Invité de la matinale de Public Sénat, Pierre Rosanvallon, sociologue et historien, alerte sur le manque de confiance, de légitimité et d’autorité dont souffrent les institutions françaises. Pour résoudre cette crise, il recommande d’élargir le fonctionnement démocratique aux citoyens et préconise davantage de proximité entre les Français et leurs institutions.
Ces textes repoussés, victimes collatérales des émeutes urbaines
Par Tâm Tran Huy
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Les émeutes urbaines ont entraîné des annulations en cascade : kermesses, fêtes des écoles, deux concerts de Mylène Farmer au Stade de France, au grand dam de ses fans qui, pour certains, campaient déjà sur place afin d’occuper les premiers rangs. Au niveau politique et législatif aussi, des textes et des annonces prévues pour occuper le devant de la scène sortent de la séquence K.O. Si le Conseil pour la planification écologique est repoussé de quelques jours, le projet de loi sur l’immigration, déjà reporté de mois en mois, va devoir attendre au mieux le mois d’octobre pour être débattu.
Planification écologique : rendez-vous le 17 juillet
Qui a retenu, cette semaine, que des records de chaleur mondiaux avaient été battus ? Plus de 17°C mesurés en moyenne sur la surface du globe, de quoi largement justifier le Conseil pour la Planification écologique prévu mercredi 5 juillet. Mais une actualité plus brûlante encore a chassé cette nouvelle, les émeutes urbaines ont balayé ce calendrier : ce record de chaleur n’a pas fait la une des journaux et le grand ramdam ministériel s’est soldé en discrète réunion de travail dont rien n’est sorti en ce milieu de semaine. Ce Conseil très attendu, qui doit faire connaître la stratégie écologique de la France sur le long terme et surtout les financements associés, n’aura que quelques jours à attendre puisqu’il doit avoir lieu le 17 juillet prochain, quelques jours avant la pause estivale.
Banlieues : les annonces sociales pour la rentrée
Autre victime paradoxale, après ces émeutes qui ont notamment secoué les quartiers sensibles de France, le Comité interministériel des villes qui s’est bien tenu le 30 juin, mais à Matignon alors qu’il devait avoir lieu à Chanteloup-Les-Vignes, banlieue symbole des violences urbaines depuis les événements de 2019 (un chapiteau brûlé en plein centre-ville). Des annonces fortes avaient été promises, mais vont devoir attendre l’automne prochain. Attendue depuis plusieurs mois, cette réunion a pourtant rassemblé autour d’Elisabeth Borne seize ministres et de nombreux représentants d’élus locaux. Elle devait permettre de développer les mesures annoncées par Emmanuel Macron dans le cadre du plan « Quartiers 2030 », d’annoncer les nouveaux quartiers prioritaires. Au lieu de cela, les 40 minutes de réunion ont surtout permis de faire le bilan sécuritaire des émeutes. Les annonces sociales devront attendre le mois de septembre.
Immigration : rendez-vous aux calendes ?
Enfin, c’est devenu une habitude pour le projet de loi immigration, maintes fois annoncé, maintes fois repoussé. Le texte, qui a pourtant été déjà débattu en commission des lois au Sénat et qui devait débuter son examen dans l’hémicycle de la chambre haute dans la foule de la réforme des retraites, a déjà été repoussé dans un souci d’apaisement. Le projet de loi, qui devait satisfaire tout le monde en prévoyant, selon les mots de Gérald Darmanin, « d’être gentil avec les gentils, et méchant avec les méchants », a cherché des alliés à droite. Le ministre de l’Intérieur avait d’ailleurs annoncé partir de la copie de la droite, le texte amendé par la droite sénatoriale, pour poursuivre les discussions. Mais désormais, les émeutes ont encore un peu plus durci les positions de LR. La droite lie les émeutes à l’immigration et cette semaine, Eric Ciotti a remis en avant les deux propositions de loi voulues par le parti et insisté sur une mesure polémique, la déchéance de nationalité des criminels binationaux. Quant au patron du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, il a dénoncé mercredi matin, dans ces violences, « une sorte de régression vers les origines ethniques. » Des propos qu’il a assumés au micro de Public Sénat plus tard. Alors que la droite semble dont désormais flirter avec le RN sur ces thématiques, trouver un accord pour le gouvernement avec la droite sur cette thématique paraît donc pour l’instant mission impossible. Si le débat est annoncé au Parlement au mois d’octobre, on imagine facilement un nouveau report si les esprits n’ont pas évolué d’ici-là.
Un plan à 5 millions pour les maires
Si les annonces en matière de politique de la ville vont devoir attendre, les violences dont les maires de Pontoise, Montluçon ou l’Haÿ-les-Roses ont abouti à de nouvelles mesures. Accusée ce mercredi en audition par Patrick Kanner d’avoir toujours « un temps de retard », Dominique Faure a annoncé un plan doté de 5 millions d’euros pour protéger les maires.
Enfin, certains textes ont été amendés à la suite des émeutes. Alors que les appels à la casse ont fleuri sur Tik Tok et Snapshat, alors que les réseaux sociaux sont accusés d’avoir joué un rôle-clé dans les violences et dans les saccages, le corapporteur LR Patrick Chaize a défendu un amendement pour obliger les plateformes à retirer, sous deux heures, les contenus « incitant manifestement à la violence ». Face aux risques d’inconstitutionnalité de l’article, rédigé dans l’urgence des émeutes, Patrick Chaize a retiré son amendement. Le ministre Jean-Noël Barrot s’est toutefois engagé à mettre en place un groupe de travail transpartisan.
Même préconisation pour la commission d’enquête sur Tik Tok qui a rendu ses conclusions jeudi, et qui a réclamé la modération a priori des contenus mis en ligne sur le célèbre réseau social en cas de troubles à l’ordre public, et le retrait ou blocage de contenus en contexte d’émeutes sur demande de l’autorité administrative.
Entre réformes des retraites et émeutes urbaines, deux visites d’Etat annulées
La réforme des retraites et la grève des poubelles à Paris avait entraîné l’annulation de la visite d’Etat de Charles III fin mars. L’image de la France avait déjà pris un coup : la voilà définitivement ternie à la suite des émeutes urbaines, qui ont empêché la visite d’Etat d’Emmanuel Macron prévue le week-end dernier en Allemagne. Cela devait être la première visite d’Etat d’un chef d’Etat français depuis 23 ans. Le week-end dernier, tous les ministres ont d’ailleurs été priés de rester à Paris. Même punition pour Elisabeth Borne le week-end prochain : la Première ministre était attendue, comme l’année dernière, aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence et a finalement annulé sa venue.
Résultat : certains confrères s’interrogent déjà. « Conflit d’agenda ou remaniement ministériel » se demandent nos confrères de la Provence ?
A l’approche du bilan des 100 jours, et alors que le 14 juillet pourrait être l’occasion de nouvelles violences, plus personne ne se risquerait à prévoir un nouveau remaniement. Peut-être l’ultime victime de cette séquence ?
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