Ce mercredi, Olivier Thibault, directeur général de l’Office français de la biodiversité (OFB) était auditionné par la commission du développement durable du Sénat, pour échanger avec les sénateurs sur le rapport rendu par la mission d’évaluation de la loi portant création de l’OFB. L’occasion d’évoquer, dans le contexte de la crise agricole, la question de l’armement des agents de cet établissement et l’application des normes environnementales.
Pollution plastique : dans une note scientifique, les parlementaires dénoncent les limites du recyclage
Par Romain David
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« Les déchets plastiques sont globalement faiblement recyclés car leur recyclage se heurte, quelle que soit la technologie utilisée, à des limites techniques, sanitaires et structurelles. » Une note scientifique de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), publiée ce jeudi 29 juin, s’inquiète du faible taux de recyclage des plastiques alors que la production mondiale ne cesse d’augmenter. En dépit des campagnes marketing et des slogans régulièrement déployés par les fabricants, laissant croire au consommateur qu’il achète un produit à l’impact écologique limité, la très grande majorité des déchets plastiques finit enfouie, incinérée ou dans l’océan.
« Il existe une grande variabilité des taux de recyclage selon les secteurs, que l’on parle de l’emballage ou du bâtiment », explique le député MoDem Philippe Bolo, co-auteur de cette note. Les chiffres sont souvent imprécis et varient selon les organismes. L’OCDE estime que seul 9% des déchets plastiques produits à l’échelle de la planète sont recyclés. En France, ce chiffre grimpe à 18,3% pour l’année 2020. Il existe deux grandes techniques de recyclage. Le recyclage mécanique concerne 99% des plastiques recyclés. Ceux-ci sont triés, lavés et broyés avant d’être transformés en granulés qui seront utilisés sous forme de matière première. Le recyclage chimique, nouveauté dans le paysage, est toujours en phase de test. Il s’appuie sur des solvants pour séparer les polymères des autres substances utilisées pour améliorer la qualité du plastique, notamment sa souplesse.
Sur les 390,7 millions de tonnes de plastiques produites en 2021, seuls 8,3% étaient issus de plastiques recyclés. « Actuellement, 98,5% du plastique est d’origine fossile et cette industrie représente 10,7% de la consommation de pétrole », indique l’OPECST. Cette note fait suite à un premier rapport sur les pollutions plastiques publié en 2020 par ce même organe commun aux deux chambres du Parlement, et chargé d’apporter un éclairage scientifique et technologique aux travaux des élus. Déjà à l’époque, l’OPECST évoquait « une bombe à retardement » face à la production exponentielle de déchets plastiques.
« Le recyclage progresse moins vite que la production de plastique »
Si le recyclage est supposé réduire la facture, contrairement à une idée largement répandue, il ne permet pas encore de générer une économie circulaire. En clair, le produit recyclé ne redevient ce qu’il était avant d’être jeté que dans de très rares cas. « Si je prends l’exemple des pots de yaourt en polystyrène, il n’existe pas, en France, d’unité de recyclage », explique la sénatrice socialiste Angèle Préville, l’autre auteure de cette note. « Si vous mettez votre pot dans un bac de recyclage, il fera des kilomètres pour être éventuellement recyclé en Espagne. Il va perdre son agrément alimentaire, c’est-à-dire qu’après avoir été traité il ne pourra plus être mis au contact d’aliments, et sera éventuellement transformé en cintre ». Cette situation interroge sur l’efficacité de la chaîne et, in fine, le bilan carbone d’un tel processus. « Le recyclage est davantage à considérer comme un amortisseur temporaire puisqu’au bout de quelques recyclages on finit toujours par obtenir un déchet », joute-t-elle.
Il serait donc excessif de penser que le seul recyclage puisse contenir notre dépendance au plastique. « Le recyclage progresse moins vite que la production de plastique et ne nous permettra pas d’endiguer la fabrication », constate le député Philippe Bolo. Pour les parlementaires, il s’agit d’un levier, qui doit s’inscrire dans une stratégie plus globale de réduction des déchets, notamment par la promotion du réemploi et de la réparation.
L’OPECST lance également un avertissement sur la multiplication des projets de recyclage chimique, qui tendraient à laisser penser que cette méthode peut se substituer au recyclage mécanique dans un avenir proche : « Il regroupe des techniques variées, encore peu utilisées au niveau industriel et qui soulèvent de nombreuses interrogations, qu’il s’agisse de leur impact environnemental, de l’élimination des substances chimiques toxiques, de leur contribution à l’économie circulaire et de la traçabilité des produits issus de ces technologies ».
Simplifier et standardiser les compositions
Autre recommandation formulée par l’OPECST : renforcer l’éco-conception, c’est-à-dire mieux penser la fin de vie des objets en amont de leur fabrication. « On a voulu faire des bouteilles en plastique plus légères, précisément pour diminuer la quantité de plastique. Aujourd’hui, on voudrait privilégier le réemploi, mais on se rend compte que pour cela il faudrait des bouteilles plus denses. Nous affrontons les objectifs que nous nous sommes fixés », admet Philippe Bolo.
Pour améliorer la recyclabilité des plastiques, les parlementaires évoquent également la piste d’une simplification. « Il existe 13 000 additifs différents, et donc plein de combinaisons possibles », constate Angèle Préville. L’efficacité du recyclage pourrait être renforcer en standardisant les compositions en fonction du type d’utilisation. « Est-ce qu’il faudra une liste qui interdise ou une liste qui autorise ? On risque aussi de toucher au secret des affaires et à la liberté d’entreprendre qui, chez nous, est placée très haut », nuance toutefois Philippe Bolo.
Début juin, 175 pays réunis à Paris se sont entendus pour élaborer d’ici le mois de novembre la première version d’un traité international juridiquement contraignant sur la pollution plastique. Mais derrière ce compromis de nombreuses divergences demeurent. Les pays producteurs, notamment, souhaitent un texte qui puisse être adopté à l’unanimité et pas seulement par un vote majoritaire.
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