Pacte vert : Ursula von der Leyen veut garder « le cap », les écologistes regrettent « un discours  timoré »

Pour la dernière rentrée de sa mandature, la présidente de la commission européenne, Ursula von der Leyen a défendu son bilan devant les eurodéputés réunis à Strasbourg. La cheffe de l’exécutif a notamment défendu son « Pacte vert » face aux réticences qu’il suscite y compris au sein de son propre camp. Les écologistes regrettent, eux, le manque d’ambition de la cheffe de l’exécutif européen.
Simon Barbarit

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Depuis le Traité de Lisbonne de 2010, c’est un rendez-vous annuel qui lance la rentrée politique européenne. Mais à neuf mois des élections, le discours sur l’Etat de l’Union de la présidente de la commission européenne, prononcé devant les parlementaires réunis à Strasbourg, a pris des allures de bilan. Réforme de la politique migratoire, soutien à l’Ukraine, prémisses de la construction d’une Europe de la Santé après la crise du Covid 19, défense des droits dans le domaine du numérique… Et bien sûr le Pacte vert ou « Green deal » lancé au début de son mandat fin 2019 et qui vise à la neutralité carbone en 2050.

La responsable politique allemande qui laisse planer le doute sur sa volonté de briguer un second mandat, connaît les réticences qui entourent depuis déjà plusieurs années l’application de son plan, en particulier au sein de propre camp conservateur. Ces réticences ont été accentuées au fil des crises qui se sont succédé ces dernières années. La veille, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, membre du Parti populaire européen (PPE) a mis en garde contre les possibles conséquences de la politique environnementale de l’Union. « Si on veut une politique climatique qui reste ambitieuse, il faut tenir compte des PME et des citoyens » […] « Il y a ceux qui perdent leur maison à cause des catastrophes climatiques et ceux qui ne peuvent financièrement se mettre en conformité avec des réglementations trop contraignantes pour eux. Ceux-là, on ne peut pas se permettre de les perdre ».

« Nous aurons toujours à cœur de garantir une transition juste et équitable »

Le message a semblé avoir été reçu par Ursula von der Leyen. « Quand il est question du Pacte vert pour l’Europe, nous gardons le cap, nous restons ambitieux, nous ne dévions pas de notre stratégie de croissance. Et nous aurons toujours à cœur de garantir une transition juste et équitable. Nous continuerons à soutenir l’industrie européenne tout au long de cette transition », a-t-elle rassuré.

En direction des industriels, la présidente de la commission a indiqué vouloir faciliter encore davantage la délivrance de permis aux éoliennes. Elle a également annoncé l’ouverture d’une enquête sur les subventions publiques chinoises aux automobiles électriques pour défendre les constructeurs de l’UE face à des « prix artificiellement bas ».

Pour mémoire dès le début de la pandémie de Covid-19, les lobbies industriels et le patronat avaient appelé à freiner des quatre fers sur le développement du Pacte vert. Et Bruxelles avait tenu bon faisant du Pacte vert « une boussole » de la relance de l’économie. « Il y a une vraie volonté de la commission de maintenir les objectifs de réduction des émissions. Les grandes lignes sont déjà tracées dans le cadre financier pluriannuel qui court jusqu’en 2027. L’enjeu sera la renégociation de ce budget après les élections européennes », rappelle Pierre Martin-Grenier, professeur à Science Po et spécialiste des affaires européennes.

« Je me reconnais dans les mots d’Ursula von der Leyen lorsqu’elle dit qu’on peut conjuguer agriculture et protection de la nature »

Adopté en 2020, le cadre financier pluriannuel (CPF) prévoit 373,9 milliards d’euros pour la catégorie « ressources naturelles et environnement » dont 336,4 milliards dédiés à la politique agricole commune (PAC).

La responsable allemande chrétienne-démocrate a justement eu un mot pour les agriculteurs qui « sont soumis à l’impact croissant, sur leur travail et leurs revenus, de l’agression russe contre l’Ukraine, du changement climatique […] mais aussi à de nouvelles obligations ». « Nous avons besoin de davantage de dialogue et de moins de polarisation. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons engager un dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture dans l’UE. Je suis et demeure convaincue que l’agriculture et la protection de la nature peuvent aller de pair », a-t-elle assuré.

Il y a quelques mois, plusieurs élus de droite appelaient Ursula von der Leyen à abandonner la stratégie « Farm to fork » (de la ferme à la fourchette) qui prévoit notamment de réduire de moitié l’usage de pesticides et de 20 % celui des engrais, à baisser de 50 % les ventes d’antimicrobiens pour les animaux d’élevage et de consacrer un quart des terres cultivées à l’agriculture biologique.

Dans le contexte du conflit ukrainien, Sophie Primas (LR), présidente la commission des affaires économiques du Sénat et Jean-François Rapin (LR), président de la commission des Affaires européennes du Sénat, envoyaient un courrier à la présidente de la commission pour demander la suspension de la mise en jachère de 4 % des terres agricoles, conduisant selon eux à une forme de décroissance.

« Le Pacte vert va à l’encontre de certains objectifs de l’Union européenne comme la souveraineté alimentaire. Je me reconnais dans les mots d’Ursula von der Leyen lorsqu’elle dit qu’on peut conjuguer agriculture et protection de la nature. C’est peut-être facile à dire maintenant après les tensions sur le blé et les intrants engendrées par la guerre en Ukraine, mais ce discours-là, il aurait fallu l’avoir avant le Pacte vert », estime Sophie Primas.

« C’était un discours timoré d’un membre du PPE qui considère la transition écologique comme un handicap à la compétitivité

Du côté des écologistes, « le cap » fixé par la présidente de la commission n’a pas non plus rassuré. « Elle a parlé du Pacte vert pour le mettre au crédit de son bilan. C’était un discours timoré, vide, d’un membre du PPE qui considère la transition écologique comme un handicap à la compétitivité. Elle n’a pas été dans le sens d’un changement de modèle où l’écologie redonnerait du sens à l’économie. J’ai plutôt senti qu’elle voulait faire une pause et repartir vers une politique pro business. Et d’ailleurs, le discours de Manfred Weber (président du groupe PPE) était beaucoup plus positif que l’année dernière », analyse l’eurodéputé écologiste, David Cormand.

Hormis le plan climat, le Pacte vert reste inachevé avec 37 textes encore en négociation, dont ceux, très disputés, sur la « restauration de la nature » et l’encadrement des pesticides.

Farouchement opposé au texte « restauration de la nature », Manfred Weber a salué « la nouvelle phase du Pacte vert » : « Nous écoutons aussi nos travailleurs, PME, agriculteurs, jeunes […] Et nous voulons un Green Deal européen et non chinois », s’est-il félicité.

 

Qu’est-ce que le Pacte vert ?

Le Pacte vert pour l’Europe ou Green deal, adopté en décembre 2019 est la priorité du mandat d’Ursula von der Leyen qui court jusqu’à fin 2024, après les élections européennes de juin. Les précédentes élections avaient vu une poussée au Parlement européen des formations écologistes. Proposée au Parlement européen par les 27 Etats membres comme présidente de la commission, Ursula von der Leyen a été élue par 383 voix, neuf de plus que la majorité absolue fixée à 374. Quelques mois plus tôt, elle avait affirmé aux eurodéputés que le défi le plus pressant était « la protection de la planète ».

L’objectif principal du Pacte vert consiste pour l’Union européenne à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Les émissions de gaz à effet de serre fortement réduites seraient alors captées par « les puits carbone », comme les forêts.

L’un des points forts du Pacte vert a été adopté en 2021 il s’agit de la loi climat. Ce texte fixe notamment un objectif intermédiaire dans la réduction des émissions de CO2 de l’UE, fixé au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Cette loi instaure un système de suivi des efforts des Etats membres qui sont évalués tous les cinq ans.

Tous les domaines de compétence de l’Union sont concernés par le Pacte vert, agriculture, mobilité, industrie, biodiversité, numérique… Les Etats membres et le Parlement se saisissent des propositions de la Commission en la matière et plusieurs accords ont été trouvés comme la fin de la vente des voitures thermiques en 2035.

Selon le service de recherche du Parlement européen, en février 2023, 148 propositions avaient été formulées par la Commission pour répondre à l’objectif du Pacte vert ». 56 % ont été présentées et un peu moins d’un quart (24 %) a été adopté par les colégislateurs, le Parlement et le Conseil européen.

 

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