« Lorsque j’ai découvert le texte, j’ai été sidéré. Sidéré que l’on en soit là et qu’une loi comme celle-ci puisse être votée », raconte l’ancien sénateur du Morbihan, Joël Labbé.
Fortement critiquée par les différents groupes de gauche, la proposition de loi qui vise à « lever les contraintes » des agriculteurs, dite loi « Duplomb », a été adoptée par le Sénat après un accord trouvé en CMP. Le texte doit encore subir un ultime vote mardi 8 juillet à l’Assemblée nationale. « J’ose espérer qu’une partie des députés réfléchira bien avant de voter ce texte tant les enjeux sont forts et tant la population est opposée », lance inquiet Joël Labbé. « Cette loi va dans le sens des demandes de la FNSEA (principal syndicat agricole français), c’est la consécration de l’agro-industrie. Elle nie les faits scientifiques qui montrent que l’acétamipride est un danger pour la biodiversité et pour la santé humaine. Il faut absolument combattre cette loi ».
Pour les défenseurs du texte, l’interdiction de l’acétamipride fait office de « concurrence déloyale » dans une Union européenne qui l’autorise encore jusqu’en 2033. De son côté, Joël Labbé pointe une « fuite en avant ». « Il faut au contraire que la France pousse l’Europe à s’aligner sur sa position vertueuse », explique l’ancien sénateur. « Ils disent qu’il n’y a pas d’alternative à ce pesticide ce qui est entièrement faux. L’agriculture biologique, dont je suis un fervent défenseur, offre cette alternative. Mais je sais très bien qu’au Sénat, ils n’en veulent pas ».
« Nous étions très isolés »
Et de fait, ce refus, l’ancien élu l’a longuement pratiqué. Durant ces deux mandats de 2011 à 2023, il s’est illustré sur les questions environnementales, en particulier sur la lutte contre l’usage des pesticides. En 2017, il parvient à faire adopter la loi Labbé qui encadre l’utilisation des pesticides sur le territoire français, les interdisant progressivement dans les espaces verts et les jardins domestiques. « Les pesticides sont des armes de destruction massive. Ce sont des poisons pour l’humanité. Je leur réponds avec d’autres armes, celles que chantait Léo Ferré, des armes qui mettent de la poésie dans les discours », déclarait-il à la tribune le jour de l’adoption de son texte.
« Avec mes collègues parlementaires, nous étions très isolés sur les questions écologiques », se souvient-il. « Mais nous avons fini, à force de persuasion, à convaincre les sénateurs que je qualifie de « bonne volonté » contrairement à la frange la plus dure ». En février 2015, il pousse un coup de gueule remarqué. Devant un gouvernement socialiste qui refuse d’interdire les néonicotinoïdes, ces pesticides tueurs d’abeille, l’ancien sénateur retire sa cravate à la tribune, enfreignant ainsi le règlement du Sénat.
Aujourd’hui, celui qui se qualifie comme un « optimiste de nature », fait de l’opinion publique son plus « fidèle allié ». « De plus en plus de gens se rendent compte que nous allons dans le mur », assure-t-il. « Avec le soutien de la population, ils seront obligés de se ranger ».