Epandage agricole

Pause du plan Ecophyto : « C’est une grave erreur pour la biodiversité, mais aussi pour les agriculteurs »

Ce jeudi midi, lors d’une conférence de presse, Gabriel Attal a annoncé que le plan Ecophyto serait « mis à l’arrêt ». Critiqué par les agriculteurs mobilisés, ce plan prévoit la réduction de moitié de l’usage des pesticides d’ici 2030. Des parlementaires de gauche et écologistes dénoncent vivement la décision.
Rose-Amélie Bécel

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« Nous allons remettre sur l’ouvrage le plan Ecophyto, (…) le temps d’en retravailler un certain nombre d’aspects, de le simplifier », a déclaré le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, lors d’une conférence de presse accompagné du Premier ministre. Une annonce immédiatement saluée par le président des Jeunes Agriculteurs Arnaud Gaillot, dont le syndicat dénonce aux côtés de la FNSEA une législation française plus dure que la règlementation européenne en matière de pesticides.

Un troisième plan Ecophyto, présenté en octobre

L’engagement de la France de réduire de moitié son usage des produits phytosanitaires ne date pas d’hier, le premier plan Ecophyto a été pris à l’issue du Grenelle de l’environnement de 2007. La troisième version de ce plan avait été présentée en octobre dernier, lors d’un comité d’orientation stratégique. L’objectif est toujours le même : réduire de moitié l’usage des pesticides, cette fois-ci avec un calendrier s’étalant jusqu’en 2030.

Pour éviter des tensions similaires à celles rencontrées lors de l’interdiction des néonicotinoïdes, le plan Ecophyto 3 prévoyait également de proposer aux agriculteurs des solutions alternatives « chimiques et non chimiques » pour remplacer 75 molécules, parmi les plus utilisées en France et susceptibles d’être interdites dans les prochaines années.

Le sénateur socialiste Bernard Jomier, auteur d’une proposition de loi visant à indemniser les victimes des produits phytopharmaceutiques, déplore donc un recul soudain : « Marc Fesneau a toujours plaidé pour une réduction de l’usage des pesticides, avec un discours argumenté. Aujourd’hui, il jette tout un projet de transition à la poubelle. »

« Cela fait déjà 20 ans qu’on stagne sur le sujet »

Si les objectifs du plan Ecophyto étaient vivement critiqués par les principaux syndicats agricoles, les élus écologistes dénoncent également son inefficacité. « Ce n’était certainement pas le moment de mettre ce plan sur pause, puisque cela fait déjà 20 ans que l’on stagne sur le sujet », déplore le sénateur écologiste Daniel Salmon.

En décembre dernier, une commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les produits phytosanitaires en France a rendu un rapport, pointant une forme « d’incurie » et « d’impuissance » des pouvoirs publics dans ses politiques de réduction de l’usage des pesticides. Le député socialiste Dominique Potier, agriculteur et rapporteur de la commission d’enquête, avait comparé Ecophyto à « un archétype d’un échec des politiques publiques faute de cohérence » et « d’injonctions économiques contradictoires ».

« Cela va créer du dissensus entre les Français et leurs agriculteurs »

Pour autant, la mise à l’arrêt de ce plan risque de causer d’autres dommages. « C’est une grave erreur pour la biodiversité, mais aussi pour les agriculteurs, car il n’y a pas d’agriculture sans nature et le préjudice des pesticides sur la biodiversité est aujourd’hui largement connu et documenté », déplore le sénateur de Paris. Selon une étude du CNRS, publiée en mai dernier, « l’augmentation de la quantité d’engrais et de pesticides » causée par « l’intensification de l’agriculture » est à l’origine de la disparition de 60 % d’espèces d’oiseaux dans les milieux agricoles européens.

Pour Bernard Jomier, mettre le plan Ecophyto en pause pourrait ainsi s’avérer contreproductif : « Cela va créer du dissensus entre les Français et leurs agriculteurs, en nourrissant le discours selon lequel les pratiques agricoles détruiraient la biodiversité ». Une position partagée par la secrétaire nationale des Ecologistes (anciennement Europe Ecologie-Les Verts) Marine Tondelier, affirmant sur Twitter que « le gouvernement peut décider de ne plus protéger l’eau, la terre, la biodiversité et même notre santé. Mais avec ça nos agriculteurs ne gagneront pas non plus ».

Enfin, la mise à l’arrêt d’Ecophyto interroge aussi d’un point de vue légal. « La protection de la biodiversité est inscrite dans la charte de l’environnement qui a valeur constitutionnelle », rappelle Bernard Jomier. Des décisions de justice ont par ailleurs déjà dénoncé un non-respect des objectifs des plans Ecophyto précédents. En juin dernier, le tribunal administratif de Paris a ainsi condamné l’Etat pour « fautes » en matière de protection de la biodiversité, en raison de son échec à respecter ses engagements en matière de réduction de l’usage des pesticides.

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