Dans un rapport de contrôle budgétaire, le sénateur Christopher Szczurek (RN) appelle à clarifier la répartition des compétences entre les différents organes chargés de la prospective et de la planification en France. Il juge l’organisation et la « dimension personnelle » du Haut-commissariat au Plan, incarné par François Bayrou, « peu compatibles » avec les missions de cette instance.
Corse : après le discours d’Emmanuel Macron, les élus interprètent différemment le sens du mot « autonomie »
Par Simon Barbarit
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« Un moment historique ». Devant l’Assemblée de Corse, à Ajaccio, Emmanuel Macron n’a pas seulement commémoré les 80 ans de la libération de la Corse, il a surtout proposé « une nouvelle étape institutionnelle » pour l’avenir de l’île. « Nous devons avancer et il faut pour cela l’inscription de la Corse dans notre Constitution », a-t-il annoncé apportant ainsi une réponse aux 18 mois de discussions sur l’avenir institutionnel de la collectivité.
En mars 2022, en pleine campagne présidentielle, la question corse s’était invitée dans le débat public. L’agression mortelle d’Yvan Colonna avait conduit à des violences sur fond de revendications indépendantistes. Gérald Darmanin avait alors ouvert la porte « à l’autonomie ».
« Ce ne sera pas une autonomie contre l’Etat, ni une autonomie sans l’Etat »
« Ayons l’audace de bâtir une autonomie de la Corse dans la République […] Ce ne sera pas une autonomie contre l’Etat, ni une autonomie sans l’Etat », a, néanmoins précisé le chef de l’Etat.
Avant d’engager la révision constitutionnelle, Emmanuel Macron a donné « six mois » aux groupes politiques corses, des indépendantistes à la droite, pour arriver à un « accord » avec le gouvernement menant à un « texte constitutionnel et organique » permettant de modifier le statut de l’île, texte qui pourra alors être présenté aux parlementaires réunis en Congrès.
Pour mémoire, cet été, l’Assemblée de Corse n’avait pas réussi à s’accorder sur un projet unique d’autonomie. Les élus insulaires avaient transmis au gouvernement deux projets, l’un des nationalistes quasi-unis et l’autre de l’opposition de droite. Le texte des nationalistes, adopté par l’Assemblée de Corse où ils occupent 46 des 63 sièges, réclamait la « reconnaissance juridique du peuple corse », « un statut de co-officialité de la langue corse » et la reconnaissance du « lien entre le peuple corse et sa terre » via « un statut de résident ». Il demandait un pouvoir législatif dans tous les domaines pour l’Assemblée de Corse, sauf ceux relatifs aux pouvoirs régaliens. Le projet défendu par l’opposition minoritaire de droite de l’Assemblée de Corse appelait, de son côté, à un simple « pouvoir d’adaptation » des lois françaises aux spécificités corses, sans gestion autonome de l’éducation et de la santé et sans transfert de la fiscalité.
Pour le sénateur LR, Jean-Jacques Panunzi, le discours d’Emmanuel Macron « se rapproche du projet présenté par l’opposition de l’Assemblée de Corse. « Il ne l’a pas dit comme ça, mais il a clairement rejeté la reconnaissance du peuple corse, la co-officilialité de la langue, et le statut de résident. C’était de toute façon des lignes rouges posées par l’exécutif. J’émets une réserve sur l’élargissement du pouvoir réglementaire évoqué par le Président. Je demande à en savoir plus sur les domaines concernés », interprète l’élu.
Concrètement, le chef de l’Etat s’est déclaré « favorable à ce que soit étudiée la possibilité pour la collectivité de Corse de définir des normes dans des matières ou des compétences transférées ». « Cette capacité normative devra évidemment s’exercer sous le contrôle du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel », a-t-il souligné.
Quel modèle pour l’autonomie ?
Le constitutionnaliste, Benjamin Morel est réservé sur l’interprétation donnée à cette phrase. « Emmanuel Macron parle du contrôle du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’Etat. Soit on est sur le modèle calédonien avec un pouvoir réglementaire et législatif propre. Mais là, on sort du cadre de la République, car la Nouvelle Calédonie s’inscrit dans un processus de décolonisation. Soit on est sur un modèle polynésien avec un pouvoir réglementaire dans tous les domaines. Et on va quand même très loin dans l’autonomie. La Polynésie ne fait pas partie de l’Union européenne. La troisième interprétation, la plus probable, c’est un statut de spécialité législative. C’est-à-dire un pouvoir réglementaire dans des domaines particuliers et dans le cadre d’une délégation législative votée par le Parlement ».
« L’autonomie correspond pour nous à la capacité de légiférer et réglementer dans un certain nombre de domaines »
Le maire autonomiste de Porto-Vecchio, Jean-Christophe Angelini voit quant à lui dans le discours du chef de l’Etat « la volonté de créer un référentiel corse dans le domaine institutionnel ». « L’autonomie correspond pour nous à la capacité de légiférer et réglementer dans un certain nombre de domaines comme le foncier, le tourisme, les transports… à l’exception du régalien. Un simple pouvoir d’adaptation serait minimaliste. Il y a des angles morts dans le discours du chef de l’Etat, nous jugerons sur pièces », commente l’édile.
« Nous ferons des propositions pour que la loi organique ne risque pas d’orienter la Corse vers l’indépendance »
Rappelons que la loi organique du 22 janvier 2002 prévoit déjà un pouvoir d’adaptation sous le contrôle du législateur. « Mais il n’est pas utilisé car le Conseil constitutionnel a toujours considéré qu’il était contraire à l’article 21 de la Constitution (selon lequel le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire NDLR). En inscrivant la Corse dans la Constitution, le chef de l’Etat veut déverrouiller le pouvoir d’adaptation de la Corse », veut croire Jean-Jacques Panunzi avant de rappeler qu’une révision constitutionnelle nécessite un vote conforme de l’Assemblée nationale et du Sénat. « Le texte concerne les collectivités locales. Et vous pensez bien que nous ferons des propositions pour que la loi organique ne risque pas d’orienter la Corse vers l’indépendance ».
« Si la droite et le centre sont minoritaires en Corse, nous avons l’humilité de reconnaître qu’ils sont majoritaires au Sénat. C’est d’ailleurs dans un souci de compromis, que mon groupe à l’Assemblée de Corse n’a pas voté contre le projet de la droite, mais s’est simplement abstenu, car nous savions que nous allions devoir nous remettre autour de la table sans faire de la surenchère jacobine ou indépendantiste », fait valoir Jean-Christophe Angelini.
En 2018, l’inscription de la Corse dans le texte fondamental figurait déjà dans le projet de révision constitutionnelle finalement abandonné. Un nouvel article 72-5 reconnaissait des « spécificités » à la Corse, tant insulaires et géographiques qu’économiques ou sociales, « des possibilités de différenciation plus étendues que celles permises dans le cadre constitutionnel en vigueur, y compris en matière fiscale ». En fixant le calendrier de l’avenir institutionnel de l’île de beauté, Emmanuel Macron prend le risque d’ouvrir la boîte de Pandore. Lors d’un point presse en clôture du congrès des Régions de France, le président de la région Bretagne, Loig Chesnais-Girard a demandé « la même chose » que les Corses.