582 kg. C’est la quantité de déchets ménagers et assimilés (DMA) produite par habitant chaque année en France. « Et la moitié constitue le ‘sac noir’ ! », s’exclame la sénatrice communiste Marie-Claude Varaillas, à l’origine de la proposition de loi (PPL) visant à garantir la qualité des services de gestion des déchets, déposée en décembre 2024 par le groupe CRCE-K du Sénat. Soit 249 kg, qui ne sont pas triés et constituent la catégorie d’ordures ménagères résiduelles (OMR).
Des tentatives d’inciter économiquement à la réduction des déchets se sont succédé ces vingt dernières années, précise l’élue de Dordogne, parmi elles : la loi Grenelle II de 2010 prévoit la possibilité d’intégrer une part incitative à la tarification des déchets. Aujourd’hui, assuré par les communes, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou des syndicats mixtes, le financement de leur collecte et de leur traitement peut revêtir différentes formes : une taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), une redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM), ou une redevance spéciale dès lors que le service est financé par le budget général seul de la collectivité. La première est adossée à la taxe foncière et donc proportionnelle à la valeur immobilière de la résidence du foyer, là où la seconde dépend du service rendu et donc de la quantité de déchets du ménage. En janvier 2022, 6,4 millions de Français, dans 200 collectivités, étaient concernés par une tarification incitative, loin de l’objectif initialement fixé à 15 millions en 2020 par la loi de transition énergétique de 2015.
L’incitation à réduire les déchets « doit s’accompagner d’une justice sociale »
La sénatrice le reconnaît, instaurer une part incitative dans leur mode de financement conduit à une baisse effective des volumes de déchets collectés. « Mais ça doit s’accompagner d’une justice sociale », soutient Marie-Claude Varaillas. En l’absence actuelle d’une différenciation selon les revenus des foyers, les grilles tarifaires des taxes et redevances pénalisent directement « les familles nombreuses et modestes, mais aussi les ménages avec des enfants en bas âges, des personnes âgées ou incontinentes » qui peuvent produire davantage de déchets que d’autres foyers, énumère-t-elle, « ça pose un problème d’acceptabilité sociale ». De telles mesures existent déjà pour d’autres secteurs, comme l’eau, la petite enfance et les transports.
Donner aux collectivités territoriales le droit de moduler ces tarifs par des critères socio-économiques (revenus, composition du ménage, situations particulières…) pourrait également permettre de répondre aux pratiques d’évitement de paiement du service, Marie-Claude Varaillas en tient pour preuve la multiplication des dépôts sauvages : « Il faut trouver un juste équilibre pour favoriser l’adhésion des usagers et éviter les incivilités ».
La proposition rejetée en commission
« Ce n’est pas une grande proposition de loin, mais de bon sens », opine de la tête Cécile Cukierman, présidente du groupe CRCE-K. Et Marie-Claude Varaillas d’abonder dans ce sens : « Ce texte ne demande pas l’ouverture d’une ligne de crédits, elle ne fait que permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent de pouvoir délibérer pour instaurer une tarification sociale solidaire ».
Pourtant, sur proposition du rapporteur Olivier Paccaud (LR), la commission des Finances n’a pas adopté la PPL, arguant qu’elle « risque paradoxalement de favoriser une hausse de la production des déchets », si cette modulation « se traduit par un droit renforcé à produire davantage de déchets lorsque l’on a moins de moyens ». Le travail des collectivités pourrait également être complexifié, selon le sénateur, par la modification de « l’architecture du financement du service public de gestion des déchets, ce qui est peu conciliable avec un besoin de simplification unanimement plébiscité », complète-t-il.
Un avis que déplore Marie-Claude Varaillas : « Ajuster la tarification à des critères sociaux, c’est permettre d’embarquer dans la réduction des déchets le plus grand nombre », martèle-t-elle. L’incompréhension règne au sein du groupe communiste face à une telle décision, alors que ce texte « ne fait qu’accompagner la libre administration des collectivités territoriales », affirme sa présidente Cécile Cukierman. Malgré sa non-adoption en commission des Finances, la proposition de loi sera discutée en séance jeudi 30 octobre. Si les écologistes devraient voter pour, de même qu’une large partie des groupes de gauche, estiment les deux sénatrices, la droite sénatoriale s’y opposera probablement.