Paris: Press conference by Didier Migaud, president of the HATVP on the 2022 activity report
Lisa Gamgani and Didier Migaud. Press conference by Didier Migaud, President of the High Authority for Transparency in Public Life (HATVP), on the occasion of the publication of the 2022 activity report. Conference de presse de Didier Migaud, president de la Haute Autorite pour la transparence de la vie publique (HATVP), a l occasion de la publication du rapport d activite 2022 Paris, FRANCE-31/05/2023//01JACQUESWITT_HATVP004/Credit:Jacques Witt/SIPA/2305311636

Conflits d’intérêts : face à un record de contrôles en 2024, la HATVP manque de moyens

Lors de la présentation du rapport d’activité 2024 de la HATVP, son nouveau président Jean Maïa a fait état d’un exercice « record. » Face à l’afflux des déclarations à contrôler et les nouvelles missions qui lui sont confiées, la Haute autorité développe des pistes pour améliorer son fonctionnement, mais manque de moyens.
Louis Mollier-Sabet

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Un exercice record. Si les conséquences politiques de l’instabilité politique récente sont largement commentées, l’une d’entre elles est peut-être passée en dessous des radars : suite à la dissolution et la formation de trois gouvernements, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a été submergée de dossiers en 2024. Chargée de contrôler les déclarations de patrimoine et d’intérêts des parlementaires, des ministres, de leurs conseillers, de certains hauts fonctionnaires et d’autres responsables d’organismes publics (notamment du mouvement sportif), l’année 2024 s’annonçait déjà dense pour la HATVP, avec notamment les élections européennes et l’organisation des Jeux Olympiques (voir notre article sur le fonctionnement de ces contrôles pour les futurs ministres). Mais, comme l’anticipait son ancien président devant le Sénat en juin dernier, la Haute autorité a finalement dû faire face à « l’un des exercices déclaratifs les plus soutenus depuis sa création » selon les mots de Jean Maïa, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel et nouveau président de la HATVP qui présente ce 26 mai son premier rapport annuel.

40 % de déclarations reçues supplémentaires

Sur les 13 103 déclarations reçues pendant l’année civile 2024, soit une hausse de 40 % par rapport à l’exercice 2023, 1 300 étaient liées à la dissolution et aux déclarations nécessaires en début comme en fin de mandat. Si l’on ajoute les déclarations liées aux sénatoriales de septembre 2023 que la HATVP avait encore à écluser, on atteint pratiquement les 2 000 déclarations liées aux parlementaires.

« La formation de trois gouvernements pendant l’année et la constitution des cabinets ministériels ont également provoqué un afflux de déclarations », détaille le rapport d’activité de la HATVP, avec là aussi un record de saisine pour contrôler des mobilités de responsables publics comme de certains agents entre le secteur public et le secteur privé. Sur les 751 saisines pour projet de mobilité, seules 8,5 % ont donné lieu à un avis d’incompatibilité, mais près de trois quarts des avis de compatibilité sont assortis de réserves de la HATVP.

« Un avis assorti de réserves n’est pas un jugement dépréciatif de la Haute autorité, a précisé Jean Maïa. Le but c’est plutôt d’aider la personne contrôlée et ses employeurs à adopter une certaine discipline pour ne pas encourir de sanctions pénales ou de risques déontologiques. » Ainsi, 16 membres des différents gouvernements de 2024 ont fait l’objet de demandes de déport de la HATVP, tout comme 51 conseillers ministériels.

Seuls 27 dossiers transmis à la justice, dont trois députés

Sur l’ensemble des 13 103 déclarations reçues par la HATVP, 5 122 ont été contrôlées, 1 000 ont donné lieu à une relance, pour seulement 27 transmissions à la justice pour non-dépôt de déclaration (soit 0,4 %), dont – pour la première fois depuis la création de la HATVP en 2013 – trois députés. La transmission du dossier au procureur est vue comme un dernier recours par la HATVP, et Jean Maïa a d’ailleurs plaidé lors de la présentation du rapport pour confier à la HATVP un pouvoir de sanctions administratives qui lui permettrait de sanctionner pécuniairement et plus rapidement les manquements.

« La temporalité des suites qui peuvent être données à la saisine de l’autorité judiciaire n’est parfois pas adaptée », a-t-il expliqué en prônant une « forme de cohérence et d’harmonisation » avec le dispositif imaginé dans la loi sur les ingérences étrangères de 2024 qui confie ce pouvoir à la HATVP pour les représentants d’intérêts étrangers qui manqueraient à leurs obligations de déclaration.

Un manque de « moyens humains, techniques et financiers »

Une nouvelle prérogative certes, mais qui soulève certaines questions. D’abord, le décret d’application de cette loi publiée en juillet 2024 n’est pas encore paru et ne devrait pas être publié avant juillet 2025. Or la loi prévoit que les représentants d’intérêts étrangers déclarent – sur le modèle des représentants d’intérêts intérieurs – leur situation à la HATVP avant le 1er juillet 2025. « Je n’accable personne, mais en termes de sécurité juridique – y compris pour la Haute autorité – ce n’est pas l’idéal », a sobrement commenté l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel.

D’autant plus que cette évolution des missions de la HATVP soulève aussi une problématique de moyens dans un contexte budgétaire difficile – et alors que la HATVP bat déjà des records de dossiers à traiter. « Nous avons un devoir d’économies budgétaires, comme toutes les institutions publiques. Mais la lucidité m’oblige à dire que l’effectivité de notre mission est conditionnée à la mobilisation de moyens humains, techniques et financiers déjà demandés par mon prédécesseur. La nouvelle mission que nous prenons en charge est un enjeu de souveraineté », a plaidé Jean Maïa. Une cause qui sera difficile à défendre, alors que le ministère des Comptes publics et une commission d’enquête sénatoriale tentent d’identifier des pistes d’économies au sein des différentes agences de l’Etat (voir notre article).

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