Environnement
L’Europe, déjà fragilisé par les crises géopolitiques et économiques, peine à protéger ses écosystèmes et à préparer ses sociétés aux effets du dérèglement climatique, prévient l’AEE dans son rapport publié lundi 29 septembre.
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Par Aglaée Marchand
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Mardi 14 octobre, la préfecture des Vosges a annoncé l’interdiction de la consommation de l’eau du robinet dans le village des Arrentès-de-Corcieux. La raison derrière cette restriction ? Un taux de PFAS, des polluants éternels, sept fois supérieur à la norme. Ce bourg de 180 habitants du Grand Est de la France subit probablement la conséquence des épandages de boues de station d’épuration, et vient s’ajouter aux 17 communes des Ardennes et de la Meuse déjà concernées par cette contamination. De quoi alimenter les inquiétudes sur la qualité de l’eau potable.
Plus largement concernée, la moitié nord de la France recense la majorité des cas de non-conformité et des recommandations et non consommation de l’eau selon les ONG Générations Futures et Data For Good, leur étude pointant une « grande hétérogénéité sur le territoire ». Les Hauts-de-France et le Grand Est sont les régions les plus touchées.
Les résultats du contrôle sanitaire des réseaux de distribution d’eau potable sont mis à disposition par le ministère de la santé et certaines Agences régionales de santé (ARS), pourtant ces données sont difficiles d’accès. Alors même qu’une directive eau potable de 2020 de l’Union Européenne impose un devoir de transparence sur ces données à ses États membres, la France a été mise en demeure par la Commission européenne en juillet dernier, pour ne pas avoir fourni correctement ces informations pourtant obligatoires au public. Une mission à présent relevée par les deux ONG, qui mettent en ligne ce jeudi 16 octobre une carte interactive « Dans mon eau », actualisée chaque mois, sur la présence des principaux polluants chimiques dans l’eau du robinet en France.
Dans le global, l’état de l’eau potable est plutôt bon en France révèle l’étude, avec plus de 87 % des unités de distribution (UDI) « conformes à la réglementation et sans dépassement des limites sanitaires », des chiffres qui excluent néanmoins les métabolites de pesticides classés comme non pertinents par les autorités sanitaires, mettent en garde les ONG.
Dans 3 % des UDI (709), l’eau du robinet peut faire l’objet de recommandations de restriction de la consommation pour toute ou une partie de la population. Pour la moitié d’entre elles, il est conseillé aux femmes enceintes et aux nourrissons de moins de six mois de pas consommer l’eau, du fait de la présence de perchlorates.
L’eau du robinet est d’abord encadrée par des limites de qualité, leur dépassement indique « une dégradation de la qualité » et donc une déclaration de non-conformité sans qu’il n’y ait nécessairement un risque sanitaire. Mais aussi par des limites sanitaires, qui correspondent « à la concentration maximale d’une substance ne présentant pas de risque pour la santé », un excédent signifie un possible risque pour la santé et doit entraîner une interdiction de consommation.
En s’appuyant sur les fréquences de quantification et de dépassement des limites, les deux ONG établissent un « cocktail » des cinq catégories des « polluants les plus problématiques » : les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS), les pesticides, les nitrates, le chlorure de vinyle monomère (CVM) et les perchlorates. Ce dernier paramètre n’est toutefois pas réglementé et leur suivi n’est effectué que dans près de 6.5 % des UDI (environ 1 500), sa présence a pourtant été mise en évidence « dans environ 2 % des échantillons sélectionnés au hasard et dans 6 % des échantillons prélevés sur des sites ‘vulnérables’ », et peut induire des risques pour la thyroïde. Dans des communes du Nord Pas-de-Calais, de Picardie et de Champagne Ardennes, les taux particulièrement importants pourraient être liés « aux zones ayant connu des combats pendant la première guerre mondiale ».
En tête des polluants retrouvés : les pesticides, présents dans près d’un tiers (31.5 %) des UDI, et dans 5.7 % de ces réseaux de distribution, leur taux n’est pas conforme. Les métabolites de pesticides, soit les substances issues de leur dégradation, sont responsables de la quasi-totalité de ces cas de non-conformité, au premier rang desquels, le chloridazone desphényl, issu d’un herbicide qui a été utilisé essentiellement pour la culture de betteraves jusqu’à son interdiction en France et en Europe depuis 2020.
Plusieurs milliers de composés synthétiques forment la famille des PFAS, des substances utilisées dans de nombreux secteurs d’activité « pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes et résistantes aux fortes chaleurs ». Y être exposé a été associé à des risques accrus de certains cancers, d’affaiblissement du système immunitaire ou encore d’impact sur le fœtus, énumère le rapport. Pourtant, seules vingt de ces molécules sont considérées dans les réglementations de l’eau potable. Préoccupante, leur présence n’est pas analysée dans plus de la moitié des UDI (52.4 %), s’alarment les ONG, avec un suivi « très lacunaire » voire absent dans la région Occitanie et dans les DROM, à l’exception de la Réunion.
Et les analyses menées, ont parfois pu tarder à arriver. Les ONG pointent du doigt la contamination de la nappe phréatique du Breuchin (Haute-Saône), repérée dès 2010 et potentiellement attribuée à l’usage de mousse anti-incendie au niveau d’une base aérienne à proximité, qui n’a mené à l’étude de l’eau du robinet qu’en 2025.
Parmi les UDI testées, les données sont « plutôt rassurantes », puisque dans 35.3 % d’entre elles, aucun PFAS n’a été retrouvé. Et seules 1.2 % d’entre elles dépassent au moins une des deux limites réglementaires. En France, une loi adoptée le 27 février 2025 prévoit une surveillance obligatoire de leur présence dans l’eau potable par les autorités sanitaires, sur la base d’une liste des molécules ciblées, mais dont le décret n’a pas encore été publié.
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