Comment modifier notre habitat, notre économie, nos infrastructures dans une France avec des températures moyennes de deux à quatre degrés plus élevés par rapport à l’ère préindustrielle ? Le gouvernement a lancé ce 23 mai une consultation publique, afin de préparer le nouveau plan d’adaptation français au changement climatique, attendu à la fin de l’année.
Comme base de travail, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires propose notamment d’intégrer un scénario plus pessimiste d’une progression des températures moyennes en France métropolitaine de quatre degrés en moyenne d’ici la fin du siècle (trois degrés à l’échelle mondiale, en incluant les océans). Un scénario volontairement dégradé par rapport aux objectifs internationaux, pour se préparer au pire, en parallèle des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette approche a d’ailleurs été approuvée à l’unanimité par la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique (relire notre article).
Une « prise de conscience »
« La nouveauté, c’est donc qu’on va sortir d’une forme de déni consistant à faire comme si le monde allait pleinement respecter l’accord de Paris, à écouter à la fois ce que disent les experts, les climatologues, l’ONU, le GIEC, et donc à imaginer qu’il y a deux trajectoires possibles », a expliqué ce mardi Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique. Les deux premiers plans d’adaptation s’étaient exclusivement basés sur les hypothèses de l’accord de Paris, soit une limitation du réchauffement de 1,5 à 2 degrés.
Le choix de cette trajectoire de référence, qui aiguillera le plan d’adaptation, est au centre du questionnaire de la consultation ouverte au public. Pour le ministre, ce chiffre de quatre degrés vise à provoquer une « prise de conscience » et à obtenir des retours et des recommandations de la part notamment des décideurs, des acteurs économiques, et des collectivités locales.
À travers ces contributions qu’il recueillera jusqu’à la fin de l’été, le gouvernement veut s’assurer qu’il n’y aura « pas d’angle mort » dans l’actualisation du plan national d’adaptation. En bout de course, l’idée est de faire évoluer les différents référentiels techniques, par exemple certaines normes relatives au bâtiment. « Quand on explique qu’on change des référentiels techniques, c’est pour bien faire les choses nouvelles qui vont être mises en place pour faire en sorte de rehausser le niveau de résilience de certaines infrastructures qu’on aura à changer au fil du temps », détaille Christophe Béchu.
Un « pacte » avec les collectivités territoriales
Le ministre a précisé qu’un « pacte de mobilisation, au titre de la planification écologique, entre l’Etat et les collectivités territoriales » serait conclu. Une semaine après s’être entretenu avec les associations d’élus, le ministre a évoqué une « ce qui pourrait être mobilisation conjointe, renforcée et accrue sur ces différents sujets ». De par leurs compétences et domaines d’actions, les collectivités vont avoir un rôle central dans l’adaptation au réchauffement climatique, qu’il s’agisse de remise à niveau de bâtiments ou de plantations d’arbres.
Quant à l’accompagnement économique, le gouvernement veut également imaginer des dispositifs de soutien, pour les secteurs les plus affectés par le changement climatique. « Il y aura évidemment un travail qui se fera avec Bercy », a indiqué Christophe Béchu. Le ministre a également cité que l’avenir du système assurantiel serait un « gros sujet », dans la perspective d’une élévation des températures. La multiplication des « retraits-gonflements » des sols argileux en est l’illustration. Il s’agit de mouvements de sols, dont le volume varie en fonction des épisodes de sécheresse, qui occasionnent des dommages aux constructions. Selon un récent rapport du Sénat, dix millions d’habitations sont déjà potentiellement exposées sur le territoire (relire notre article).
« On mesure aussi que le dérèglement climatique va accentuer un certain nombre de phénomènes qui, jusqu’à maintenant, ont été traités comme étant des catastrophes naturelles et pour lesquels nous n’arrivons pas, avec une caisse de réassurance nationale telle qu’elle existe aujourd’hui, à financer », a mentionné le ministre.
Pour financer les actions nécessaires à l’adaptation au climat de l’horizon 2100, la discussion budgétaire de l’automne donnera un premier aperçu des arbitrages retenus. Mobilisation du Fonds vert ou création de lignes spécifiques ? Le débat parlementaire du projet de loi de finances devra y répondre. Ce sera aussi la question posée durant les consultations menées avec les associations d’élus, qui se poursuivent. Actuellement, « les mesures d’adaptation à mettre en place dès aujourd’hui, quelle que soit la trajectoire d’adaptation fixée, représentent au minimum 2,3 milliards d’euros additionnels par an », a précisé le gouvernement.