Loi de programmation énergie climat : des sénateurs dénoncent les « tergiversations » de l’exécutif

Loi de programmation énergie climat : des sénateurs dénoncent les « tergiversations » de l’exécutif

Au Sénat, plusieurs parlementaires qui suivent de près les questions énergétiques s’impatientent, après les reports successifs de la présentation de la loi de programmation sur l’énergie et le climat.
Guillaume Jacquot

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Ce doit être prochaine boussole climatique de l’action climatique française. Elle fixera de grands objectifs sur le front de la production électrique, de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, de la rénovation énergétique, de la sobriété énergétique ou encore des sources d’énergie bas carbone. La matérialisation de la loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC), qui servira d’aiguillon à toute décision en la matière, se fait pourtant attendre.

Certes, le premier texte de ce genre fait bien l’objet de concertations et d’intenses travaux préparatoires, mais son absence se fait de plus en plus sentir en cette rentrée. La première échéance n’a pas pu être tenue. Selon le Code de l’Énergie, sa promulgation aurait dû intervenir avant le 1er juillet 2023, une date connue dès 2019. Actant l’échec du calendrier, deux députés ont d’ailleurs pressé le gouvernement au printemps de déposer devant le Parlement le projet « dans les meilleurs délais ».

À l’automne 2022, Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique, évoquait une adoption « par le Parlement en 2023 », assurant les sénateurs qu’un texte serait déposé « probablement à la fin du premier semestre 2023 ». Entretemps, une concertation nationale s’est engagée. Et le gouvernement a déjà fait adopter deux lois, dans le but d’accélérer les procédures administratives pour l’implantation d’énergies renouvelables ou de réacteurs nucléaires. Le texte industrie verte, cet été, est également arrivé au menu des débats parlementaires, sans stratégie d’ensemble.

Quand les sénateurs regrettaient de légiférer « dans le désordre »

Déjà à l’époque, beaucoup de sénateurs s’étonnaient de devoir délibérer sur ces textes à la fois ramassés et techniques, avant même l’architecture globale qu’est censée incarner la loi de programmation sur l’énergie et le climat. À plusieurs reprises, les rapporteurs ont fait savoir tout le mal qu’ils pensaient de devoir légiférer « dans le désordre ».

Fin avril, au sortir de la séquence sur la réforme des retraites, Élisabeth Borne annonçait que le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat serait présenté à l’automne, sa ministre de la Transition énergétique a réitéré l’engagement début juillet. Soucieux de réunir une majorité autour de ce projet, le gouvernement avait pris soin de réunir sept groupes de travail thématiques, associant des parlementaires des deux chambres et de diverses étiquettes, en lien avec des élus locaux, des organisations professionnelles et la société civile. Ces derniers ont remis leurs propositions à la ministre le 12 septembre, une phase de synthèse doit désormais s’ouvrir.

Embouteillage parlementaire

Problème : rien ne garantit qu’une place soit trouvée dans un agenda parlementaire, toujours plein à craquer à cette période de l’année. En trois petits mois, Assemblée nationale et Sénat vont devoir venir à bout des textes budgétaires, mais aussi d’un bataillon de textes avant ce marathon : partage de la valeur, plein emploi, sécurisation du numérique ou encore le très sensible projet de loi immigration.

Selon le ministère des Relations avec le Parlement, l’interface entre le gouvernement et les deux assemblées, il n’y a plus d’espace d’ici la fin de l’année pour la programmation énergie climat. C’est ce que le journal Le Monde, qui a sondé le ministère, révèle.

L’éventualité d’un nouveau report fait progressivement son chemin, ce que plusieurs membres du Sénat pressentaient. « Cela me désole, mais ça ne m’étonne pas », accueille la présidente des affaires économiques du Sénat, Sophie Primas (LR). « On n’était pas en phase sur les délais de réflexion. »

Investi dans l’un des groupes de travail thématiques pour la préparation de la programmation, Franck Montaugé (PS) est aussi le témoin déçu des « tergiversations » de l’exécutif sur ce dossier. « Je suis à la fois inquiet et mécontent de la tournure que prennent les évènements », réagit l’ancien ingénieur ayant exercé au sein d’EDF-GDF. « Le gouvernement se cogne au fait qu’il n’a pas de majorité suffisante pour avancer comme il le souhaite sur le contenu du texte. D’où le fait de le repousser, et d’évacuer une fois de plus le début et la participation du Parlement. »

Pour le parlementaire du Gers, Agnès Pannier-Runacher s’est fait dépasser par d’autres priorités au sein du gouvernement. « La ministre souhaiterait pouvoir en discuter rapidement. Mais il y a embouteillage au niveau du calendrier, il y a d’autres priorités politiques, comme la loi immigration et d’autres sujets de cet acabit », dénonce-t-il.

Le gouvernement aura la possibilité de préciser ses intentions la semaine prochaine, au cours laquelle la Première ministre doit dévoiler sa feuille de route écologique. Celle-ci doit être présentée en avant-première aux chefs de partis, comme l’a proposé Emmanuel Macron dans sa lettre du 7 septembre. L’horloge tourne, puisque d’autres textes attendus dépendent de la loi de programmation sur l’énergie et le climat : la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).

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