Voiture Pollution de l’Air
Voiture Alerte Pollution de l'Air, Pot d'echappement de voiture, a Nice, FRANCE - 07/10/2019//SYSPEO_sysC015/1910102045/Credit:SYSPEO/SIPA/1910102046

ZFE : L’assouplissement annoncé par le gouvernement est « un coup’ de com, ni plus ni moins »

Le gouvernement a annoncé lundi que la mise en place des restrictions de circulation pour les véhicules les plus polluants fera l’objet d’un sursis dans les agglomérations dont les niveaux de pollution se situent sous les seuils autorisés. Pour le sénateur LR Philippe Tabarot, en pointe sur ce dossier, l’exécutif ne répond pas à l’inquiétude des élus et des automobilistes. Dans une proposition de loi, il entend remettre à plat le calendrier d’application.
Romain David

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Le déploiement des zones à faibles émissions (ZFE), qualifiées de « bombes sociales à retardement » par le Sénat, attendra encore dans certaines villes. À l’issue du comité ZFE qui s’est tenu ce lundi 10 juillet, Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, et son ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune, ont annoncé un assouplissement pour plusieurs agglomérations dans la mise en place des restrictions de circulation prévues pour limiter la pollution aux particules fines. Seuls les territoires qui dépassent les seuils de pollution autorisés devront se plier au calendrier de déploiement initialement prévu, les autres, soit une trentaine d’agglomérations, échapperont à l’interdiction d’ici 2025 des véhicules de la catégorie « Crit’Air 3 ».

En revanche, l’interdiction à partir du 1er septembre 2025 des véhicules les plus anciens du parc automobile, c’est-à-dire ceux qui dépassent les 26 ans, reste d’actualité pour l’ensemble des agglomérations de plus de 150 000 habitants concernés par le dispositif ZFE. Cette interdiction est d’ailleurs déjà appliquée dans certaines villes comme Grenoble ou Montpellier.

Une « clarification sémantique »

Ces annonces reprennent les conclusions du rapport du comité de concertation nationale mis en place en début d’année par Christophe Béchu pour tenter d’apaiser l’inquiétude des élus devant un dispositif jugé complexe et susceptible, surtout, de déclencher une grogne massive des automobilistes. De quoi raviver le spectre des « Gilets Jaunes ». Néanmoins le sursis annoncé ce lundi matin n’a guère convaincu le sénateur LR Philippe Tabarot, membre de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui suit de près ce dossier au sein de la Chambre Haute. Pour l’élu, le gouvernement opère une « simple clarification sémantique ».

« Il n’y a là aucune annonce susceptible de rassurer les élus locaux et les automobilistes, la loi Climat et Résilience de 2021 prévoit déjà l’assouplissement présenté ce matin pour les villes qui ne dépassent pas un certain seuil de pollution », note le sénateur auprès de Public Sénat. À ses yeux, le gouvernement se contente d’opérer une simple distinction lexicale entre les cinq agglomérations qui devront suivre le calendrier de mise en œuvre – Paris, Marseille, Lyon, Strasbourg et Rouen –, et les autres, désormais rebaptisées « territoires de vigilance ». « C’est de la com’, ni plus ni moins », s’agace-t-il.

13 millions de véhicules exclus par les ZFE ?

Les cinq agglomérations toujours concernées par des dépassements devront enclencher deux niveaux de restriction de circulation dans les 24 mois à venir : pour les véhicules Crit’Air 4 (voitures diesel de plus de 18 ans) au 1er janvier 2024, puis les Crit’Air 3 (les voitures essences âgées de 20 et plus, et les diesels âgés de 15 ans et plus) au 1er janvier 2025. Ces restrictions vont frapper un total de « 13 millions d’automobilistes », selon un calcul de Philippe Tabarot. Un chiffre qualifié de « fake news » ce lundi par Christophe Béchu, qui parle plutôt de « 2 millions de véhicules ».

« Ils seront environ 3 millions dans les zones concernées, mais le ministre passe sous silence plus de 10 millions d’automobilistes dans le reste de la France qui ne pourront plus se rendre dans les ZFE. Par exemple, un automobiliste détenteur d’un véhicule de Crit’Air3 à Clermont-Ferrand ne pourra plus traverser Paris », défend le sénateur.

Repousser à 2030 le déploiement obligatoire des ZFE dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants

En conséquence, Philippe Tabarot annonce déposer sa propre proposition de loi pour étendre le calendrier à venir au-delà de ce qui est prévu par la législation en vigueur. Le texte, consulté par Public Sénat, reprend les préconisations déjà formulées par le sénateur dans son rapport « Zones à faibles émissions mobilité : sortir de l’impasse » présenté mi-juin. « L’objectif est celui de la synchronisation », nous explique Philippe Tabarot. « C’est-à-dire faire en sorte que les ZFE soient mises en place lorsque l’on aura créé un choc de l’offre de transports en commun et correctement organisé les aides à l’acquisition de véhicules propres. » Un délai supplémentaire devrait également permettre de régler la question du contrôle, alors que l’Etat et les collectivités continuent de se renvoyer la balle sur ce point. « À quoi bon promulguer des interdictions si, derrière, personne ne vérifie », soupire Philippe Tabarot.

Sa proposition de loi prévoit ainsi de repousser de cinq ans, à 2030, l’obligation de mise en place d’une ZFE dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants. De fait, l’interdiction des véhicules Crit’Air 3 serait repoussée d’autant.

Faciliter la circulation en transports en commun

« Le gouvernement me dit qu’il ne veut pas toucher aux seuils définis par les vignettes Crit’Air, car elles reprennent des critères européens. Ce que je propose, ce sont des mesures moins généralistes, dont il serait possible de s’affranchir s’il est démontré que le véhicule ne pollue pas », explique le sénateur. Il est ainsi question d’instaurer un contrôle des émissions de polluants atmosphériques lors du contrôle technique en vue d’attribuer aux véhicules une vignette « Eco-entretien » qui leur permettrait de circuler de manière dérogatoire dans les ZFE, indépendant de leur âge.

Philippe Tabarot propose également la mise en place de prêts à taux zéro pour l’acquisition de véhicules propres, lourds et légers, mais aussi une baisse du taux de TVA de 10 à 5,5 % applicable aux transports en commun. « J’ai bien conscience que nos finances publiques ne peuvent pas se permettre n’importe quoi, mais ce que je souhaite c’est que l’on cible les aides vers ceux qui en ont le plus besoin ».

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