C’est l’une des propositions de loi (PPL) les plus polémiques de ces derniers mois. Après un accord en commission mixte paritaire (CMP), la semaine dernière, entre députés et sénateurs, le Sénat a adopté ce mercredi après-midi les conclusions de la CMP sur la PPL Duplomb sur l’agriculture par 232 voix contre 103 et 10 abstentions. Ou plus exactement la PPL « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » de Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire, et du sénateur centriste Franck Menonville, respectivement éleveur et agriculteur.
« Passage en force »
Le texte est en passe de terminer son parcours législatif pour le moins chaotique – il reste encore aux députés à examiner à leur tour les conclusions de la CMP. Après son adoption au Sénat, où les LR et le groupe Union centriste détiennent la majorité, le bloc central (LR et macronistes) ont préféré se faire harakiri par l’adoption d’une motion de procédure.
Un tour de « passe-passe », comme l’a dénoncé le sénateur communiste Gérard Lahellec, qui a permis de rejeter d’emblée le texte et de clore les débats pour contourner la stratégie d’obstruction mise en place par la gauche. Le sénateur écologiste Daniel Salmon y a vu « un passage en force, privant les citoyens d’un véritable débat démocratique », avec « un texte négocié en CMP dans une totale opacité ». Lors de ce conclave parlementaire, le texte du Sénat a donc servi de base au compromis trouvé, qui reste proche de la version sénatoriale. Encore une fois, la Haute assemblée a pu imprimer sa marque sur les travaux législatifs, comme on l’observe depuis plusieurs mois. Elle profite du contexte et de la majorité très relative à l’Assemblée.
« Ces dérogations sur les néonicotinoïdes seront strictement encadrées, limitées dans le temps et réexaminées tous les 3 ans au moins »
Au micro du Sénat, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a salué « un texte solide dans le fond, équilibré dans la forme, capable de rassembler une majorité dans les deux chambres ».
L’article 2 a concentré les débats depuis des mois. Il réintroduit notamment, à titre dérogatoire, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes, l’acétamipride, interdit en France depuis 2018. Il est réclamé par les producteurs de betteraves ou de noisettes, faute d’alternative. Pour les apiculteurs, c’est un pesticide « tueur d’abeilles ». Mais il est « autorisé dans 26 pays de l’Union européenne », a rappelé la rapporteur LR, Pierre Cuypers. « Ces dérogations seront strictement encadrées, limitées dans le temps et réexaminées tous les 3 ans au moins », souligne la ministre.
Le texte de la CMP prévoit aussi le relèvement des seuils d’autorisation environnementale pour les élevages intensifs ou encore la facilitation du stockage de l’eau pour l’irrigation des cultures. Afin de parvenir au compromis, une mesure sur la définition des « zones humides » a été retirée en CMP.
« L’agribashing sans limite »
Dénonçant « l’agribashing sans limite » à l’œuvre, Laurent Duplomb est revenu sur le « déclin de notre agriculture engagé il y a 30 ans » (voir la première vidéo).
Il s’explique selon le sénateur LR par « un long processus de détricotage de la Politique agricole commune, de moins en moins protectrice », « la faute politique de l’agroécologie, miroir aux alouettes, mauvaise graine semée lors du Grenelle de l’environnement » prolongé jusqu’au « Pacte vert » européen, et « le dogme de la montée en gamme, qui a fait reculer la compétitivité de la ferme France ». Laurent Duplomb ajoute : « L’écologisation de tous les débats, y compris les débats agricoles, conduit à leur simplification outrancière, empêchant tous les débats ».
« Impacts dramatiques sur la santé »
Les écologistes et la gauche ont mené une dernière fois bataille contre le texte, en vain. « Au pays de Descartes et de Pasteur, comment accepter un tel recul de la raison, une telle négation de la science ? Car cette loi que vous vous apprêtez à voter est en réalité une loi Trumpiste, de déni scientifique et de rupture démocratique. Oui, une loi de déni scientifique, quand vous réautorisez des pesticides interdits, en niant les impacts dramatiques sur la santé », a dénoncé le sénateur des Ecologistes, Yannick Jadot. Face à cet « obscurantisme scientifique » de la droite, il pointe l’impact des néonicotinoïdes :