Frelon europeen

Prolifération du frelon asiatique : une loi pour préserver la filière apicole bientôt votée au Sénat

Examinée ce jeudi 4 avril en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, les sénateurs ont adopté à l’unanimité, une proposition de loi, portée par le sénateur Michel Masset, visant à « endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole ». L’insecte, « responsable d’environ 20% de la mortalité observée dans les ruchers », constitue « un prédateur redoutable » des abeilles domestiques, selon le rapport du sénateur RDSE des Alpes-de-Haute-Provence, Jean-Yves Roux.
Alexis Graillot

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« Pour le secteur apicole, le frelon asiatique est un véritable fléau – les pertes annuelles pour la filière dues à ce frelon sont évaluées à 11,9 millions d’euros ». Derrière ce constat limpide tiré de l’exposé des motifs de la proposition de loi portée par le sénateur de Lot-et-Garonne, Michel Masset, se cache une réalité économique terrible pour une filière. En ce début d’année 2024, 40% des abeilles ont été décimées dans le département néo-aquitain, plongeant les apiculteurs dans l’inquiétude.

« Depuis sa détection en 2004, le frelon asiatique a colonisé en moins de deux décennies l’ensemble du territoire national, grâce à sa forte résilience et à des conditions climatiques favorables », explique le rapport, qui propose « un plan national de lutte » contre l’espèce invasive.

 Son implantation sur le territoire national est impossible à éradiquer avec les moyens de lutte dont nous disposons aujourd’hui 

Rapport de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur la proposition de loi

« Une prise de conscience trop tardive »

Qualifiant le prédateur d’« archétype même de l’espèce exotique envahissante », le rapport sénatorial constate que « son implantation sur le territoire national est impossible à éradiquer avec les moyens de lutte dont nous disposons aujourd’hui », dans un contexte où ce dernier est responsable d’environ 20% de la mortalité de l’abeille domestique, selon une étude de GDS France.

« Le frelon asiatique fait des mouvements circulaires devant la ruche et il va se positionner devant la plage d’envol ou sur le côté. Et dès que l’abeille s’envole, il l’attrape et lui coupe la tête et il ramène le corps au nid pour nourrir les larves. La colonie se met en stress et n’ose plus sortir pour s’alimenter. Elle ne ramène plus de pollen, ni de nectar », expliquait une apicultrice, ce mercredi, chez nos confrères de France 3 Nouvelle-Aquitaine.

 Les actions de lutte contre le frelon asiatique ont été mises en œuvre en ordre dispersé, sans réel appui ni accompagnement de l’État 

Jean-Yves Roux, rapporteur de la proposition de loi

Des « moyens dédiés » pour la filière

Si les sénateurs décident aujourd’hui d’agir, c’est en partie parce que « les actions de lutte contre le frelon asiatique ont été mises en œuvre en ordre dispersé, sans réel appui ni accompagnement de l’État », déplore le rapport, qui rappelle une précédente inspection de 2010 sur le ravageur, qui avait déjà conclu similairement. A ce titre, la commission remarque qu’actuellement, « aucune indemnisation n’est prévue pour les apiculteurs ayant subi des préjudices », tout en saluant l’action de certaines communes, qui ont « instauré des aides au piégeage et à la destruction de nids ».

Face à la perte de revenus pour la filière, le texte propose, en plus de mettre en place des « moyens dédiés » et un « accompagnement des collectivités », deux dispositifs supplémentaires, à savoir « une obligation, pour tout propriétaire, de déclarer la présence de nids de frelons asiatiques et leur destruction prise en charge par la préfecture de département », ainsi qu’ « un régime indemnitaire forfaitaire ».

Cependant, dans un contexte où les dépenses publiques sont désormais scrutées de près par l’exécutif comme les parlementaires, « la commission a souhaité limiter les dépenses passives, afin de viser l’efficacité de chaque euro dépensé ». A ce titre, il a notamment été ajouté au texte, une disposition prévoyant que « le bénéfice du régime indemnitaire serait ouvert aux seuls chefs d’exploitation apicole, dont le revenu repose principalement sur l’exploitation des ruchers et la vente des produits de la ruche ».

Le texte sera examiné en séance publique le jeudi 10 avril prochain, mais au vu de son adoption unanime en commission, nul doute que le vote du Sénat ne sera qu’une confirmation.

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Nouveau Plan Ecophyto : au Sénat, la droite applaudit et les écologistes dénoncent un « grand recul »

C’était une des victimes de la grogne des agriculteurs, en janvier et février dernier. Le plan Ecophyto, troisième du nom, qui avait pour objectif de réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030 par rapport à la période 2011-2013, avait été « mis sur pause » le 1er février. Il était décrié par les agriculteurs, qui manifestaient leur colère contre l’excès de normes et le manque de rentabilité de leurs activités. Une nouvelle version du plan devait voir le jour pour le Salon de l’agriculture, fin février. C’est finalement le 6 mai qu’il sera présenté. Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, en a présenté les grandes lignes dans un entretien au Parisien, ce vendredi 3 mai. Plan Ecophyto quatrième version : un nouvel indicateur Sur le papier, le nouveau plan Ecophyto ne change pas son objectif : réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030, par rapport à la période 2011-2013. Ce qui change, c’est l’indicateur utilisé. 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Pour elle, l’abandon du NoDU, c’est « casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre ». « Le HRI1 est un indicateur trompeur puisqu’il affiche une baisse de 32 % entre 2011 et 2021 alors que le NoDU a, lui, augmenté de 3 % de l’usage des pesticides pendant la même période », explique-t-elle dans un communiqué du 3 mai. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles en prétendant ne rien avoir changé à la politique de réduction des pesticides en France ! », peut-on y lire. Son porte-parole François Veillerette, regrette : « La France a longtemps été considérée à l’avant-garde des pays portant une ambition de réduction des pesticides. Avec cette nouvelle stratégie elle rejoint les pays qui mettent tout en œuvre pour que rien ne change, faisant régresser notre pays de 15 ans ! ». Daniel Salmon partage la même colère. « C’est un très mauvais plan », juge-t-il, « c’est un grand recul malgré l’enfumage du ministre. 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