Dechets, pollution, Paris

Traité contre la pollution plastique : les parlementaires formulent des recommandations pour peser sur les négociations internationales

Après une première étape de négociation en Uruguay en novembre 2022, une deuxième phase s’ouvre à Paris à partir du 29 mai, pour la conclusion d’un accord international contre la pollution plastique. Le succès des négociations dépend essentiellement de la portée juridique du futur accord, et donc de son caractère contraignant.
Henri Clavier

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L’ouverture des négociations pour un accord international sur le plastique a été actée le 2 mars 2022 par l’Assemblée générale des Nations Unies, avec pour objectif de conclure celles-ci d’ici 2024. Malgré les préoccupations croissantes de protection de l’environnement, de la biodiversité et de lutte contre le changement climatique, la production et consommation de plastique ne cesse de croître. Avec 9,2 milliards de tonnes de plastique produites entre 1950 et 2020, et une consommation moyenne, dans les pays européens membres de l’Organisation de coopération et du développement économique (OCDE), de 114 kg par personne, le plastique est omniprésent. La consommation devrait continuer d’augmenter et pourrait, selon l’OCDE, être multiplié par 2,5 d’ici 2060.

Auteurs d’un rapport, le 10 décembre 2020, pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) intitulé « Pollution plastique : une bombe à retardement ? » Philippe Bolo, député MoDem du Maine-et-Loire et Angèle Préville, sénatrice socialiste du Lot cherchent à peser sur les négociations et la conclusion d’un accord international contraignant. L’une des recommandations du rapport consistait d’ailleurs à demander un accord international sur la gestion du plastique. Une proposition de résolution allant en ce sens a également été adoptée par l’Assemblée nationale le 19 octobre 2021.

Afin d’apporter une orientation sur les choix scientifiques et les négociations, les parlementaires de l’Opecst examinaient, ce 25 mai, un rapport sur les enjeux scientifiques du traité. Ces derniers ont présenté six recommandations relatives à la réduction de la production de plastique, la lutte contre l’exportation des déchets ou encore la prise en compte de la fragmentation.

La fragmentation du plastique est « un enjeu majeur sur lequel l’information n’est pas toujours très claire »

La production du rapport et de ces recommandations est également l’occasion pour les parlementaires d’insister sur certaines priorités, parfois méconnues. La fragmentation du plastique est considérée, par Angèle Préville, comme « un enjeu majeur sur lequel l’information n’est pas toujours très claire ». Au-delà des émissions de gaz à effet de serre causées par le plastique, Angèle Préville insiste sur l’importance de prendre en compte « l’impact du plastique sur la durée et sa décomposition dans l’eau et les sols ». Fabriqué à partir de pétrole, le plastique est constitué de polymères et d’additifs. En se décomposant, le plastique dégage des microparticules et des nanoparticules qui imprègnent durablement les sols et l’eau. « Il y a actuellement 5 milliards de tonnes de plastique sur la planète, mais en vieillissant le plastique se fragmente et, à ce moment, les surfaces de relargage sont encore plus grandes donc ça va durer des siècles, avec un pic de pollution prévu pour 2400 », explique Angèle Préville, qui alerte également sur « l’impact sur la santé en cas d’ingestion ».

Les parlementaires souhaitent également que le traité prenne en compte « le risque toxicologique lié aux substances présentes dans le plastique qui contiennent parfois des perturbateurs endocriniens », explique Philippe Bolo.

 « Il y a besoin d’adopter la notion d’empreinte plastique et de prendre en compte la pollution chimique »

Outre la prise en compte d’éléments scientifiques peu connus, les parlementaires de l’Opecst ont voulu affirmer la nécessité de « mettre en place l’équivalent d’un Giec sur la pollution plastique », afin de pouvoir produire une expertise fiable sur le sujet. Par ailleurs, Angèle Préville considère que « l’analyse de cycle de vie du plastique, aujourd’hui, ne concerne que le CO2, mais il y a un besoin d’étendre le périmètre et d’adopter la notion d’empreinte plastique, notamment pour prendre en compte le sujet de la pollution chimique ».

Dépasser la solution du recyclage

En plus de ces deux notions, Angèle Préville et Philippe Bolo martèlent la nécessité de dépasser certaines conceptions. « Il faut arrêter de faire reposer la responsabilité sur le consommateur et faire croire qu’il peut trouver toutes les solutions, les chercheurs nous expliquent que l’appétence au plastique est une appétence au confort », affirme Philippe Bolo. Surtout, le député invite à « ne pas juste considérer le sujet en aval en s’appuyant sur le recyclage ». Les travaux de l’Opecst mettent en lumière l’insuffisance du recyclage puisque seulement 9 % des produits plastiques sont recyclés. « On est en train de finaliser une note sur le recyclage des plastiques, cette recommandation est aussi le fruit du travail en cours », informe d’ailleurs Philippe Bolo. Par ailleurs, le « recyclage n’est pas infini », rappelle Angèle Préville, pour qui il est illusoire de miser sur le recyclage pour réduire durablement l’empreinte plastique mondiale.

Adopter un traité contraignant, un défi de taille

Malgré ce travail, la reprise de ces éléments dans le traité international n’a rien d’une évidence. « En tant que parlementaires, il nous faut avant tout mobiliser sur le sujet, notamment les ONG et une partie importante du travail qu’il reste à faire consiste à convaincre le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu », explique Philippe Bolo qui précise que « le travail porte sur les enjeux scientifiques et techniques du traité ». Néanmoins, en accueillant le deuxième cycle de négociation « l’idée est de porter un rôle de la France en tant qu’ambassadeur de ce traité, Il y a un vrai mouvement depuis la résolution des Nations unies ouvrant le mandat de négociations », rappelle Angèle Préville.

Concrètement, deux groupes d’Etats se distinguent, le premier réunit les Etats les plus ambitieux et est majoritairement constitué d’Etats européens, africains et sud-américains. Les Etats producteurs de pétrole, et donc de plastique, sont particulièrement hostiles à l’adoption d’un traité reposant sur des normes contraignantes imposant une réduction de la production et de la consommation de plastique. D’autres, comme la Chine « auront du mal à se positionner » affirme Angèle Préville, tandis que « les Etats-Unis ne sont pas favorables à un traité juridiquement contraignant », concède Angèle Préville.

 

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