiment de leur territoire pour que les maires « sachent mieux qui fait quoi dans son territoire ».

Des sources de financements à redéfinir

Une fois l’état des lieux établi, le projet dessiné, encore faut-il que la mairie, le département ou la région possède les financements nécessaires. « Compte tenu de la réticence des élus à s’endetter, les subventions et dotations sont une source de financement incontournable », estime le rapport. « DSIL, DETR, Fonds vert, Fonds européens : c’est compliqué à l’échelle des communes rurales de s’y retrouver ! », témoigne quant à lui un maire de Meurthe-et-Moselle, entendu par les sénateurs. Un « parcours du combattant » décrié à travers des acronymes qui découragent les élus locaux. Par exemple, la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), qui existe depuis 2016 pour aider les communes et intercommunalités à mener des travaux, n’a distribué que 25 % de ses crédits. Un état de « sous-consommation », selon le rapport, qui prouve « la nécessité de faciliter l’accès à ces financements ». De plus, les conditions d’accès à certaines subventions apportent une pièce de plus à l’engrenage du découragement. « Certaines subventions sont subordonnées à des études préalables coûteuses », souffle Nadège Havet.

Ainsi, les sénateurs proposent de créer un guichet qui permettrait aux maires d’avoir un interlocuteur unique pour aider les élus à se repérer dans le dédale des sigles et acronymes. De manière plus ambitieuse, le rapport souhaite étudier une « formule forfaitaire dans l’attribution des subventions dans une logique de barème ». Il s’agirait ainsi de définir une subvention par mètre carré en fonction de la qualité du projet proposé par la collectivité. Un modèle de financement « plus simple, transparent et prévisible ». Enfin, le Sénat préconise de réduire le reste-à-charge pour les collectivités territoriales qui s’engagent dans de gros chantiers. Il est aujourd’hui placé à 20 % et pourrait être réduit à 10 %.

« Il y aura une proposition de loi », promet Nadège Havet. Mais ça ne sera pas pour tout de suite. « Il faut un peu le temps de l’écrire, avant octobre et les échéances sénatoriales ce sera compliqué ». L’un des membres du cabinet de la sénatrice glisse même qu’il faudra probablement attendre le premier semestre 2024 avant de voir le texte arriver dans l’hémicycle.

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