Office français de la biodiversité : « Nos agents ne sont pas des écolos bobos parisiens qui ne comprennent rien à la vie des territoires », dénonce Olivier Thibault

Ce mercredi, Olivier Thibault, directeur général de l’Office français de la biodiversité (OFB) était auditionné par la commission du développement durable du Sénat, pour échanger avec les sénateurs sur le rapport rendu par la mission d’évaluation de la loi portant création de l’OFB. L’occasion d’évoquer, dans le contexte de la crise agricole, la question de l’armement des agents de cet établissement et l’application des normes environnementales.
Camille Gasnier

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« Nous avons besoin de l’OFB », voilà comme Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a débuté cette audition organisée en vue de la clôture des travaux de la mission d’évaluation de la loi du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité (OFB). Un rapport a été rendu le 25 septembre par Jean Bacci, sénateur apparenté Les Républicains du Var, rapporteur de la mission. Il fait état d’un déficit de légitimité de l’agence, notamment dans ces compétences de police de l’environnement. Le rôle positif de l’OFB est néanmoins souligné. 29 propositions sont ainsi formulées, allant dans le sens d’une meilleure communication de l’action de l’OFB et d’une adaptation des missions de la police de l’environnement. L’Office français de la biodiversité est en effet doté de prérogatives de polices administratives et judiciaires. Il a ainsi pour objectif, au travers de ses inspecteurs, de rechercher et de constater les infractions au droit de l’environnement. Ils sont, à ce titre, détenteurs d’une arme.

« Je suis persuadé que l’OFB est un bouc émissaire »

Ce rapport intervient dans un climat de défiance du monde agricole à l’égard de l’Office français de la biodiversité. Dans le cadre de l’opposition à l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, plusieurs sites de l’Office français de la biodiversité ont été la cible des contestations du monde agricole. Dans la Creuse, des agriculteurs se sont introduits dans les locaux de l’établissement, plusieurs insultes et menaces ont été proférées à l’égard des agents présents. A Beauvais, du fumier et des pneus ont été jetés.

A ce sujet, Olivier Thibault s’agace : je ne suis pas « certain que l’OFB ait le moindre impact sur le Mercosur ». Pour lui, « l’OFB est un bouc émissaire ». Il assure que ces agents « sont des fonctionnaires de terrain […] c’est plus simple de taper sur les gens qu’on voit tous les jours plutôt que sur des gens que l’on ne connaît pas, qui sont toute la journée dans des bureaux. Une manière pour Olivier Thibault de contrer l’idée selon laquelle les agents de l’OFB seraient hors-sol : « Nos agents ne sont pas des écolos bobos parisiens qui ne comprennent rien à la vie des territoires […], ils sont ancrés dans les territoires, et ne sont pas du tout hors-sol ».

« Une arme, ce n’est pas quelque chose que l’on cache dans la boîte à gants de sa voiture »

En marge de la contestation agricole, les syndicats dénoncent également le port d’armes par les agents de l’OFB. La Coordination rurale et la FNSEA ont appelé au désarmement des agents de l’OFB, Olivier Thibault estime qu’ « on ne peut pas remettre en cause cet armement qui est constitutif de cette police ». Si le rapport d’information recommande de « proportionner la visibilité du port de l’arme à la conflictualité potentielle des situations de contrôle », plusieurs sénateurs, à l’instar de la ministre de l’Agriculture, ont formulé des réserves à l’égard de ce port d’armes. Daniel Guéret, sénateur Les Républicains d’Eure-et-Loir, estime que l’armement des agents de l’OFB « n’est pas la meilleure façon pour valoriser sa mission et pour rapprocher les points de vue ». Stéphane Demilly, sénateur centriste de la Somme, propose une « progressivité dans l’équipement des agents », en fonction de la situation. Pour Michaël Weber, sénateur socialiste de la Moselle, ce n’est pas un sujet : « J’ai vu beaucoup des réunions publiques où des agents de police et de gendarmerie étaient armés, ce n’est pas pour autant que je me suis senti menacé ». Un constat partagé par Jacques Fernique, sénateur écologiste du Bas-Rhin : « Il faut arrêter avec cette crispation sur l’armement ».

Olivier Thibault rappelle, qu’« une arme, ce n’est pas quelque chose que l’on cache dans la boîte à gants de sa voiture ». Le directeur général de l’Office français de la biodiversité assure que « l’arme n’est pas faite pour être utilisée, c’est un outil de dissuasion », et souligne qu’ « il n’y a que 4 fois où l’arme a été sortie, et un agent a tiré une seule fois, c’était à Mayotte, parce qu’on avait un agent qui avait une machette sous la gorge, et qui avait sa vie en jeu ». Par ailleurs, pour le directeur général de l’OFB, le sujet est ailleurs : « Pourquoi un agriculteur, quand il voit débarquer un agent de l’OFB a peur ? Le problème c’est le sentiment d’insécurité de l’agriculteur face à la loi environnementale ».

Un meilleur encadrement de la police environnementale

Sur l’encadrement des prérogatives de la police environnementale, la mission préconise de créer une charte de déontologie dans l’objectif « d’encadrer de façon objective l’exercice de la police environnementale », ainsi qu’une inspection générale de l’OFB « pour maîtriser les risques liés à l’exercice de l’activité de police de l’environnement ». Deux propositions reprises par Olivier Thibault : « Nous avons élaboré une charte de déontologie […], et nous sommes en train de mettre en place une inspection générale des services », à l’image de l’IGPN ou de l’inspection générale des services de l’Office national des forêts.

« Les actions de pédagogie et de sensibilisation occupent une part trop limitée de l’emploi du temps des agents de l’OFB »

Jean Bacci recommande également un meilleur accompagnement des acteurs face aux normes environnementales, ainsi qu’une meilleure communication des actions de l’OFB. Il estime que « les actions de pédagogie et de sensibilisation occupent une part trop limitée de l’emploi du temps des agents de l’OFB ce qui contribue à accentuer l’image répressive de l’établissement ». Le rapporteur pointe que « la complexité et le foisonnement réglementaire, dont nous sommes en partie responsable, entraîne un sentiment d’exaspération de la norme environnementale ». Une communication qui permettrait, selon Nicole Bonnefoy, sénatrice socialiste de la Charente, de « faire comprendre que les normes ne sont pas contre les agriculteurs mais bien pour les accompagner dans la transition ». Olivier Thibault déclare qu’il « souhaite faire plus de communication » au sein de l’OFB, dans le but d’être plus « pédagogue ». Néanmoins, la pédagogie ne fait pas tout : « On voit bien tous que s’il n’y a pas de sanction et de contrôle, les règles ne sont pas appliquées ».

 

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