PAS DE CALAIS : INONDATION CRUES

Tempêtes, inondations : le Sénat pointe les moyens insuffisants du fonds de prévention des risques naturels

À l’occasion de l’examen du projet de loi de finances au Sénat, le rapport de la commission des finances sur la mission « écologie » du budget 2024 demande l’augmentation du budget du fonds de prévention des risques naturels. Suite aux dégâts provoqués par les tempêtes Ciaran et Domingos, la somme prévue pour le moment est jugée « insuffisante ».
Rose Amélie Becel

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

Selon la fédération France Assureurs, les tempêtes Ciaran et Domingos qui se sont succédé fin octobre et début novembre ont engendré 1,3 milliard d’euros de dégâts, sans compter le coût des récentes inondations dans le Nord et le Pas-de-Calais qui n’a pas encore été chiffré. Un chiffre qui les place en 5e position des tempêtes les plus dévastatrices en France métropolitaine, devant la tempête Alex qui avait dévasté plusieurs vallées des Alpes-Maritimes en octobre 2020.

Un fonds de prévention des risques naturels majeurs – aussi appelé le « fonds Barnier » – permet aux collectivités, aux entreprises et aux particuliers de financer des travaux pour réduire leur vulnérabilité face aux catastrophes naturelles. Le projet de loi de finances prévoyait initialement d’allouer 200 millions d’euros de crédits à ce fonds, une somme similaire à celle inscrite dans le budget 2023.

30 millions d’euros supplémentaires

Lors de l’examen du budget 2024 à l’Assemblée nationale, un amendement a déjà permis d’ajouter 20 millions d’euros au fonds. Mais, selon la sénatrice LR Christine Lavarde, auteure du rapport de la commission des finances, « cette somme est insuffisante pour couvrir les besoins du fonds en 2024, qui sera très fortement sollicité à la suite des dégâts provoqués par les tempêtes Ciaran et Domingos ».

À ce titre, la rapporteure spéciale de la commission des finances propose « un nouvel abondement de 30 millions d’euros pour le fonds ». Il serait financé en transférant une partie des crédits alloués à MaPrimeRénov’, une aide d’État destinée aux propriétaires qui souhaitent réaliser des travaux de rénovation énergétique dans leur logement.

Réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles

En parallèle, le rapport de la commission des finances dénonce un « équilibre précaire » du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. « Le changement climatique conduit à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des catastrophes naturelles, qui conduiront à terme à remettre en cause l’équilibre du régime », indique Christine Lavarde. La multiplication des catastrophes climatiques risque ainsi de menacer le financement de ce régime. Pour illustrer cette menace, le rapport de la commission des finances cite en exemple une étude de France Assureurs, publiée en 2021, qui estime que les dégâts liés à la sécheresse entre 2020 et 2050 coûteront 43 milliards d’euros, soit trois fois plus que sur les trois décennies précédentes.

Une autre menace climatique risque de peser lourd sur ce régime d’indemnisation des catastrophes naturelles selon le rapport : le phénomène de retrait-gonflement des argiles. Selon un rapport d’information du Sénat publié en février dernier, ces mouvements du sol – liés à la succession de phases de sécheresses et de fortes pluies – concernent 48 % du territoire, autant de lieux où les bâtiments sont exposés à des risques de fissures voire d’effondrement.

Alors même que le régime de catastrophes naturelles n’inclut pour le moment pas l’indemnisation des dégâts causés par les tempêtes en métropole, le rapport indique qu’il est en déficit depuis 2015. « Tout élargissement du régime devrait donc passer par une réforme de son financement », indique Christine Lavarde.

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Tempêtes, inondations : le Sénat pointe les moyens insuffisants du fonds de prévention des risques naturels
3min

Environnement

Véhicules électriques : « Notre infrastructure est encore sous-développée au niveau européen », concède le commissaire européen au climat

D’ici 2035, l’Union européenne s’est engagée à ne plus produire de véhicules thermiques neufs dans tous ses États membres. Un engagement qui accuse de lourds retards, pointés du doigt par un récent rapport de la Cour des comptes européenne. Auditionné par les parlementaires, Wopke Hoekstra s’est pourtant montré optimiste.

Le

Tempêtes, inondations : le Sénat pointe les moyens insuffisants du fonds de prévention des risques naturels
4min

Environnement

« BNP Paribas ne finance pas la production d’hydrocarbures » : assignée en justice pour sa contribution au changement climatique, la banque se défend au Sénat

En février 2023, plusieurs ONG ont attaqué BNP Paribas en justice pour non-respect de son devoir de vigilance en matière climatique. En cause : ses investissements dans l’industrie pétro-gazière. Auditionné dans le cadre de la commission d’enquête sur TotalEnergies, le directeur général de la banque répond à ces accusations.

Le

Tractor spray fertilise field pesticide chemical
8min

Environnement

Nouveau Plan Ecophyto : au Sénat, la droite applaudit et les écologistes dénoncent un « grand recul »

C’était une des victimes de la grogne des agriculteurs, en janvier et février dernier. Le plan Ecophyto, troisième du nom, qui avait pour objectif de réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030 par rapport à la période 2011-2013, avait été « mis sur pause » le 1er février. Il était décrié par les agriculteurs, qui manifestaient leur colère contre l’excès de normes et le manque de rentabilité de leurs activités. Une nouvelle version du plan devait voir le jour pour le Salon de l’agriculture, fin février. C’est finalement le 6 mai qu’il sera présenté. Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, en a présenté les grandes lignes dans un entretien au Parisien, ce vendredi 3 mai. Plan Ecophyto quatrième version : un nouvel indicateur Sur le papier, le nouveau plan Ecophyto ne change pas son objectif : réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030, par rapport à la période 2011-2013. Ce qui change, c’est l’indicateur utilisé. Alors que depuis 2008 et le premier plan Ecophyto, c’était un indicateur français, le NoDU (Nombre de doses unités), qui était utilisé pour comptabiliser la quantité de pesticides utilisés chaque année, ce sera dorénavant le HRI-1 (Harmonized Risk Indicator, indicateur de risque harmonisé), un indicateur européen, qui sera utilisé. Gabriel Attal avait annoncé ce changement le 21 février dernier. Du NoDU au HRI-1 : qu’est-ce que cela change ? Ce changement d’indicateur est l’un des principaux enjeux de ce plan. En effet, le mode de calcul est différent d’un indicateur à l’autre. Le NoDU se base, pour chaque substance, sur les doses maximales autorisées par hectare pour chaque produit phytosanitaire. C’est une addition des surfaces (en hectares) qui seraient traitées avec les doses de référence. C’est une statistique au calcul complexe, décrié par certains syndicats agricoles. Pour Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire, il est « catastrophique ». Il ne mâche pas ses mots : « Il a été imposé par des écolos dogmatiques avec un objectif de sortie totale des phytosanitaires ». Le HRI-1, lui, prend la masse des produits phytosanitaires vendus en France et les pondère par un coefficient prenant en compte la dangerosité de chaque produit. Il en existe quatre : 1, 8, 16 et 64, ce dernier correspondant au plus haut niveau de dangerosité. Marc Fesneau se félicite de ce changement : « Si l’on n’utilisait pas le même indicateur que nos voisins, à quoi cela servirait-il ? C’est comme si, pour notre objectif climatique de réduction d’émissions de CO2, nous avions notre propre calculateur et le reste de l’Europe un autre », expliquait-il au Parisien ce matin. Si le HRI-1 permet de donner un poids plus important aux produits les plus nocifs, il présente des défauts. Ses coefficients, qui ne reposent pas sur un calcul scientifique, peuvent être jugés comme artificiels. C’est l’avis d’un ensemble de scientifiques, membres du Comité Scientifique et Technique du plan Ecophyto qui, dans un article au média The Conversation du 21 février dernier, alertait sur « la nécessité de conserver un indicateur prenant en compte les doses d’usage, tel que le NoDU ». C’est aussi l’avis de Daniel Salmon, sénateur écologiste de l’Ille-et-Vilaine. « Aucun indicateur n’est parfait, mais il fallait combiner le NoDU et le HRI-1. C’est possible dans les directives européennes. Si on change d’indicateur en cours de route, on fausse toutes les références, on  va constater une baisse significative qui ne correspond pas à la réalité » explique-t-il à publicsenat.fr. Le nouveau plan Ecophyto : réduire les pesticides nocifs Même si, sur le papier, l’objectif du plan Ecophyto dernière version ne change pas, avec ce nouvel indicateur, son interprétation se déplace. Il passe d’une réduction des pesticides en général, à une réduction des pesticides dangereux. Avec cette nouvelle version, le gouvernement cible les produits qui peuvent se voir interdits par l’Union européenne d’ici trois à cinq ans. Une stratégie que revendique Marc Fesneau dans Le Parisien : « Affirmer que les pesticides sont dangereux, c’est une généralité approximative. Et c’est justement pour ça qu’on en réglemente les usages. Si on les a classés par niveau de dangerosité, c’est bien que certains sont dangereux et d’autres ne le sont pas ou plus faiblement. L’objectif de la stratégie est de mieux connaître le risque de leur usage pour la santé et de le réduire ». Une affirmation avec laquelle Daniel Salmon est en profond désaccord. « On entend la petite musique selon laquelle il y a des bons et des mauvais pesticides. Il y a certes des pesticides plus dangereux que les autres, mais ils sont tous toxiques car ils tuent tous du vivant. Il n’y a pas de pesticide qui soit anodin » confie-t-il. Les autres mesures Autre nouveauté du plan Ecophyto, quatrième version, c’est la concrétisation de la doctrine « pas d’interdiction sans alternative », revendiquée entre autres par la FNSEA. Le ministre de l’Agriculture a en effet annoncé la provision de 250 millions d’euros par an, dont 150 pour financer la recherche de solutions alternatives aux produits phytosanitaires les plus dangereux, qui auront vocation à être interdits. Si Daniel Salmon n’est pas complètement opposé à cette mesure, pour lui, les alternatives doivent être « bien étudiées ». Pas question que cela ne permette de développer de nouvelles molécules. « La recherche doit aussi se faire sur les causes. Les nouveaux ravageurs se développent parce que leur environnement change, et on doit comprendre pourquoi ils pullulent : il y a le réchauffement climatique mais aussi la chute de la biodiversité », ajoute-t-il. Du côté des LR, la somme convient : « 250 millions, c’est ce que je proposais », explique Laurent Duplomb, « mais il faut se poser les bonnes questions ». Pour le sénateur qui est aussi agriculteur, cet argent doit aller aussi à des initiatives incluant les agriculteurs, comme les fermes Dephy, qui cherchent à réduire l’usage de pesticides en développant des alternatives. Enfin, le nouveau plan Ecophyto contient une partie indemnisation, pour les riverains et les victimes de pesticides. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles » La nouvelle mouture du plan est loin de satisfaire les écologistes et l’association de défense de l’environnement Générations Futures. Pour elle, l’abandon du NoDU, c’est « casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre ». « Le HRI1 est un indicateur trompeur puisqu’il affiche une baisse de 32 % entre 2011 et 2021 alors que le NoDU a, lui, augmenté de 3 % de l’usage des pesticides pendant la même période », explique-t-elle dans un communiqué du 3 mai. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles en prétendant ne rien avoir changé à la politique de réduction des pesticides en France ! », peut-on y lire. Son porte-parole François Veillerette, regrette : « La France a longtemps été considérée à l’avant-garde des pays portant une ambition de réduction des pesticides. Avec cette nouvelle stratégie elle rejoint les pays qui mettent tout en œuvre pour que rien ne change, faisant régresser notre pays de 15 ans ! ». Daniel Salmon partage la même colère. « C’est un très mauvais plan », juge-t-il, « c’est un grand recul malgré l’enfumage du ministre. Les producteurs de phytosanitaires ont gagné la bataille contre l’opinion publique et les agriculteurs ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots » Du côté droit de l’hémicycle, le plan est bien accueilli. « Enfin ! », se réjouit le sénateur Les Indépendants de la Haute-Garonne Pierre Médevielle, « il était temps d’harmoniser les politiques et de parler d’une seule voix en Europe, pour que nous soyons crédibles ». Sur les pesticides, l’élu se veut mesuré dans sa position : « On ne peut pas vider la trousse à pharmacie, mais il faut arriver à restaurer la confiance ». Il plaide pour une approche « prudente mais réaliste », à l’encontre d’une « écologie punitive ou d’une écologie idéaliste ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots », se réjouit Laurent Duplomb. Pour autant, l’élu dit ne pas se faire d’illusions : « Je n’ai rien à enlever à ce qu’il a dit. Mais on assiste à une multitude d’annonces séduisantes, mais qui ne verront jamais le jour. Depuis les mesures annoncées après la crise agricole, lesquelles ont été réellement mises en place ? ». Le sénateur travaille sur le projet de loi d’orientation agricole, qui passera au Sénat dans l’hémicycle à la mi-juin. Il regrette de ne pas y trouver les mesures annoncées par le ministre.

Le