Les néonicotinoïdes de nouveau source de polémique. En plein Salon de l’agriculture, l’usage dans les cultures de ces pesticides interdits en France depuis 2018 revient encore une fois dans le débat. Fin janvier, le Sénat a adopté une proposition de loi polémique sur le sujet rédigée par Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (UDI) afin de réintroduire à titre dérogatoire une partie de ces produits, sous certaines conditions d’utilisation. Le premier cité dénonçait notamment les « surtranspositions » des règles européennes en France, qui conduirait à une « concurrence déloyale » par rapport à d’autres pays de l’UE. Le nombre de pesticides autorisés dans la production de noisettes en France est par exemple bien plus réduit qu’au sein des frontières d’autres membres des 27.
Après de très longues discussions dans l’hémicycle, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, s’était montrée favorable au vote de cette mesure, issue d’un compromis. Selon elle, il s’agit là d’une « dérogation strictement proportionnée ». Invitée de la matinale de Public Sénat ce mardi 25 février, la ministre chargée de la Ruralité Françoise Gatel a défendu l’idée de « trouver un équilibre entre protection de l’environnement et capacité des agriculteurs à produire ». « Aujourd’hui, on devrait avoir un principe […] : on ne supprime aucune solution sans en avoir trouvé une autre », a-t-elle ajouté.
Dénonciation de l’« agribashing »
Si la France a donc prohibé l’utilisation de la plupart des néonicotinoïdes, de nombreux autres pays européens continuent de les utiliser. Or, certains des aliments issus de ces productions se retrouvent ensuite dans les rayons des supermarchés français. « Il faut que la France soit exigeante, on ne peut plus accepter dans notre pays de commercialiser des produits dont on interdit la production en France », justifie Françoise Gatel. Une problématique qui s’applique aussi pour d’autres types de produits, alors que l’accord de libre-échange Mercosur, signé par la Commission européenne avec plusieurs pays d’Amérique du Sud, fait toujours l’objet d’une intense opposition de la part de la France.
Pour ce qui est des néonicotinoïdes, beaucoup d’agriculteurs évoquent le manque d’alternatives à leur usage. « On a vu pour certains marchés, y compris de produits légumiers, comme la betterave, que si on n’autorisait pas de manière ponctuelle et provisoire un certain nombre de produits, le marché pouvait se déplacer totalement en Allemagne », affirme la ministre. « Ça montre la nécessité d’accélérer en matière de recherche. » Au niveau européen, l’acétamipride, le produit dont la réintroduction a été votée au Sénat, pourra être employé par les agriculteurs jusqu’en 2033.
Quoi qu’il en soit, les associations écologistes font grise mine face à cette annonce. Elles rappellent le caractère nocif et prouvé par la science de ces produits. Mi-février, la Fondation pour la nature et l’Homme a ainsi dénoncé une proposition de loi qui « traduit la volonté des sénateurs d’abandonner toute volonté politique de réduire leurs usages, y compris pour les néonicotinoïdes, alors que leurs effets sur la santé sont documentés et alarmants ». Françoise Gatel, elle, assure qu’il faut continuer de trouver un « chemin vers ce mode d’agriculture qui est celui du développement durable ». Mais la ministre fustige aussi dans le même temps certains militants écologistes, qui, d’après elle, mettent en place un « agribashing » et « hurlent » contre les producteurs français car ils ne seraient « pas assez écolos » voire « écocides ».