France Climate

Planification écologique : la méthode suscite l’inquiétude des sénateurs 

Après son intervention télévisée, le 24 septembre, Emmanuel Macron présente ce lundi 25 septembre le plan du gouvernement, issu des travaux du Secrétariat général à la planification écologique, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le but ? Respecter les objectifs européens et ceux de la stratégie nationale bas carbone.
Henri Clavier

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Le 16 avril 2022, dans l’entre-deux-tours de  l’élection présidentielle, Emmanuel Macron annonçait vouloir charger sa future première ministre de la planification écologique. Pour quelles raisons ? « Parce que cela concerne tous les domaines, tous les secteurs, toutes les dépenses, tous les équipements, tous les investissements, bref toutes les politiques », répondait le président de la République. Un an et demi plus tard, alors que le Secrétariat général pour la planification énergétique (SGPE) présente sa feuille de route, la capacité d’action de cet organe est remise en question. La planification écologique, dont la présentation de la feuille de route a déjà été repoussée plusieurs fois, doit permettre de réduire de 55% les émissions de CO2 d’ici 2030, conformément aux objectifs de l’Union européenne. Les moyens d’atteindre ces objectifs ont été détaillés par le président de la République ce 25 septembre.

L’idée initiale, empruntée à Jean-Luc Mélenchon, candidat malheureux du premier tour de la présidentielle, vise une méthode participative afin d’organiser la transition écologique dans tous les secteurs. Au Sénat, certains critiquent un coup de com’ alors que le Secrétariat général de la planification écologique peine à prendre forme. « Dans la globalité, c’est assez flou. J’ai trouvé que le président de la République était assez brouillon dans ses annonces. On avance à tâtons », regrette le sénateur écologiste du Rhône, Thomas Dossus, en désaccord avec la méthode.

Une planification verticale ?

 « Comme dit le Président, « l’écologie à la française » et donc la planification, signifient que chaque territoire s’adapte, à sa façon pour rentrer dans les clous d’une planification plus globale. Cette formule montre aussi que nous refusons l’écologie punitive et souhaitons la concertation avec les élus et les acteurs locaux », commente Nadège Havet, sénatrice RDPI du Finistère, pour expliciter les mots d’Emmanuel Macron. En insistant sur la possibilité pour « chaque métropole de s’adapter », la sénatrice désamorce l’une des principales critiques adressées à la planification écologique, la verticalité. La perception d’un État stratège et peu enclin à la discussion a été un sujet de crispation important pour les collectivités territoriales au moment de la mise en œuvre des textes sur le Zéro artificialisation nette (ZAN) ou sur les Zones à faibles émissions (ZFE). Une verticalité également perçue comme dangereuse par le centriste Patrick Chauvet qui « partage l’orientation de fond, mais pas la forme. » Ce dernier perçoit davantage le SGPE comme « un organe animateur qui doit permettre la concertation avec les territoires. »

 « Pour l’instant, c’est trop étatique, trop vertical, un peu trente glorieuses », affirme Thomas Dossus tout en expliquant qu’au « vu du chaos climatique qui arrive il faut un plan sur le long terme, donc oui la planification est nécessaire. Construire une planification, c’est contraindre, faire des choix et établir une priorité. » Une dernière dimension que les leaders des partis de gauche, qui se sont entretenus le 18 septembre avec Élisabeth Borne à ce sujet, trouvent insuffisante.

 « Les arbitrages ne vont pas vraiment dans le sens du Secrétariat général »

Si les décisions peuvent apparaître opaques et centralisées au sein du SGPE, Nadège Havet y voit surtout un « moyen d’impliquer tous les ministères, et pas seulement le ministère de la transition écologique, afin de créer une politique publique véritablement transversale. » En somme, l’ambition présidentielle consiste à centraliser les décisions au sein du SGPE en mobilisant des crédits irriguant tous les ministères et créer une synergie. Néanmoins, à gauche de l’hémicycle, on regrette un problème de méthode, une approche verticale contradictoire avec l’objectif final. « Pour l’instant, les arbitrages ne vont pas vraiment dans le sens du Secrétariat général. Il faut aussi donner un poids politique au SGPE », pointe Thomas Dossus qui regrette l’absence de vision à long terme, notamment budgétaire.

Paradoxalement, la planification semble encore reposer sur une approche de court à moyen terme. Par exemple, Emmanuel Macron annonçait une sortie du charbon pour 2027, une promesse déjà formulée en 2018… pour l’horizon 2022. « Il y a besoin d’un niveau d’investissement sur plusieurs années. 7 milliards c’est bien, mais on ne sait pas ce qui sera ajouté les années suivantes. Il faut une loi de programmation sur le climat, ça devient indispensable », martèle Thomas Dossus. Emmanuel Macron avait pourtant fait de cette vision à long terme le cœur de son ambition affirmant que cette « politique des politiques » devait aller « deux fois plus vite ». Si le président de la République souhaitait « susciter une mobilisation générale de la nation pour l’environnement « avec la création du SGPE, les effets pourraient s’avérer limités sans changement de méthode.

Les mobilités, angle mort du Secrétariat général pour la planification énergétique ?

Des effets qui paraissent d’autant plus limités que certains secteurs semblent constituer des angles morts de la stratégie gouvernementale. « Pour l’instant c’est encore difficile de nous parler de planification au sens propre du terme, les 100 milliards promis sur le ferroviaire, n’ont toujours pas de traduction budgétaire », déplore Thomas Dossus qui rappelle que les transports sont à l’origine de 32.2 % des émissions de CO2 en France. Néanmoins, Nadège Havet nuance, à raison, « qu’un plan d’action général de cette ampleur n’a jamais été fait. » La sénatrice Renaissance dément l’existence d’angles morts sur les mobilités : « Il y a une réflexion importante sur les mobilités du quotidien, le plan vélo mais aussi les RER métropolitains dont le projet de loi va arriver très prochainement au Sénat. » Assurément, la route reste longue pour trouver un consensus sur la méthode à suivre pour le SGPE.

 

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C’était une des victimes de la grogne des agriculteurs, en janvier et février dernier. Le plan Ecophyto, troisième du nom, qui avait pour objectif de réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030 par rapport à la période 2011-2013, avait été « mis sur pause » le 1er février. Il était décrié par les agriculteurs, qui manifestaient leur colère contre l’excès de normes et le manque de rentabilité de leurs activités. Une nouvelle version du plan devait voir le jour pour le Salon de l’agriculture, fin février. C’est finalement le 6 mai qu’il sera présenté. Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, en a présenté les grandes lignes dans un entretien au Parisien, ce vendredi 3 mai. Plan Ecophyto quatrième version : un nouvel indicateur Sur le papier, le nouveau plan Ecophyto ne change pas son objectif : réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030, par rapport à la période 2011-2013. Ce qui change, c’est l’indicateur utilisé. Alors que depuis 2008 et le premier plan Ecophyto, c’était un indicateur français, le NoDU (Nombre de doses unités), qui était utilisé pour comptabiliser la quantité de pesticides utilisés chaque année, ce sera dorénavant le HRI-1 (Harmonized Risk Indicator, indicateur de risque harmonisé), un indicateur européen, qui sera utilisé. Gabriel Attal avait annoncé ce changement le 21 février dernier. Du NoDU au HRI-1 : qu’est-ce que cela change ? Ce changement d’indicateur est l’un des principaux enjeux de ce plan. En effet, le mode de calcul est différent d’un indicateur à l’autre. Le NoDU se base, pour chaque substance, sur les doses maximales autorisées par hectare pour chaque produit phytosanitaire. C’est une addition des surfaces (en hectares) qui seraient traitées avec les doses de référence. C’est une statistique au calcul complexe, décrié par certains syndicats agricoles. Pour Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire, il est « catastrophique ». Il ne mâche pas ses mots : « Il a été imposé par des écolos dogmatiques avec un objectif de sortie totale des phytosanitaires ». Le HRI-1, lui, prend la masse des produits phytosanitaires vendus en France et les pondère par un coefficient prenant en compte la dangerosité de chaque produit. Il en existe quatre : 1, 8, 16 et 64, ce dernier correspondant au plus haut niveau de dangerosité. Marc Fesneau se félicite de ce changement : « Si l’on n’utilisait pas le même indicateur que nos voisins, à quoi cela servirait-il ? C’est comme si, pour notre objectif climatique de réduction d’émissions de CO2, nous avions notre propre calculateur et le reste de l’Europe un autre », expliquait-il au Parisien ce matin. Si le HRI-1 permet de donner un poids plus important aux produits les plus nocifs, il présente des défauts. Ses coefficients, qui ne reposent pas sur un calcul scientifique, peuvent être jugés comme artificiels. C’est l’avis d’un ensemble de scientifiques, membres du Comité Scientifique et Technique du plan Ecophyto qui, dans un article au média The Conversation du 21 février dernier, alertait sur « la nécessité de conserver un indicateur prenant en compte les doses d’usage, tel que le NoDU ». C’est aussi l’avis de Daniel Salmon, sénateur écologiste de l’Ille-et-Vilaine. « Aucun indicateur n’est parfait, mais il fallait combiner le NoDU et le HRI-1. C’est possible dans les directives européennes. Si on change d’indicateur en cours de route, on fausse toutes les références, on  va constater une baisse significative qui ne correspond pas à la réalité » explique-t-il à publicsenat.fr. Le nouveau plan Ecophyto : réduire les pesticides nocifs Même si, sur le papier, l’objectif du plan Ecophyto dernière version ne change pas, avec ce nouvel indicateur, son interprétation se déplace. Il passe d’une réduction des pesticides en général, à une réduction des pesticides dangereux. 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Les autres mesures Autre nouveauté du plan Ecophyto, quatrième version, c’est la concrétisation de la doctrine « pas d’interdiction sans alternative », revendiquée entre autres par la FNSEA. Le ministre de l’Agriculture a en effet annoncé la provision de 250 millions d’euros par an, dont 150 pour financer la recherche de solutions alternatives aux produits phytosanitaires les plus dangereux, qui auront vocation à être interdits. Si Daniel Salmon n’est pas complètement opposé à cette mesure, pour lui, les alternatives doivent être « bien étudiées ». Pas question que cela ne permette de développer de nouvelles molécules. « La recherche doit aussi se faire sur les causes. Les nouveaux ravageurs se développent parce que leur environnement change, et on doit comprendre pourquoi ils pullulent : il y a le réchauffement climatique mais aussi la chute de la biodiversité », ajoute-t-il. Du côté des LR, la somme convient : « 250 millions, c’est ce que je proposais », explique Laurent Duplomb, « mais il faut se poser les bonnes questions ». Pour le sénateur qui est aussi agriculteur, cet argent doit aller aussi à des initiatives incluant les agriculteurs, comme les fermes Dephy, qui cherchent à réduire l’usage de pesticides en développant des alternatives. Enfin, le nouveau plan Ecophyto contient une partie indemnisation, pour les riverains et les victimes de pesticides. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles » La nouvelle mouture du plan est loin de satisfaire les écologistes et l’association de défense de l’environnement Générations Futures. Pour elle, l’abandon du NoDU, c’est « casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre ». « Le HRI1 est un indicateur trompeur puisqu’il affiche une baisse de 32 % entre 2011 et 2021 alors que le NoDU a, lui, augmenté de 3 % de l’usage des pesticides pendant la même période », explique-t-elle dans un communiqué du 3 mai. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles en prétendant ne rien avoir changé à la politique de réduction des pesticides en France ! », peut-on y lire. Son porte-parole François Veillerette, regrette : « La France a longtemps été considérée à l’avant-garde des pays portant une ambition de réduction des pesticides. Avec cette nouvelle stratégie elle rejoint les pays qui mettent tout en œuvre pour que rien ne change, faisant régresser notre pays de 15 ans ! ». Daniel Salmon partage la même colère. « C’est un très mauvais plan », juge-t-il, « c’est un grand recul malgré l’enfumage du ministre. Les producteurs de phytosanitaires ont gagné la bataille contre l’opinion publique et les agriculteurs ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots » Du côté droit de l’hémicycle, le plan est bien accueilli. « Enfin ! », se réjouit le sénateur Les Indépendants de la Haute-Garonne Pierre Médevielle, « il était temps d’harmoniser les politiques et de parler d’une seule voix en Europe, pour que nous soyons crédibles ». Sur les pesticides, l’élu se veut mesuré dans sa position : « On ne peut pas vider la trousse à pharmacie, mais il faut arriver à restaurer la confiance ». Il plaide pour une approche « prudente mais réaliste », à l’encontre d’une « écologie punitive ou d’une écologie idéaliste ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots », se réjouit Laurent Duplomb. Pour autant, l’élu dit ne pas se faire d’illusions : « Je n’ai rien à enlever à ce qu’il a dit. Mais on assiste à une multitude d’annonces séduisantes, mais qui ne verront jamais le jour. Depuis les mesures annoncées après la crise agricole, lesquelles ont été réellement mises en place ? ». Le sénateur travaille sur le projet de loi d’orientation agricole, qui passera au Sénat dans l’hémicycle à la mi-juin. Il regrette de ne pas y trouver les mesures annoncées par le ministre.

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