Nucléaire : EDF optimiste sur la capacité des réacteurs français à fonctionner au-delà de 60 ans
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Dans le cadre du projet de relance du nucléaire décidé par Emmanuel Macron en 2022, après des années à envisager un arrêt progressif des réacteurs, la filière se penche désormais sur la question de la prolongation de leur utilisation.
Auditionné ce 4 avril dans le cadre de la commission d’enquête sur l’électricité, Cédric Lewandowski – en charge de la direction du parc nucléaire pour EDF – se dit optimiste : « L’intégralité du parc d’EDF n’aura peut-être pas la capacité d’aller au-delà de 60 ans. Mais, notre conviction c’est que, au vu des éléments scientifiques et techniques, un certain nombre de réacteurs auront sans aucun doute cette capacité. »
En décembre 2019, en Floride, deux réacteurs en fonction depuis le début des années 1970 ont reçu une autorisation d’exploitation allant jusqu’en 2052 et 2053, soit 80 ans après leur mise en marche. Des installations nucléaires « de la même nature que les nôtres », précise Cédric Lewandowski, « au vu de ces éléments, il nous semble logique que l’on ouvre le sujet ».
Un avis de l’Autorité de sûreté nucléaire attendu en 2026
Avant d’atteindre les 80 ans, les réacteurs français devront déjà franchir la barre des 60 ans. Le gouvernement a demandé à l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) d’étudier cette première possibilité. « Les 56 réacteurs du parc nucléaire actuel ont la capacité d’aller à 60 ans », affirme de son côté le directeur exécutif d’EDF.
L’ASN n’est pas aussi confiante, dans son rapport rendu au gouvernement l’été dernier elle affirme qu’un certain nombre de pièces essentielles au fonctionnement des réacteurs risquent d’être fragilisées par le vieillissement. Un avis toutefois non définitif, que l’autorité entend approfondir avant de prendre définitivement position en 2026.
S’ils étaient amenés à fonctionner dix ans de plus, les réacteurs français feraient donc l’objet d’une cinquième « visite décennale », procédure réalisée par EDF environ tous les 10 ans pour examiner le respect des normes de sûreté. Pour Cédric Lewandowski, ces cinquièmes visites « seront probablement concentrées sur l’adaptation au dérèglement climatique ».
Des défis liés au changement climatique
Il y a un an, la Cour des comptes se penchait sur cet enjeu dans un rapport, considérant la sécheresse comme le risque le plus important, la raréfaction de l’eau pouvant compromettre le refroidissement des centrales. Mais Cédric Lewandowski identifie également un autre enjeu, potentiellement à risque : l’augmentation de la modulation. En fonction des besoins en énergie, la production d’un réacteur peut, en effet, être en permanence diminuée voire interrompue. « Aujourd’hui, on nous a demandé de moduler de 10 gigawattheures dans la journée, parce qu’il y avait eu beaucoup de production d’éolien », explique le directeur exécutif d’EDF.
Problème : ces demandes de modulation, qui nécessitent parfois jusqu’à l’arrêt de la production, sont de plus en plus fréquentes. « Ce qui est compliqué dans la vie d’un réacteur, c’est son démarrage et son arrêt. Si, demain, nous devons aller vers une fréquence d’arrêts plus importante en raison d’une modulation liée à l’arrivée des énergies renouvelables, ou au dérèglement climatique, il faudra regarder cela de très près techniquement », prévient Cédric Lewandowski.
Autre défi d’avenir pour EDF : le lancement à Flamanville du premier EPR français. Sans cesse décalé, le groupe a annoncé la semaine dernière que le raccordement du réacteur au réseau électrique était prévu pour l’été 2024. Ce ne serait pour autant pas la fin des obstacles pour le projet, qui accuse douze ans de retard et une facture multipliée par quatre depuis l’ouverture du chantier. En 2026, l’EPR devra déjà être arrêté, pour remplacer le couvercle de la cuve du réacteur qui présente plusieurs défauts de fabrication. Une « très grosse opération », qui conduira à « un temps d’arrêt très conséquent », rappelle Cédric Lewandowski.
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