FRA: Hydrogeologue de SMIAGE sonde la nappe phreatique

Sécheresse : « Aujourd’hui nous ne sommes plus dans un état d’urgence, c’est devenu l’état normal »

Alors que le département des Pyrénées-Orientales connaît le mois d’avril le plus sec depuis 1959. Après de forts incendies dans le département, les récoltes des agriculteurs sont désormais menacées. Dans ce contexte, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, rencontrait le préfet et les élus locaux ce jeudi 27 avril.
Henri Clavier

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L’année 2022 avait déjà été record dans la précocité des vagues de sécheresse sur le territoire français. Au 25 avril 2023, selon le ministère de la transition écologique, 45 départements de France métropolitaine faisaient l’objet de vigilance, 18 sont déjà soumis à des restrictions d’eau. Un niveau historique qui devrait être amené à se reproduire dans le futur. Pour rappel, il existe quatre niveaux d’alerte, la « vigilance », « alerte », « alerte renforcée » et « crise ». Le préfet détermine le niveau d’alerte, dans les situations de « crise », les usages sont restreints aux utilisations essentielles c’est-à-dire la consommation d’eau potable et la salubrité principalement. Plusieurs villages du département sont d’ores et déjà privés d’eau potable. Dans les Pyrénées-Orientales, où la pluie n’est pas tombée depuis quasiment une année, les conséquences sur les exploitations agricoles pourraient être irréversibles.

La précocité de ces sécheresses laisse présager d’importants conflits sur la gestion de l’eau cet été. En déplacement dans les Pyrénées-Orientales, Christophe Béchu a annoncé la création d’une cellule ministérielle sur l’eau afin d’être en mesure d’accompagner les communes ayant des difficultés tout en reconnaissant que « la situation est inquiétante ».

« Il faut peut-être réfléchir à arrêter l’arrosage des golfs et le remplissage des piscines »

Face à une situation qui risque de se répéter et de se généraliser, le sénateur écologiste Daniel Breuiller considère que « dans l’immédiat du printemps et de l’été, il faut des solutions avec les élus locaux et le préfet qui sont bien placés pour évaluer cet état d’urgence, mais aujourd’hui nous ne sommes plus dans un état d’urgence, la sécheresse est devenue la norme ». Ce dernier pointe l’urgence à s’adapter durablement aux évolutions majeures qui se profilent. Un point de vue partagé par le ministre de la Transition écologique qui souhaite « préparer notre pays à 4 degrés » d’augmentation des températures moyennes.

« D’abord il faut des mesures socialement justes, les mesures de confort doivent être bannies, l’année dernière plus de 1000 villages ont été privés d’eau potable », rappelle Daniel Breuiller pour qui une hiérarchisation des usages s’impose. « Il faut peut-être réfléchir à arrêter l’arrosage des golfs et le remplissage des piscines, ce n’est pas normal de privilégier l’arrosage d’un golf à la consommation d’eau potable », fustige Daniel Breuiller. Ce dernier précise néanmoins que ces usages restent relativement marginaux puisque la première activité consommatrice reste l’agriculture avec 57 % de l’eau utilisée par l’agriculture (contre 26 % pour l’eau potable).

 « Il faut faire en sorte que les usages soient les plus performants possibles à tous les niveaux »

La question du modèle agricole est donc centrale pour prévoir une trajectoire de réduction de la consommation d’eau et de responsabilisation des usages. « Il faut faire en sorte que les usages soient les plus performants possibles à tous les niveaux ce qui implique d’améliorer les stratégies d’irrigation pour avoir les mêmes rendements en consommant moins », estime Hervé Gillé, sénateur socialiste de Gironde et rapporteur de la mission d’information sur la gestion durable de l’eau. Néanmoins, l’équilibre ne peut se faire au détriment des agriculteurs qui seront largement exposés à la sécheresse. Il faut donc une double exigence et « à la fois répondre à la demande au niveau d’un marché et aller vers des cultures moins gourmandes », considère Hervé Gillé.

Le modèle agricole actuel est également largement remis en question pour sa consommation d’eau et notamment pour la production de céréales destinées à l’élevage et non à la consommation humaine. « Quand on a un système qui produit de la viande « en batterie », les consommations d’eau sont folles. Il faut envoyer un message de réorientation de l’agriculture », juge Daniel Breuiller. Ce dernier regrette aussi un contrôle parfois trop faible sur l’agriculture avec parfois « l’absence de contrôle des niveaux de prélèvements dans l’agriculture ». Une piste de travail du groupe sur la gestion de l’eau consisterait à établir des contrats d’objectif avec les agriculteurs dans lesquels ces derniers s’engageraient à des utilisations plus vertueuses et moins importantes de l’eau en échange d’un volume d’eau garantie.

« On réfléchit à consolider la gouvernance par bassin versant »

Si une rationalisation des usages s’impose, l’amélioration de la gouvernance et de la gestion de l’eau est indispensable pour éviter une aridification trop importante des sols, en particulier dans le sud de la France.  « On réfléchit à consolider la gouvernance par bassin versant pour connaître de mieux en mieux la ressource disponible afin d’anticiper le plus tôt possible ces périodes de sécheresse anormalement précoce », explique Hervé Gillé. Pour optimiser la gestion, la question du stockage de l’eau est primordiale, raison pour laquelle « le premier réflexe que l’on doit avoir c’est d’améliorer le stockage de l’eau dans le sol et dans les zones humides », continue Hervé Gillé. « Notre logique c’est de d’abord défendre les milieux pour garder l’eau où elle est, dans les sols », confirme Daniel Breuiller qui rappelle que « plus la quantité d’eau diminue et plus la qualité de l’eau chute ».

Un plan eau efficace ?

Dans ce contexte, Emmanuel Macron avait annoncé le 30 mars, un plan de gestion de l’eau sur le court et moyen terme. Quelques mesures importantes sont saluées comme la volonté affichée de lutter contre les fuites d’eau potable ou la tarification progressive pour laquelle Daniel Breuiller estime que « les mètres cubes de confort doivent être limités et coûter plus cher ». Si le plan eau « va dans le bon sens », les moyens annoncés (475 millions d’euros) ne sont pas à la hauteur des ambitions puisqu’il faudrait « quasiment plusieurs milliards » pour limiter les fuites d’eau potable, note Hervé Gillé.

« Il y a beaucoup de mesures utiles dans le plan eau, mais le gouvernement refuse de s’attaquer aux mesures structurantes, je pense qu’au fond le gouvernement n’a pas compris la crise climatique, il faut des mesures bien plus drastiques », considère Daniel Breuiller.

 

 

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