Ce mercredi, Olivier Thibault, directeur général de l’Office français de la biodiversité (OFB) était auditionné par la commission du développement durable du Sénat, pour échanger avec les sénateurs sur le rapport rendu par la mission d’évaluation de la loi portant création de l’OFB. L’occasion d’évoquer, dans le contexte de la crise agricole, la question de l’armement des agents de cet établissement et l’application des normes environnementales.
Le Sénat plaide pour un retour en force du nucléaire avec la construction de 14 EPR
Par Gaspard Flamand
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La guerre en Ukraine n’a pas été l’élément déclencheur de ce rapport. Mais éclatant au milieu des travaux et des recherches, elle en a accéléré l’écriture. En particulier sur la question de la sécurité d’approvisionnement et de la réduction de la dépendance énergétique.
Les sénateurs partent d’un constat : « Faute d’une politique cohérente et d’investissements suffisants, l’énergie nucléaire est en déclin. » Ils pointent du doigt la fermeture de plusieurs réacteurs ces dernières années, et surtout celui de Fessenheim. « Une erreur » pour Jean-Pierre Moga, rapporteur de la commission des affaires publiques.
Des problèmes à court et long terme
A court terme et face à cette situation, le rapport, fruit de six mois de travaux et de trente auditions, indique que des coupures ne sont plus à exclure en cas de froid. RTE, le gestionnaire du réseau électrique, a même placé le pays sous vigilance particulière jusqu’en 2024, excluant tout de même un « black-out ».
Des soucis à court terme, donc, mais aussi à long terme. Car le parc nucléaire français fait face à un double défi, toujours selon RTE : la consommation d’électricité pourrait croître de 90 %, alors que les réacteurs actuels devraient tous arriver en fin de vie d’ici 2040.
Une fois ce bilan dressé, que faire ? Pour les parlementaires de la chambre haute, il faut remplacer l’objectif de réduction à 50 % de l’énergie nucléaire d’ici 2035, pour un objectif de maintien à plus de 50 % d’ici 2050. Un mix énergétique qui laisse la part belle au nucléaire. Et pour cela, ils plaident pour la construction de 14 nouveaux EPR, des réacteurs de troisième génération. Pour rappel, Emmanuel Macron a déjà annoncé au mois de février la construction de 6 EPR d’ici 2050, avec une mise en service du premier réacteur aux alentours de 2035. « Il nous faut reprendre le fil de la grande aventure du nucléaire civil en France », déclarait le président candidat.
« Il ne faut pas opposer les différentes sources d’énergie »
Mais pour autant, il n’est pas question de laisser tomber les énergies renouvelables. « Aujourd’hui, aucune production d’énergie seule ne suffira à satisfaire la demande et ce malgré la sobriété, explique Jean-Pierre Moga. Nous ne voulons pas opposer le nucléaire aux autres énergies, car nous restons persuadés que l’on aura besoin de tout. »
Pas d’opposition entre les différentes sources d’énergie, mais tout de même une préférence affichée. « Le nucléaire est certainement le levier de décarbonation qui émet le moins de Co2, toujours selon le sénateur de Lot-et-Garonne. À l’avenir, il va falloir faire face à une production d’électricité beaucoup plus importante. Et pour faire face à une telle demande, le nucléaire est le seul moyen d’y arriver. »
Auditionnée au mois de mai au Sénat, l’ASN, l’Autorité de sûreté nucléaire, mettait en garde face à la perspective de ces nombreux projets. Le président de l’ASN appelait même à un « Plan Marshall pour rendre industriellement soutenable cette perspective et faire en sorte que les entreprises de la filière disposent des compétences et des moyens en temps voulu, détaillait Bernard Doroszczuk. On passe d’une période où l’on n’imaginait pas assez de projets, à une période où l’on a plein de projets, il faut le planifier, sinon les engagements affichés ne seront pas tenables. »
Les sénateurs veulent la création de 30 000 emplois consacrés à la construction de centrales
Reste la question des délais, et des moyens pour y arriver. Comment lancer aujourd’hui la construction de 14 centrales ? Selon les rapporteurs de la commission des affaires économiques du Sénat, il faut un peu plus de dix ans pour en construire une. « Il va y avoir un problème de reconstitution des équipes, alerte Jean-Pierre Moga. Depuis vingt ans, on ne construit plus de centrales. Nous n’avons donc plus suffisamment d’équipes pour permettre d’en construire plusieurs en même temps. » Pour lutter contre cela, les élus du Palais du Luxembourg proposent un objectif : au moins 30 000 emplois consacrés à la construction des nouveaux EPR. Car la question de la main-d’œuvre est centrale : le pays manque d’ouvriers qualifiés. Aujourd’hui, 70 % des besoins en soudeurs, tuyauteurs et chaudronniers ne sont pas satisfaits dans le pays. A l’échelle nationale, 7 000 emplois de soudeurs sont à pourvoir.
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Côté financements, le rapport appelle à plus de souplesse de la législation européenne concernant les financements privés. Cette dernière assimile le nucléaire à une énergie de transition et non à une énergie durable. Et sur les financements publics, les sénateurs insistent sur le fait qu’EDF ne peut pas financer seul la construction de ces nouveaux réacteurs. Ils demandent au gouvernement de présenter un modèle de financement robuste, et de relever les crédits consacrés au nucléaire.