Stratégie énergétique de la France : la majorité sénatoriale veut dissuader François Bayrou d’agir par décret

Stratégie énergétique de la France : la majorité sénatoriale veut dissuader François Bayrou d’agir par décret

164 sénateurs de la majorité de droite et du centre demandent au Premier ministre, de renoncer à la définition de la future Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) par décret. Ils jugent son contenu fragile et estiment que le Parlement doit pouvoir se prononcer sur la stratégie énergétique et l’avenir du mix énergétique français.
Guillaume Jacquot

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Nouvelle mobilisation d’une partie importante du Sénat sur les questions d’énergie. En tout, 164 sénateurs de la majorité LR-Union centriste, soit près de la moitié de la chambre haute, ont cosigné un courrier, adressé au Premier ministre, pour que la représentation nationale ait son mot à dire sur les choix qui détermineront les investissements des prochaines années dans l’énergie.

Premiers signataires de cette missive datée du 11 mars, Vincent Delahaye (Union centriste) et Stéphane Piednoir (LR) se disent inquiets du projet de Programmation Pluriannuelle de l’Énergie, la PPE 3, dont la validation a de grandes chances de prendre la forme d’un décret. Ils lui demandent de renoncer à la voie réglementaire, et d’engager un débat au parlement. « Sur un sujet aussi majeur pour l’avenir de notre pays, il nous semblerait totalement inconcevable que la représentation nationale soit ignorée », déclarent-ils. Leur lettre met à la fois en cause le fond des arbitrages et la méthode employée.

Absence de « vision globale »

Sur le contenu, les sénateurs estiment que le dossier à l’appui du projet de décret apparaît « souvent incohérent en termes de chiffrages, insuffisamment documenté au niveau des choix proposés, fragile sur le plan de la demande d’énergie et de l’offre, indigent sur le chiffrage économique d’ensemble et de détail ». Ils dénoncent l’absence de « vision globale », et considèrent que cette PPE est un « saupoudrage » de réponses à destination des différentes filières.

« Je ne comprends pas que l’on puisse faire des propositions, sans réelle étude d’impact », commente auprès de Public Sénat, Vincent Delahaye. « Une programmation énergétique doit être justifiée par des données sur les investissements, la façon dont ils vont peser sur le prix de l’électricité. C’est important que les gens sachent pourquoi le prix a beaucoup augmenté, à cause des énergies renouvelables, intermittentes », ajoute l’ancien rapporteur de la commission d’enquête sur le prix de l’électricité, qui a rendu ses conclusions l’an dernier.

Les sénateurs rappellent qu’une proposition de loi adoptée par le Sénat est sur la table

À ce titre, les auteurs de la lettre reprochent au gouvernement de pas tenir compte des conclusions de cette commission d’enquête. Ils rappellent également qu’une proposition de loi portant « programmation nationale et simplification normative dans le secteur énergétique » a adopté le 16 octobre. « Le travail parlementaire et en l’occurrence celui du Sénat ne peut être à ce point ignoré, surtout dans le contexte politique actuel », s’insurgent les sénateurs.

Le texte a été adopté par 220 voix contre 103, et avait reçu à l’époque le soutien du gouvernement, avec lequel des amendements avaient été coconstruits, jusqu’aux dernières heures qui ont précédé l’examen. « La programmation pluriannuelle de l’énergie ne pourra être assise que s’il y a un débat parlementaire. Sans loi, la PPE est très fragile », fait valoir Daniel Gremillet, l’un des sénateurs LR auteurs de la proposition de loi sénatoriale. « Telle qu’elle est en discussion, la PPE n’a pas la même dimension, la même envergure que le texte débattu au Sénat. J’espère que le gouvernement sera en capacité de l’inscrire à l’Assemblée nationale. Je ne dis pas qu’elle est parfaite, mais au moins il y a une copie, qui a fait consensus, et qui est très attendue par le monde industriel », considère le sénateur des Vosges. Ce spécialiste des sujets énergétiques dans la droite sénatoriale considère que le projet de PPE est « moins ambitieux, y compris sur les sujets d’économies d’énergie ou de rénovation énergétique ».

Pour rappel, la loi énergie-climat de 2019 avait pourtant prévu que le Parlement définisse dans la loi une programmation quinquennale pour le mix énergétique, avec pour date limite le 1er juillet 2023. Un an et demi plus tard, toujours rien.

L’absence de majorité à l’Assemblée nationale explique sans doute la grande prudence, et le retard, du gouvernement dans ce dossier. « À un moment donné, il est important que l’on ait ces débats devant la représentation nationale, même s’il est difficile de se mettre d’accord à l’Assemblée nationale. Mais au moins on aura eu ce débat. Et ensuite, si le gouvernement veut passer par un décret, au moins le travail sera le fruit de ce travail en commun », encourage Vincent Delahaye. « On a peu le sentiment que ce sujet majeur, on cherche à passer discrètement, par le biais d’un décret, et faire des choix pour les dix prochaines années qui nous engagent énormément ! »

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