49.3, seconde délibération, navette : les armes du gouvernement pour reprendre la main sur le Budget

49.3, seconde délibération, navette : les armes du gouvernement pour reprendre la main sur le Budget

Après la victoire des oppositions sur plusieurs amendements, sur quel projet de budget le gouvernement va-t-il pouvoir engager sa responsabilité ? Plusieurs procédures couplées à l’article 49.3 peuvent lui permettre de rétablir ou de supprimer des dispositions.
Guillaume Jacquot

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Mis en minorité à plusieurs reprises dans la première partie du projet de loi de finances pour 2023 à l’Assemblée nationale, le gouvernement est bien parti pour faire usage de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution dans les prochains jours, sur tout ou partie du texte. Il engagerait alors sa responsabilité devant les députés. S’il survit à une motion de censure, le budget 2023 sera considéré comme adopté à l’Assemblée nationale.

Mais quel sera le projet de loi mis dans la balance ? C’est désormais toute la question, puisque plusieurs amendements emblématiques ont déjà été adoptés contre l’avis du gouvernement : une majoration de l’imposition sur les super-dividendes, le retour de l’exit tax, ou encore la création d’un crédit d’impôt pour le reste à charge des résidents en Ehpad. « Ce n’est pas tout ou rien. Ce n’est pas seulement le texte d’origine, cela peut-être le texte transformé au gré des amendements parlementaires », explique Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris Panthéon-Assas.

Des procédures parlementaires pour revenir les amendements déjà adoptés

Concernant les amendements qui n’auraient pas pu être examinés, le gouvernement peut choisir de retenir ce que bon lui semble. « Le 49-3 permet de faire le tri », appuie le constitutionnaliste. Les choses sont un peu plus sensibles sur les articles déjà examinés par les députés. « Si on en croit la pratique parlementaire, tout ce qui a été voté définitivement est acté », souligne Benjamin Morel.

Selon lui, plusieurs procédures permettraient « de contourner le problème », juste avant de recourir au 49.3. En cas de disposition supprimée, le gouvernement pourrait les rétablir par amendement via des articles additionnels. L’exécutif pourrait aussi faire intervenir une seconde délibération sur les articles sur lesquels il a perdu la main, avant d’engager sa responsabilité sur cette proposition de texte.

« Il n’a jamais été question que le gouvernement balaye d’un revers de main les amendements », selon, le président des députés Horizons

Le 29 février 2020, la dernière fois où le 49.3 a été utilisé, Édouard Philippe avait annoncé que le texte de la réforme des retraites en question était « profondément enrichi, grâce à tous les amendements que nous y intégrons ».

Invité de Parlement Hebdo, ce vendredi sur les chaînes parlementaires, Laurent Marcangeli, le président des députés Horizons, confirme que l’exécutif pourrait tout aussi bien « ignorer totalement les votes de l’Assemblée nationale », comme « ajouter des amendements qui ont été votés » ou qui n’auraient pas pu être examinés. Politiquement, le député, membre de la majorité présidentielle, reconnaît qu’il serait « très difficile de justifier que tout ou partie des amendements qui ont été votés ne soit pas inscrit in fine ». « Il n’a jamais été question, dans toutes les discussions que nous avons eues, que le gouvernement balaye d’un revers de main les amendements des oppositions », assure le député de Corse-du-Sud. Au sujet du rétablissement de l’exit tax, le président de groupe estime qu’il ne serait « pas un scandale » que la disposition soit préservée.

Le gouvernement peut aussi faire jouer la navette parlementaire

Il reste potentiellement d’autres options à la main du gouvernement, en dehors de ce tri d’amendements, pour corriger ses mauvaises surprises de la première lecture. « Le gouvernement a un outre outil pour tenter de neutraliser les choses. Il peut choisir de retirer son texte, et de le redéposer, et d’entrée de jeu, engager le 49.3. C’est un peu une bombe nucléaire, mais c’est possible », imagine Benjamin Morel.

Une « bouée de sauvetage » plus conventionnelle existe, pour régler le sort des amendements adoptés contre l’avis du gouvernement. « La solution, c’est la navette parlementaire. C’est remis en discussion, il n’y a pas le feu à Bercy », insiste le constitutionnaliste. La discussion au Sénat représente une nouvelle opportunité de revenir sur les amendements. Si les articles qui déplaisent au gouvernement ne sont pas votés dans les mêmes termes au Sénat, ils sont remis en discussion pour une dernière lecture, après l’échec hautement plausible d’une commission mixte paritaire entre les deux chambres. À l’Assemblée nationale, « le gouvernement pourra les amender et faire un 49.3 », détaille professeur de droit.

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