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Lutte contre les mégafeux : un accord trouvé entre le Sénat et l’Assemblée nationale

Initiée par le Sénat, et adoptée par les deux chambres en première lecture mais dans des termes différents, la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre les feux de forêt a fait l’objet d’un accord ce lundi, lors d’une commission mixte paritaire. Retour sur les principaux dispositifs de ce texte.
Romain David

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Fumée blanche pour la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre les feux de forêt. Sept sénateurs et sept députés, rassemblés en commission mixte paritaire (CMP) ce lundi 19 juin, se sont accordés sur une version commune de ce texte, issu des travaux du Sénat. Cette proposition de loi entend adapter la réponse aux incendies hors normes qui ont frappé la France ces dernières années, notamment en 2022, sous l’effet du réchauffement climatique. Transcription des recommandations d’un rapport sénatorial remis l’année dernière sur l’intensification du risque incendie, elle se décline en huit thématiques, qui incluent notamment la mise en place d’une stratégie nationale, la gestion et l’aménagement des zones à risque, la mobilisation du monde agricole, une meilleure sensibilisation des populations, et surtout, davantage de moyens pour les sapeurs-pompiers.

Adopté le 4 avril au Sénat, le texte, porté par la majorité sénatoriale de droite et du centre, avait été accueilli très favorablement par l’Assemblée nationale, où il a été voté le 17 mai en séance publique à la quasi-unanimité (197 pour, 0 contre et 30 abstentions). La plupart des modifications apportées allaient vers un renforcement des mesures mises en place par la Chambre haute, et ont été conservées en CMP. « C’est un long travail législatif qui se termine par cet exercice, réussi, de compromis », salue auprès de Public Sénat le sénateur Pascal Martin, l’un des rapporteurs du texte au Palais du Luxembourg et le co-auteur du rapport sénatorial sur les feux de forêt. « Nous ne pouvons que saluer le soutien apporté par l’Assemblée nationale aux avancées que nous portions. Il reste quelques sujets sur lesquels nous ne nous sommes pas entendus, mais nous ne les laissons pas tomber pour autant », ajoute l’élu.

Un plan de lutte national

Les premiers articles de ce texte prévoient l’élaboration d’une stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies. La mise en place de cette stratégie doit se faire dans l’année suivant la promulgation de la loi, en concertation avec les différents acteurs de terrain, notamment les collectivités territoriales. La liste des partenaires a été élargie par les députés, notamment aux fédérations départementales et nationales de chasseurs, aux syndicats de rivières et des parcs naturels régionaux.

Interdiction de fumer en forêt et alentour

Mesure la plus emblématique, ou du moins la plus médiatique de ce projet de loi : l’interdiction de fumer dans une forêt exposée à un risque d’incendie a été élargie par les députés à l’ensemble des bois et forêt du territoire national, et ce jusque dans un périmètre de 200 mètres. Cette interdiction doit couvrir une période « à risque » établie par arrêté préfectoral. La sanction pénale en cas de provocation involontaire d’un incendie de forêt peut atteindre jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende s’il est à l’origine de la mort d’une ou de plusieurs personnes.

L’article 30 bis établit une journée nationale de la résilience « pour assurer la préparation de la population face aux risques naturels et technologiques ». À la charge des collectivités, des établissements scolaires ou encore des associations de veiller à la sensibilisation des citoyens. Le gouvernement voulait instaurer des actions d’informations et de prévention en entreprise, mais les sénateurs ont fait retoquer cette modification, ne voulant pas faire peser une obligation supplémentaire sur les employeurs.

Obligations légales de débroussaillement

Le texte entend également renforcer les obligations légales de débroussaillement, peu appliquées selon le rapport sénatorial. Il s’agit de mieux contrôler l’interphase ville-forêt ; conserver les végétaux sous bonne taille, en particulier dans les zones arides et sèches, ralentit les départs de feu, freine la progression des incendies et diminue leur intensité.

Les obligations légales de débroussaillement (OLD) seront désormais signifiées dans les documents d’urbanisme afin d’informer acquéreurs et autres locataires de parcelles. Les sanctions prévues en cas de manquement ont été alourdies par le Sénat. Lorsque le débroussaillage est pris en charge par la commune, il est prévu que les propriétaires concernés s’acquittent d’une redevance.

En revanche, le crédit d’impôt pour des travaux réalisés par des particuliers dans le cadre des obligations légales de débroussaillage, que défendait le Sénat, n’a pas été retenu. « Seules 30 % des obligations légales de débroussaillage sont réalisées. On avait imaginé un dispositif incitatif, inscrit dans le temps. Nous avons voulu remettre ce sujet dans les débats, mais durant une négociation, il faut parfois savoir donner pour mieux reprendre », glisse le sénateur Pascal Martin. « Nous saurons réinscrire ce dispositif dans d’autres textes, je pense au projet de loi de finances de cet automne. »

Par ailleurs, l’Assemblée a fait rajouter des règles spécifiques au débroussaillage des sites Seveso, ces zones industrielles qui présentent « un risque technologique majeur ».

Renforcer les moyens de lutte

Un important volet de la proposition de loi concerne les moyens alloués aux Services départementaux d’incendies et de secours, notamment en termes d’effectifs, avec un objectif affiché de 250 000 sapeurs-pompiers volontaires en 2027.

Le Sénat a proposé des réductions de cotisations patronales pour chaque employé sapeur-pompier volontaire mis à la disposition des Sdis. Cette mesure a été régulièrement défendue par la Chambre haute qui, dans un rapport de 2018 sur le volontariat, s’alarmait de la baisse importante du nombre d’engagés. Le gouvernement a largement revu le dispositif, qui ne concerne plus que le secteur privé, avec une exonération limitée à 2 000 euros par salarié, pour un plafond de 10 000 euros par entreprise.

« De par mon expérience personnelle d’ancien colonel des sapeurs-pompiers et d’ancien maire, je sais bien que les salariés du public, notamment dans les petites communes, sont plus facilement mobilisables. Malheureusement, nous n’avons pas réussi à remporter l’adhésion du gouvernement », explique encore Pascal Martin à Public Sénat. « Je leur ai fait savoir que nous remonterions au créneau sur ce point ». En effet, ce dispositif déployé à titre expérimental fera l’objet d’un point d’étape en 2026, avant une éventuelle pérennisation.

Par ailleurs, la proposition de loi, à l’initiative des députés, exonère totalement les véhicules des Sdis du paiement de l’assise sur l’essence et les gazoles, une mesure qu’a tenté de faire rejeter le gouvernement, mais qui a reçu le soutien du Sénat. La Haute Assemblée s’était d’abord prononcée pour une exonération « partielle », mais celle-ci semblait plus complexe à mettre en œuvre.

Une entrée en vigueur rapide

Avant que la proposition de loi ne soit définitivement considérée comme adoptée, les conclusions de la commission mixte paritaire feront encore l’objet d’un vote solennel devant les deux chambres du Parlement, les 28 et 29 juin prochains, ultime étape du parcours législatif. Mais devant le large soutien reçu par ce texte, il ne devrait s’agir que d’une simple formalité. « Il était important pour nous, au regard de ce qui s’est passé l’année dernière, que certaines dispositions puissent entrer en fonction dès cet été », conclut le sénateur Martin.

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