Voiture Pollution de l’Air

ZFE : L’assouplissement annoncé par le gouvernement est « un coup’ de com, ni plus ni moins »

Le gouvernement a annoncé lundi que la mise en place des restrictions de circulation pour les véhicules les plus polluants fera l’objet d’un sursis dans les agglomérations dont les niveaux de pollution se situent sous les seuils autorisés. Pour le sénateur LR Philippe Tabarot, en pointe sur ce dossier, l’exécutif ne répond pas à l’inquiétude des élus et des automobilistes. Dans une proposition de loi, il entend remettre à plat le calendrier d’application.
Romain David

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Le déploiement des zones à faibles émissions (ZFE), qualifiées de « bombes sociales à retardement » par le Sénat, attendra encore dans certaines villes. À l’issue du comité ZFE qui s’est tenu ce lundi 10 juillet, Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, et son ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune, ont annoncé un assouplissement pour plusieurs agglomérations dans la mise en place des restrictions de circulation prévues pour limiter la pollution aux particules fines. Seuls les territoires qui dépassent les seuils de pollution autorisés devront se plier au calendrier de déploiement initialement prévu, les autres, soit une trentaine d’agglomérations, échapperont à l’interdiction d’ici 2025 des véhicules de la catégorie « Crit’Air 3 ».

En revanche, l’interdiction à partir du 1er septembre 2025 des véhicules les plus anciens du parc automobile, c’est-à-dire ceux qui dépassent les 26 ans, reste d’actualité pour l’ensemble des agglomérations de plus de 150 000 habitants concernés par le dispositif ZFE. Cette interdiction est d’ailleurs déjà appliquée dans certaines villes comme Grenoble ou Montpellier.

Une « clarification sémantique »

Ces annonces reprennent les conclusions du rapport du comité de concertation nationale mis en place en début d’année par Christophe Béchu pour tenter d’apaiser l’inquiétude des élus devant un dispositif jugé complexe et susceptible, surtout, de déclencher une grogne massive des automobilistes. De quoi raviver le spectre des « Gilets Jaunes ». Néanmoins le sursis annoncé ce lundi matin n’a guère convaincu le sénateur LR Philippe Tabarot, membre de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui suit de près ce dossier au sein de la Chambre Haute. Pour l’élu, le gouvernement opère une « simple clarification sémantique ».

« Il n’y a là aucune annonce susceptible de rassurer les élus locaux et les automobilistes, la loi Climat et Résilience de 2021 prévoit déjà l’assouplissement présenté ce matin pour les villes qui ne dépassent pas un certain seuil de pollution », note le sénateur auprès de Public Sénat. À ses yeux, le gouvernement se contente d’opérer une simple distinction lexicale entre les cinq agglomérations qui devront suivre le calendrier de mise en œuvre – Paris, Marseille, Lyon, Strasbourg et Rouen –, et les autres, désormais rebaptisées « territoires de vigilance ». « C’est de la com’, ni plus ni moins », s’agace-t-il.

13 millions de véhicules exclus par les ZFE ?

Les cinq agglomérations toujours concernées par des dépassements devront enclencher deux niveaux de restriction de circulation dans les 24 mois à venir : pour les véhicules Crit’Air 4 (voitures diesel de plus de 18 ans) au 1er janvier 2024, puis les Crit’Air 3 (les voitures essences âgées de 20 et plus, et les diesels âgés de 15 ans et plus) au 1er janvier 2025. Ces restrictions vont frapper un total de « 13 millions d’automobilistes », selon un calcul de Philippe Tabarot. Un chiffre qualifié de « fake news » ce lundi par Christophe Béchu, qui parle plutôt de « 2 millions de véhicules ».

« Ils seront environ 3 millions dans les zones concernées, mais le ministre passe sous silence plus de 10 millions d’automobilistes dans le reste de la France qui ne pourront plus se rendre dans les ZFE. Par exemple, un automobiliste détenteur d’un véhicule de Crit’Air3 à Clermont-Ferrand ne pourra plus traverser Paris », défend le sénateur.

Repousser à 2030 le déploiement obligatoire des ZFE dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants

En conséquence, Philippe Tabarot annonce déposer sa propre proposition de loi pour étendre le calendrier à venir au-delà de ce qui est prévu par la législation en vigueur. Le texte, consulté par Public Sénat, reprend les préconisations déjà formulées par le sénateur dans son rapport « Zones à faibles émissions mobilité : sortir de l’impasse » présenté mi-juin. « L’objectif est celui de la synchronisation », nous explique Philippe Tabarot. « C’est-à-dire faire en sorte que les ZFE soient mises en place lorsque l’on aura créé un choc de l’offre de transports en commun et correctement organisé les aides à l’acquisition de véhicules propres. » Un délai supplémentaire devrait également permettre de régler la question du contrôle, alors que l’Etat et les collectivités continuent de se renvoyer la balle sur ce point. « À quoi bon promulguer des interdictions si, derrière, personne ne vérifie », soupire Philippe Tabarot.

Sa proposition de loi prévoit ainsi de repousser de cinq ans, à 2030, l’obligation de mise en place d’une ZFE dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants. De fait, l’interdiction des véhicules Crit’Air 3 serait repoussée d’autant.

Faciliter la circulation en transports en commun

« Le gouvernement me dit qu’il ne veut pas toucher aux seuils définis par les vignettes Crit’Air, car elles reprennent des critères européens. Ce que je propose, ce sont des mesures moins généralistes, dont il serait possible de s’affranchir s’il est démontré que le véhicule ne pollue pas », explique le sénateur. Il est ainsi question d’instaurer un contrôle des émissions de polluants atmosphériques lors du contrôle technique en vue d’attribuer aux véhicules une vignette « Eco-entretien » qui leur permettrait de circuler de manière dérogatoire dans les ZFE, indépendant de leur âge.

Philippe Tabarot propose également la mise en place de prêts à taux zéro pour l’acquisition de véhicules propres, lourds et légers, mais aussi une baisse du taux de TVA de 10 à 5,5 % applicable aux transports en commun. « J’ai bien conscience que nos finances publiques ne peuvent pas se permettre n’importe quoi, mais ce que je souhaite c’est que l’on cible les aides vers ceux qui en ont le plus besoin ».

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C’était une des victimes de la grogne des agriculteurs, en janvier et février dernier. Le plan Ecophyto, troisième du nom, qui avait pour objectif de réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030 par rapport à la période 2011-2013, avait été « mis sur pause » le 1er février. Il était décrié par les agriculteurs, qui manifestaient leur colère contre l’excès de normes et le manque de rentabilité de leurs activités. Une nouvelle version du plan devait voir le jour pour le Salon de l’agriculture, fin février. C’est finalement le 6 mai qu’il sera présenté. Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, en a présenté les grandes lignes dans un entretien au Parisien, ce vendredi 3 mai. Plan Ecophyto quatrième version : un nouvel indicateur Sur le papier, le nouveau plan Ecophyto ne change pas son objectif : réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030, par rapport à la période 2011-2013. Ce qui change, c’est l’indicateur utilisé. Alors que depuis 2008 et le premier plan Ecophyto, c’était un indicateur français, le NoDU (Nombre de doses unités), qui était utilisé pour comptabiliser la quantité de pesticides utilisés chaque année, ce sera dorénavant le HRI-1 (Harmonized Risk Indicator, indicateur de risque harmonisé), un indicateur européen, qui sera utilisé. Gabriel Attal avait annoncé ce changement le 21 février dernier. Du NoDU au HRI-1 : qu’est-ce que cela change ? Ce changement d’indicateur est l’un des principaux enjeux de ce plan. En effet, le mode de calcul est différent d’un indicateur à l’autre. Le NoDU se base, pour chaque substance, sur les doses maximales autorisées par hectare pour chaque produit phytosanitaire. C’est une addition des surfaces (en hectares) qui seraient traitées avec les doses de référence. C’est une statistique au calcul complexe, décrié par certains syndicats agricoles. Pour Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire, il est « catastrophique ». Il ne mâche pas ses mots : « Il a été imposé par des écolos dogmatiques avec un objectif de sortie totale des phytosanitaires ». Le HRI-1, lui, prend la masse des produits phytosanitaires vendus en France et les pondère par un coefficient prenant en compte la dangerosité de chaque produit. Il en existe quatre : 1, 8, 16 et 64, ce dernier correspondant au plus haut niveau de dangerosité. Marc Fesneau se félicite de ce changement : « Si l’on n’utilisait pas le même indicateur que nos voisins, à quoi cela servirait-il ? C’est comme si, pour notre objectif climatique de réduction d’émissions de CO2, nous avions notre propre calculateur et le reste de l’Europe un autre », expliquait-il au Parisien ce matin. Si le HRI-1 permet de donner un poids plus important aux produits les plus nocifs, il présente des défauts. Ses coefficients, qui ne reposent pas sur un calcul scientifique, peuvent être jugés comme artificiels. C’est l’avis d’un ensemble de scientifiques, membres du Comité Scientifique et Technique du plan Ecophyto qui, dans un article au média The Conversation du 21 février dernier, alertait sur « la nécessité de conserver un indicateur prenant en compte les doses d’usage, tel que le NoDU ». C’est aussi l’avis de Daniel Salmon, sénateur écologiste de l’Ille-et-Vilaine. « Aucun indicateur n’est parfait, mais il fallait combiner le NoDU et le HRI-1. C’est possible dans les directives européennes. Si on change d’indicateur en cours de route, on fausse toutes les références, on  va constater une baisse significative qui ne correspond pas à la réalité » explique-t-il à publicsenat.fr. Le nouveau plan Ecophyto : réduire les pesticides nocifs Même si, sur le papier, l’objectif du plan Ecophyto dernière version ne change pas, avec ce nouvel indicateur, son interprétation se déplace. Il passe d’une réduction des pesticides en général, à une réduction des pesticides dangereux. 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Les autres mesures Autre nouveauté du plan Ecophyto, quatrième version, c’est la concrétisation de la doctrine « pas d’interdiction sans alternative », revendiquée entre autres par la FNSEA. Le ministre de l’Agriculture a en effet annoncé la provision de 250 millions d’euros par an, dont 150 pour financer la recherche de solutions alternatives aux produits phytosanitaires les plus dangereux, qui auront vocation à être interdits. Si Daniel Salmon n’est pas complètement opposé à cette mesure, pour lui, les alternatives doivent être « bien étudiées ». Pas question que cela ne permette de développer de nouvelles molécules. « La recherche doit aussi se faire sur les causes. Les nouveaux ravageurs se développent parce que leur environnement change, et on doit comprendre pourquoi ils pullulent : il y a le réchauffement climatique mais aussi la chute de la biodiversité », ajoute-t-il. Du côté des LR, la somme convient : « 250 millions, c’est ce que je proposais », explique Laurent Duplomb, « mais il faut se poser les bonnes questions ». Pour le sénateur qui est aussi agriculteur, cet argent doit aller aussi à des initiatives incluant les agriculteurs, comme les fermes Dephy, qui cherchent à réduire l’usage de pesticides en développant des alternatives. Enfin, le nouveau plan Ecophyto contient une partie indemnisation, pour les riverains et les victimes de pesticides. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles » La nouvelle mouture du plan est loin de satisfaire les écologistes et l’association de défense de l’environnement Générations Futures. Pour elle, l’abandon du NoDU, c’est « casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre ». « Le HRI1 est un indicateur trompeur puisqu’il affiche une baisse de 32 % entre 2011 et 2021 alors que le NoDU a, lui, augmenté de 3 % de l’usage des pesticides pendant la même période », explique-t-elle dans un communiqué du 3 mai. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles en prétendant ne rien avoir changé à la politique de réduction des pesticides en France ! », peut-on y lire. Son porte-parole François Veillerette, regrette : « La France a longtemps été considérée à l’avant-garde des pays portant une ambition de réduction des pesticides. Avec cette nouvelle stratégie elle rejoint les pays qui mettent tout en œuvre pour que rien ne change, faisant régresser notre pays de 15 ans ! ». Daniel Salmon partage la même colère. « C’est un très mauvais plan », juge-t-il, « c’est un grand recul malgré l’enfumage du ministre. Les producteurs de phytosanitaires ont gagné la bataille contre l’opinion publique et les agriculteurs ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots » Du côté droit de l’hémicycle, le plan est bien accueilli. « Enfin ! », se réjouit le sénateur Les Indépendants de la Haute-Garonne Pierre Médevielle, « il était temps d’harmoniser les politiques et de parler d’une seule voix en Europe, pour que nous soyons crédibles ». Sur les pesticides, l’élu se veut mesuré dans sa position : « On ne peut pas vider la trousse à pharmacie, mais il faut arriver à restaurer la confiance ». Il plaide pour une approche « prudente mais réaliste », à l’encontre d’une « écologie punitive ou d’une écologie idéaliste ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots », se réjouit Laurent Duplomb. Pour autant, l’élu dit ne pas se faire d’illusions : « Je n’ai rien à enlever à ce qu’il a dit. Mais on assiste à une multitude d’annonces séduisantes, mais qui ne verront jamais le jour. Depuis les mesures annoncées après la crise agricole, lesquelles ont été réellement mises en place ? ». Le sénateur travaille sur le projet de loi d’orientation agricole, qui passera au Sénat dans l’hémicycle à la mi-juin. Il regrette de ne pas y trouver les mesures annoncées par le ministre.

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