Le Shift Project, think tank fondé par Jean-Marc Jancovici, dévoile une large consultation réalisée auprès de 8 000 agriculteurs. Une écrasante majorité manifestent leur inquiétude face aux effets du changement climatique sur leurs fermes et se disent prêts à transformer leurs pratiques, mais 87 % d’entre eux estiment ne pas être suffisamment aidés financièrement dans cette transition.
Une aide de 230 millions pour le chauffage au fioul : « Le dispositif doit être travaillé », estime le rapporteur au Sénat
Par Romain David
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Les discussions à l’Assemblée nationale autour du projet de loi de finances rectificative (PLFR), portant diverses mesures en faveur du pouvoir d’achat des Français, s’enlisent et offrent à l’exécutif un aperçu peu amène des cinq années à venir en l’absence de majorité absolue. Après un premier revers samedi, avec l’adoption contre l’avis du gouvernement d’une enveloppe de 120 millions d’euros aux départements pour compenser la hausse du RSA, c’est sur la question du fioul que la majorité s’est cassé les dents lundi. Les élus ont adopté par 164 voix contre 153 un amendement déposé par le député Les Républicains de l’Orne Jérôme Nury, prévoyant la création d’ « une aide exceptionnelle de soutien aux particuliers utilisant le fioul comme chauffage » de 230 millions d’euros. Un montant que les soutiens d’Emmanuel Macron ont tenté en vain de diviser par cinq, en proposant plutôt une aide ciblée sur les ménages modestes, pour 50 millions d’euros. Mais les voix de la NUPES et du Rassemblement national ont permis aux LR de faire passer leur mesure. Au Sénat, la majorité de droite et du centre, qui appelle pourtant à davantage de rigueur budgétaire, salue une aide « concrète » en faveur du pouvoir d’achat et laisse entendre qu’elle pourrait être conservée dans la version du PLFR établie par la Chambre haute.
« C’est une mesure indispensable, il n’a échappé à personne qu’il n’y avait aucune aide pour le fioul », observe auprès de Public Sénat le sénateur LR Jean-François Husson, rapporteur pour la Chambre haute du PLFR. « Une aide coup de pouce sur le fioul et le fait de pouvoir remplir sa chaudière à moindre coût est à mon sens une très bonne mesure », abonde sa collègue la sénatrice LR Frédérique Puissat, qui est la rapporteure du texte sur le pouvoir d’achat présenté par l’exécutif en même temps que le PLFR. « On travaille en étroite collaboration avec les députés. Je pense que c’est une mesure que l’on pourra aisément reprendre au Sénat. Elle correspond à une attente des Français », poursuit-elle. « Notamment en milieu rural ou le mode de chauffage ne peut pas être celui du gaz puisque l’on n’a pas accès au gaz de ville et l’électricité y est très coûteuse », pointe encore cette élue, Elle concède toutefois : « Certes, cette mesure a un coût mais je crois qu’elle sera très efficiente. »
Des dépenses qui agitent les Républicains
À mi-mot, une élue qui siège à la commission des finances du Sénat ne cache pas son agacement devant le montant alloué, qui doit être dérouté du budget initialement consacré à la politique de la ville. Une logique du « toujours plus », selon cette sénatrice, et motivée par la dynamique d’opposition qui a tendance à l’emporter dans l’hémicycle du Palais Bourbon, alors que la droite sénatoriale ne cesse de réclamer la fin du « quoi qu’il en coûte ». « Nous voterons les textes en faveur du pouvoir d’achat à deux conditions : que l’on encourage le travail et que l’on mette fin au ‘quoi qu’il en coûte’ en matière de dépenses publiques. Le message que nous voulons adresser, c’est que le pouvoir d’achat ne peut pas dépendre des chèques en bois de l’Etat qui sont signés sur le dos des générations futures », faisait encore valoir Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat, dans un entretien au Parisien publié samedi. Les 50 millions proposés par le gouvernement en commission apparaissaient comme sous-calibré », défend la sénatrice LR Christine Lavarde, vice-présidente de la commission des Finances. « Faillait-il aller jusqu’à 230 millions ? Je ne saurais pas répondre. »
Pour mémoire, le paquet législatif sur le pouvoir d’achat n’aura pas manqué de faire apparaître quelques divergences entre la droite sénatoriale et les députés LR. Le blocage des prix à la pompe à 1,50 euro le litre, réclamés par ces derniers, a été jugé trop dispendieux du côté du Palais du Luxembourg. Avant que l’accord passé avec le gouvernement - sur une ristourne de 30 centimes par litre de carburant - ne mette tout le monde d’accord. « On s’aperçoit que par les différents amendements déposés par LR, nous aurons aidé les Français sur la partie essence, sur la partie chauffage, sur leur capacité à débloquer des fonds rapidement à travers le plan épargne entreprise, ou encore avec le ticket-restaurant. Ce sont des plus amenés par LR, dans des textes sur le pouvoir d’achat qui, au départ, ne contenaient que peu de mesures concrètes », veut faire valoir Frédérique Puissat.
Mais « des mesures concrètes » que certains sont prêts à retoucher. « Je pense que le dispositif en faveur du chauffage au fioul doit être travaillé », admet Jean-François Husson. « Il faut une aide pour réduire le coût, mais elle doit être momentanée », souligne-t-il. « Il faudra la coupler tout de suite à une aide à la conversion, notamment pour permettre au Français de passer sur des modes de chauffage plus respectueux de l’environnement, et qui seront également plus efficaces et moins coûteux. » Et d’insister en dépit du montant de la mesure : « Ce qui compte, c’est la manière dont on va accompagner les usagers. »
« Il faut accélérer sur la transition, entrer en économie de guerre sur la rénovation énergétique et le chauffage »
« J’imagine qu’avec cette aide sur le fioul, les LR du Sénat doivent être embarrassés », commente le sénateur écolo Ronan Dantec. Un embarras qui a aussi frappé les rangs de la NUPES, puisque sur les dix députés de sa famille politique présents dans l’hémicycle, six se sont abstenus au moment de voter la mesure, pourtant soutenue au sein de l’alliance de gauche par les socialistes et La France insoumise. En cause : le coup de pouce accordé à une énergie fossile. « Il faudrait tout remettre à plat au niveau financier et arrêter d’appuyer sur le système tel qu’il est », s’agace Ronan Dantec. « Bien sûr il faut une aide d’urgence sur le fioul, mais certainement pas sur tous les ménages. Surtout, je pense que l’on prend les choses par le mauvais sens. Il faut accélérer sur la transition, entrer en économie de guerre sur la rénovation énergétique et le chauffage. Au lieu de cela, tous les amendements que nous avons déposés en ce sens ont été rejetés car jugés trop éloignés des textes ».
« Les dispositifs de soutien et de remplacement ne sont pas suffisants ou trop difficiles d’accès », reconnaît la sénatrice Christine Lavarde. « Au-delà de l’instant présent, il faut aussi se projeter vers le futur et se poser des questions de cette nature. »
« Il ne faut pas perdre de vue, comme pour l’aide sur le carburant, que toutes les aides financières autour des énergies fossiles ne sont pas idéales. Mais tenir compte des éléments de conjoncture n’empêche pas d’envisager un mode d’accompagnement des usagers pour faire évoluer les méthodes de chauffage », abonde le socialiste Vincent Eblé, également vice-président de la commission des finances. En revanche, ce sénateur se montre beaucoup plus nuancé sur le caractère universel de la mesure adopté par l’Assemblée : « Je suis favorable à cette mesure dès lors qu’elle est encadrée et ne s’adresse pas à tout le monde. On ne peut pas continuer à faire des cadeaux comme ce gouvernement a pris l’habitude d’en faire. Un plafonnement du dispositif serait un minimum. »
Examiné par la commission à partir de mercredi, le projet de loi de finances rectificative sera débattu en séance publique à partir du lundi 1er août.