Paris: TV speech by French President Emmanuel Macron on the Public Channel France 2

L’écologie, « moteur de rentrée » d’Emmanuel Macron ?

Interviewé aux journaux télévisés de France 2 et TF1 dimanche soir, Emmanuel Macron a évoqué, parmi d’autres sujets, la question écologique. Cette séquence a eu lieu la veille de la présentation par le Président de sa « feuille de route » pour la transition écologique devant le Conseil de la planification écologique, avec dans la foulée une nouvelle prise de parole pour dévoiler le contenu de ce plan. Décryptage de cet enchaînement d’interventions médiatiques avec Philippe Moreau-Chevrolet, professeur à Sciences Po et directeur du cabinet de communication MCBG Conseil.
Ella Couet

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Pourquoi Emmanuel Macron décide-t-il de prendre la parole sur l’écologie maintenant ?

Il a toujours eu cette façon de faire, c’est son style. Lorsqu’il est content d’une politique, il vient faire le « service après-vente » de sa communication à la télé. Il prend toujours le soin de venir expliquer et donner du sens à un événement. Il dit ce qu’il faut en retenir, afin de sortir d’une situation sur ses propres termes. C’est une manière de créer un événement médiatique, un peu comme un artiste qui signe un tableau.

Cette nouvelle séquence qu’il est en train de créer est une séquence inévitable car nous nous trouvons dans une crise évidente qu’on ne peut pas ignorer. Tous les gouvernements actuels sont obligés, soit de nier la crise climatique comme Donald Trump a pu le faire aux Etats-Unis, soit d’agir pour le climat, ou au moins donner l’impression de le faire. Or Macron a eu un mauvais démarrage, après avoir nommé Nicolas Hulot ministre de l’Ecologie, et ne s’est jamais vraiment relancé depuis. C’est aussi important pour son image, car il mène une politique très à droite depuis la rentrée, en tenant un discours dur sur l’immigration, ou en relançant des thèmes comme l’abaya. Il a besoin de maintenir son fameux « en même temps ». Cette thématique lui permet aussi de diviser la gauche, qui aura probablement des avis divergents sur les mesures annoncées, et c’est ce qu’il recherche.

Cela signifie-t-il que l’on peut s’attendre à un tournant dans la politique en matière d’écologie ?

Permettez-moi une comparaison. Jacques Chirac, lorsqu’il était Président, tenait un discours similaire à ceux de Greta Thunberg sur l’écologie aujourd’hui, mais ne faisait rien. On sait qu’Emmanuel Macron ne tient pas du tout ce genre de discours, il a au contraire tendance à se présenter comme très pragmatique. Mais en raison de la situation d’urgence dans laquelle nous sommes, on peut peut-être s’attendre à des mesures. D’autant plus qu’il s’agit de la fin de son mandat, il ne pourra pas être réélu ensuite. Cela lui offre une plus grande marge de manœuvre, et l’opportunité de laisser un héritage politique. Contrairement à ses prédécesseurs, n’y a pas eu de « grande mesure Macron » fiscale, économique ou régalienne. Il pourrait peut-être y avoir une grande mesure écologique. Et la conjoncture politique y est plutôt favorable, car les climatosceptiques ne sont pas structurés et puissants en France comme ils peuvent l’être aux Etats-Unis.

Le Président dispose d’une petite fenêtre, mais c’est à lui de décider s’il compte agir. Pour l’instant, il n’a pas mené de politique écologique, on est face à une feuille blanche. Il a exprimé quelques bonnes intentions en 2017, mais a surtout envoyé des signaux contraires depuis : la prolongation de l’autorisation du glyphosate, les nombreux cadeaux faits aux chasseurs… La sortie du charbon qu’il a mentionnée hier soir est un engagement qui date de 2017 et qui n’a toujours pas été atteint. On a toutes les raisons d’être sceptiques. La question est de savoir si Macron va continuer à demander, comme c’est le cas par exemple avec les questions de pouvoir d’achat, ou si l’Etat va commencer à imposer, auquel cas nous rentrons dans une séquence politique bien plus intéressante.

Mais le Président a tendance à préférer la discussion et l’organisation de débats à l’action politique, comme lorsqu’il passe un coup de téléphone à Vladimir Poutine pour résoudre la crise ukrainienne. Ce qui pourrait aussi être un frein, c’est qu’il ait peur de l’impopularité car l’écologie est toujours perçue comme quelque chose de punitif, ce don le Président s’est défendu hier, ou comme un produit de luxe à destination des bobos des centres-villes.

Le président a entre autres affirmé qu’il « aime la bagnole » et se refuse à faire de « l’écologie punitive ». Peut-on qualifier l’intervention télévisée d’hier soir de populiste ?

C’était une intervention très démagogique. Le Président essaie d’instaurer un clivage avec les écologistes plus radicaux, comme il l’a fait avec LFI. On avait déjà eu un premier signe de cela avec l’interdiction par Gérald Darmanin des Soulèvements de la Terre, qu’il avait qualifié d’organisation écoterroriste. C’est une stratégie pour ne pas agir sur des sujets embarrassants : il faut désigner les militants les plus convaincus comme des extrémistes. Cela permet de diviser ses adversaires et de marginaliser toutes les critiques qui pourraient être émises, afin de conserver sa liberté de manœuvre. Le recours à cette technique a été un automatisme dans la politique d’Emmanuel Macron.

Pourquoi multiplier les interventions sur le sujet ?

Il cherche à créer une séquence, à occuper le terrain médiatique en position centrale. Il n’a pas de majorité au Parlement et son image a un peu souffert des thématiques abordées avant les vacances, comme la réforme des retraites et les violences urbaines, donc l’écologie est en quelque sorte son moteur de rentrée. Là, il a créé une séquence très à droite avec les débats sur l’immigration, puis une séquence « feel good » avec la venue de Charles III, et maintenant il s’attaque à l’écologie. Cependant, il est étonnant qu’il n’ait pas priorisé le sujet de l’inflation alors qu’il s’agit de la préoccupation numéro un en ce moment. Les Français peuvent légitimement se demander si on ne fuit pas la question du pouvoir d’achat, qui est gérée par Bruno Le Maire uniquement.

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Alors que depuis 2008 et le premier plan Ecophyto, c’était un indicateur français, le NoDU (Nombre de doses unités), qui était utilisé pour comptabiliser la quantité de pesticides utilisés chaque année, ce sera dorénavant le HRI-1 (Harmonized Risk Indicator, indicateur de risque harmonisé), un indicateur européen, qui sera utilisé. Gabriel Attal avait annoncé ce changement le 21 février dernier. Du NoDU au HRI-1 : qu’est-ce que cela change ? Ce changement d’indicateur est l’un des principaux enjeux de ce plan. En effet, le mode de calcul est différent d’un indicateur à l’autre. Le NoDU se base, pour chaque substance, sur les doses maximales autorisées par hectare pour chaque produit phytosanitaire. C’est une addition des surfaces (en hectares) qui seraient traitées avec les doses de référence. C’est une statistique au calcul complexe, décrié par certains syndicats agricoles. Pour Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire, il est « catastrophique ». Il ne mâche pas ses mots : « Il a été imposé par des écolos dogmatiques avec un objectif de sortie totale des phytosanitaires ». Le HRI-1, lui, prend la masse des produits phytosanitaires vendus en France et les pondère par un coefficient prenant en compte la dangerosité de chaque produit. Il en existe quatre : 1, 8, 16 et 64, ce dernier correspondant au plus haut niveau de dangerosité. Marc Fesneau se félicite de ce changement : « Si l’on n’utilisait pas le même indicateur que nos voisins, à quoi cela servirait-il ? C’est comme si, pour notre objectif climatique de réduction d’émissions de CO2, nous avions notre propre calculateur et le reste de l’Europe un autre », expliquait-il au Parisien ce matin. Si le HRI-1 permet de donner un poids plus important aux produits les plus nocifs, il présente des défauts. Ses coefficients, qui ne reposent pas sur un calcul scientifique, peuvent être jugés comme artificiels. C’est l’avis d’un ensemble de scientifiques, membres du Comité Scientifique et Technique du plan Ecophyto qui, dans un article au média The Conversation du 21 février dernier, alertait sur « la nécessité de conserver un indicateur prenant en compte les doses d’usage, tel que le NoDU ». C’est aussi l’avis de Daniel Salmon, sénateur écologiste de l’Ille-et-Vilaine. « Aucun indicateur n’est parfait, mais il fallait combiner le NoDU et le HRI-1. C’est possible dans les directives européennes. Si on change d’indicateur en cours de route, on fausse toutes les références, on  va constater une baisse significative qui ne correspond pas à la réalité » explique-t-il à publicsenat.fr. Le nouveau plan Ecophyto : réduire les pesticides nocifs Même si, sur le papier, l’objectif du plan Ecophyto dernière version ne change pas, avec ce nouvel indicateur, son interprétation se déplace. Il passe d’une réduction des pesticides en général, à une réduction des pesticides dangereux. Avec cette nouvelle version, le gouvernement cible les produits qui peuvent se voir interdits par l’Union européenne d’ici trois à cinq ans. Une stratégie que revendique Marc Fesneau dans Le Parisien : « Affirmer que les pesticides sont dangereux, c’est une généralité approximative. Et c’est justement pour ça qu’on en réglemente les usages. Si on les a classés par niveau de dangerosité, c’est bien que certains sont dangereux et d’autres ne le sont pas ou plus faiblement. L’objectif de la stratégie est de mieux connaître le risque de leur usage pour la santé et de le réduire ». Une affirmation avec laquelle Daniel Salmon est en profond désaccord. « On entend la petite musique selon laquelle il y a des bons et des mauvais pesticides. Il y a certes des pesticides plus dangereux que les autres, mais ils sont tous toxiques car ils tuent tous du vivant. Il n’y a pas de pesticide qui soit anodin » confie-t-il. Les autres mesures Autre nouveauté du plan Ecophyto, quatrième version, c’est la concrétisation de la doctrine « pas d’interdiction sans alternative », revendiquée entre autres par la FNSEA. Le ministre de l’Agriculture a en effet annoncé la provision de 250 millions d’euros par an, dont 150 pour financer la recherche de solutions alternatives aux produits phytosanitaires les plus dangereux, qui auront vocation à être interdits. Si Daniel Salmon n’est pas complètement opposé à cette mesure, pour lui, les alternatives doivent être « bien étudiées ». Pas question que cela ne permette de développer de nouvelles molécules. « La recherche doit aussi se faire sur les causes. Les nouveaux ravageurs se développent parce que leur environnement change, et on doit comprendre pourquoi ils pullulent : il y a le réchauffement climatique mais aussi la chute de la biodiversité », ajoute-t-il. Du côté des LR, la somme convient : « 250 millions, c’est ce que je proposais », explique Laurent Duplomb, « mais il faut se poser les bonnes questions ». Pour le sénateur qui est aussi agriculteur, cet argent doit aller aussi à des initiatives incluant les agriculteurs, comme les fermes Dephy, qui cherchent à réduire l’usage de pesticides en développant des alternatives. Enfin, le nouveau plan Ecophyto contient une partie indemnisation, pour les riverains et les victimes de pesticides. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles » La nouvelle mouture du plan est loin de satisfaire les écologistes et l’association de défense de l’environnement Générations Futures. Pour elle, l’abandon du NoDU, c’est « casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre ». « Le HRI1 est un indicateur trompeur puisqu’il affiche une baisse de 32 % entre 2011 et 2021 alors que le NoDU a, lui, augmenté de 3 % de l’usage des pesticides pendant la même période », explique-t-elle dans un communiqué du 3 mai. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles en prétendant ne rien avoir changé à la politique de réduction des pesticides en France ! », peut-on y lire. Son porte-parole François Veillerette, regrette : « La France a longtemps été considérée à l’avant-garde des pays portant une ambition de réduction des pesticides. Avec cette nouvelle stratégie elle rejoint les pays qui mettent tout en œuvre pour que rien ne change, faisant régresser notre pays de 15 ans ! ». Daniel Salmon partage la même colère. « C’est un très mauvais plan », juge-t-il, « c’est un grand recul malgré l’enfumage du ministre. Les producteurs de phytosanitaires ont gagné la bataille contre l’opinion publique et les agriculteurs ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots » Du côté droit de l’hémicycle, le plan est bien accueilli. « Enfin ! », se réjouit le sénateur Les Indépendants de la Haute-Garonne Pierre Médevielle, « il était temps d’harmoniser les politiques et de parler d’une seule voix en Europe, pour que nous soyons crédibles ». Sur les pesticides, l’élu se veut mesuré dans sa position : « On ne peut pas vider la trousse à pharmacie, mais il faut arriver à restaurer la confiance ». Il plaide pour une approche « prudente mais réaliste », à l’encontre d’une « écologie punitive ou d’une écologie idéaliste ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots », se réjouit Laurent Duplomb. Pour autant, l’élu dit ne pas se faire d’illusions : « Je n’ai rien à enlever à ce qu’il a dit. 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