L’affirmation est forte, mais pas surprenante. Dans un article de 40 pages, publié dans la revue Earth System Science Data, une soixantaine de scientifiques alertent sur la situation climatique actuelle. Après avoir dressé le bilan de l’année 2024, ils expliquent qu’il n’est plus possible de limiter le réchauffement climatique à 1.5 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Croire que l’objectif fixé lors de l’accord de Paris (limiter le réchauffement climatique en dessous de + 2 °C, et de préférence à + 1.5 °C) est atteignable n’est plus réaliste aujourd’hui.
Pourquoi ? Car les émissions mondiales de CO2 continuent de croître d’année en année. En moyenne, 40 milliards de tonnes de CO2 sont émises dans l’atmosphère en un an, accentuant ainsi le réchauffement de la Terre. Déjà, entre février 2023 et janvier 2024, la température mondiale était de 1.52 °C supérieure à la période 1850-1900. Si cette dynamique continue dans les années qui viennent, on pourra officialiser le dépassement des + 1.5 °C avant la fin de la décennie.
« Rien d’exceptionnel »
Pour beaucoup, cette annonce n’a rien d’étonnant. Chaque année, de nouveaux records de chaleur sont constatés. Avant 2024, c’était 2023 l’année la plus chaude jamais enregistrée. Selon Christophe Cassou, coauteur du rapport, « 2024 n’est pas une année exceptionnelle ou surprenante en tant que telle pour les climatologues ».
Sans réelles contraintes et plan d’action global, il est difficile de forcer les pays à respecter l’accord de Paris. Pour Yamina Saheb, coautrice du dernier rapport du GIEC : « Il n’y aura pas de baisse des émissions, s’il n’y a pas de changement de modèle économique ».
Peu de réactions de la part des politiques
Les 61 scientifiques souhaitent que leur travail éclaire la décision politique, sans pour autant se montrer dogmatiques à l’encontre des chefs d’État. « Nous visons à atteindre […] les décideurs politiques impliqués dans les négociations de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques et les décideurs travaillant dans le domaine du climat » expliquent-ils. La publication de l’étude n’a néanmoins pas suscité de nombreuses réactions de la part des politiques français, même écologistes.
Malgré tout, la question climatique reste à l’agenda. Depuis le 16 juin, les députés examinent la proposition de loi « Gremillet » adoptée par le Sénat et rebaptisée par les députés « proposition portant sur la programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035 ». Le texte fait débat au sein de la classe politique, la droite et l’extrême droite souhaitant développer le nucléaire là où les « insoumis », écologistes et socialistes appellent à investir davantage dans les énergies renouvelables.
Si le vote final est prévu pour le 24 juin, un moratoire a déjà été adopté sur les installations solaires et éoliennes. Une décision qui ne s’inscrit pas vraiment dans la lutte contre le réchauffement climatique… Pour le député « insoumis » Matthias Tavel, il s’agit même d’un « sabotage délibéré […] contre l’intérêt du pays ».
Mathilde Salvaing et Maly Chatin