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Conseil constitutionnel : le dossier chaud que pourrait traiter le prochain président

L’un des dossiers sur la table des Sages aura des implications politiques, sur l’avenir de Marine Le Pen. Il s’agit qu’une question prioritaire de constitutionnalité, portée par un élu local de Mayotte, condamné à une peine d’inéligibilité avec application provisoire. C’est ce qui a été requis contre l’ancien candidate à la présidentielle. La décision doit être rendue d’ici au 3 avril.
Guillaume Jacquot

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Les Sages sont décidément au centre de l’attention en ce début d’année. Un tiers du Conseil constitutionnel est sur le point d’être renouvelé. Parmi les trois personnalités proposées, Richard Ferrand, voulu par Emmanuel Macron au poste de président, installe un certain trouble au Parlement, qui décidera la semaine prochaine de valider ou non sa nomination.

Les regards se tournent également vers la rue Montpensier, pour connaître le sort des différentes dispositions budgétaires, au terme d’un parcours inhabituellement long. Après avoir rendu leur décision sur la loi de finances, les membres du Conseil constitutionnel vont également se pencher dans les prochains jours sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, en passe d’être définitivement adopté.

Une QPC qui interroge la notion d’exécution provisoire pour une peine d’inéligibilité

Mais c’est bien une autre décision qui sera attentivement scrutée de toute part dans les prochaines semaines. Le Conseil constitutionnel est saisi depuis le 3 janvier d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), registrée sous le numéro 2025-1129. Une QPC est un moyen, pour tout justifiable de contester la constitutionnalité d’une disposition législative applicable à son affaire s’il considère qu’elle porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit (relire notre article).

Elle a été transmise par le Conseil d’État à la fin du mois de décembre. La procédure a été lancée par un élu local de Mayotte, un conseiller municipal de Dembéni (agglomération de Mamoudzou) condamné à une peine d’inéligibilité, assortie « d’une exécution provisoire ». La préfecture l’a déclaré démissionnaire d’office. C’est sur cette notion d’exécution provisoire que le Conseil constitutionnel est attendu. Il a trois mois pour rendre sa décision, c’est-à-dire jusqu’au 3 avril.

Un jugement attendu le 31 mars pour Marine Le Pen

La portée de sa décision ira au-delà de cet élu local de Mayotte, puisque le même sujet se pose à Marine Le Pen. Dans l’affaire des assistants parlementaires RN, l’accusation a notamment requis cinq d’années d’inéligibilité contre la députée du Pas-de-Calais, une réquisition assortie, là aussi, d’une « exécution provisoire ». Autrement dit, la peine d’inéligibilité ne serait pas suspendue le temps d’un appel, et elle empêcherait donc Marine Le Pen de se représenter, aux législatives en cas de nouvelle dissolution, ou à l’élection présidentielle de 2027. Le jugement sera rendu le 31 mars.

Le sujet de fond posé est celui de l’application de l’inéligibilité, à titre provisoire, sur laquelle règne un certain flou juridique, en matière de jurisprudence. L’ancien maire de Toulon Hubert Falco, condamné à une peine l’inéligibilité avec exécution provisoire, avait lui aussi tenté de porter la question devant le Conseil constitutionnel, via une QPC. Mais la Cour de cassation, le filtre pour ce type demande, n’a pas jugé utile de la transmettre. Le 18 décembre, elle a souligné que l’exécution provisoire visait « à favoriser, en cas de recours, l’exécution de la peine et à prévenir la récidive ».

Selon le constitutionnaliste Benjamin Morel, cette lecture est « plutôt favorable » à Marine Le Pen. « A priori, cette dernière ne compte pas fuir à l’étranger pour échapper à la condamnation […] Ensuite, on peut juger peu probable qu’entre le jugement de première instance et l’appel, elle décide de mettre en place un système de financement occulte du parti sur les fonds du Parlement européen », avait-il estimé dans les colonnes du Figaro.

Dans le cas de la QPC transmise par un élu mahorais, l’éclairage du Conseil constitutionnel devrait guider le jugement que prononcera le tribunal correctionnel de Paris, dans le dossier des assistants RN au Parlement européen. « On peut transposer. Le tribunal correctionnel ne serait pas obligé de le faire, mais il serait très fortement, juridiquement et moralement, incité à le faire, de reprendre à son compte ce raisonnement », explique Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel.

La décision pourrait aussi bien être traitée par le Conseil constitutionnel présidé par Laurent Fabius que par son successeur

Les Sages ont, théoriquement, jusqu’au 3 avril pour rendre leur avis. Mais ils pourraient probablement le faire avant 31 mars, le jour du jugement du tribunal correctionnel. « Il est quand même très recommandé que le Conseil se prononce avant le 31 mars. Tout le monde attend cette décision », estime l’ancien haut fonctionnaire du Conseil constitutionnel.

Reste une interrogation, sachant que le mandat de trois membres du Conseil constitutionnel arrive à échéance le 7 mars. Qui de Laurent Fabius ou de son successeur aura à gérer cette décision ? Dans son histoire, l’institution de la rue Montpensier n’a pas vraiment connu une ligne de conduite constante, lorsqu’il s’agit de passer le relais à un collège renouvelé.

« Il y a deux lignes. La première : le Conseil sortant, s’agissant d’une affaire délicate, laisse l’affaire au nouveau Conseil, composé aux deux tiers de l’ancien. L’autre ligne jurisprudentielle : le Conseil, dans sa composition actuelle, traite le maximum d’affaires pour laisser le temps aux trois nouveaux membres de prendre leurs marques », détaille Jean-Éric Schoettl, qui a travaillé pendant dix ans dans cette institution.

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