Saint-Brevin

Démission du maire de Saint-Brevin : colère et appels à la fermeté au Sénat

La démission du maire Yannick Morez, victime d’un incendie criminel, provoque de vives réactions parmi les sénateurs. Beaucoup mettent en cause l’absence de réaction de la part de l’État et appellent à une réponse pénale plus sévère vis-à-vis des auteurs de violences. Depuis plusieurs années, la haute assemblée ne cesse d’alerter sur ce phénomène.
Guillaume Jacquot

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Indignation générale au Sénat. La démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique), Yannick Morez, suscite indignation et colère à la Haute assemblée, qui représente les élus locaux. L’édile était sous la pression de l’extrême droite depuis plusieurs semaines, pour le projet de déplacement d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile d’un quartier à l’autre de la commune. Le 22 mars, ses deux véhicules ont brûlé dans un incendie criminel qui a également endommagé son domicile, alors qu’il se trouvait à l’intérieur avec sa famille.

« L’État doit vous protéger, que la violence fasse reculer la République est inacceptable », s’est indigné sur Twitter le président du Sénat Gérard Larcher. Tout au long de la matinée, les marques de soutien envers le maire démissionnaire se sont multipliées. « Je suis profondément inquiète et profondément préoccupée pour notre pays que des gens puissent d’une manière aussi lâche, aussi violente, s’en prendre à une personne qui exerce une autorité, qui a été élu par ses concitoyens et qui fait juste son job de maire. On atteint une limite qui devient juste folle », alerte la sénatrice Françoise Gatel (Union centriste), qui appelle au « sursaut ».

Des sénateurs pointent la responsabilité de l’Etat

Dans une lettre publiée hier, le maire de Saint-Brevin reproche notamment à l’État un « manque de soutien ». Au-delà de l’incendie, c’est aussi cette solitude du maire qui provoque l’incompréhension au Sénat. « Le maire demande une protection. L’Etat ne lui donne pas. Pourquoi ? C’est une faillite de l’Etat et la responsabilité du ministre de l’Intérieur est clairement engagé », met en cause le sénateur de Loire-Atlantique Ronan Dantec (écologiste). Selon le président du groupe écologiste Guillaume Gontard, c’est le « manque d’appuis institutionnels » qui a conduit à cette démission.

Le sénateur socialiste de Paris, Rémi Féraud, s’interroge aussi sur la responsabilité de l’exécutif. « Quand on sait l’engagement aujourd’hui du gouvernement à lutter contre toutes les contestations qui viennent de la gauche, qu’ils soient aujourd’hui aussi passifs face à la menace de l’extrême droite – on l’a vu avec la non interdiction de la dernière manifestation à Paris – et aujourd’hui la non-protection de ce maire, c’est extrêmement grave. » Cet évènement doit, selon lui, déclencher « une prise de conscience et un véritable changement ».

Face à l’émotion suscitée par le départ de Yannick Morez, l’exécutif a finalement communiqué ce jeudi, sept semaines après les faits. « Les attaques contre Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, et contre sa famille, sont indignes. À cet élu de la République, à son épouse et ses enfants, je redis ma solidarité et celle de la Nation », a ainsi tweeté Emmanuel Macron.

Un appel à de nouvelles réponses face aux violences que subissent les élus

Qualifiant de « très choquant » l’incendie ayant visé le domicile du maire, la Première ministre s’est engagée à « répondre plus efficacement quand il y a des menaces ». Élisabeth Borne, qui a proposé à l’élu de le recevoir prochainement, a promis de « renforcer » l’action du gouvernement « pour intervenir plus tôt, pour pouvoir soutenir les maires, pour repérer leurs difficultés et mieux les accompagner face à des violences dont ils peuvent être victimes ».

L’Association des maires de France (AMF) estime que « tout doit être mis en œuvre » pour stopper « pressions et agressions ». L’instance présidée par David Lisnard (LR) replace d’ailleurs l’attaque du domicile de Yannick Morez dans une tendance plus globale. L’an dernier, l’AMF évaluait à 15 % la hausse du nombre d’agressions d’élus municipaux. Dans son communiqué, l’association « réitère son appel à mener un travail conjoint avec l’exécutif pour apporter des réponses à la hauteur des enjeux ». Pour le maire de Cannes, il y a désormais « urgence à agir ».

Au Sénat, de nombreux rapports ont documenté le phénomène et ont listé des recommandations pour y répondre. Ce fut notamment le cas à l’automne 2019, après la mort du maire du Signes Jean-Mathieu Michel dans l’exercice de ses fonctions. Le rapport de Philippe Bas (LR) plaidait notamment pour des « orientations fermes de politique pénale » vis-à-vis à des parquets, en cas d’agression d’élus locaux. La mission sénatoriale insistait aussi sur le besoin d’adresser des « consignes claires » aux préfectures pour permettre des dispositifs d’accompagnement « systématique » des maires agressés.

Ce jeudi, plusieurs sénateurs poussent pour davantage de fermeté à l’encontre les auteurs de violences. « On ne met pas les moyens et la justice n’est pas assez sévère, il y a un moment où il faut quand même interroger le garde des Sceaux là-dessus, car c’est la politique pénale qui n’est pas assez forte là-dessus », pointe le sénateur LR Jérôme Bascher, au micro de l’émission « En direct du Sénat ». L’an dernier, au cours d’une audition avec le garde des Sceaux, des sénateurs avaient épinglé les timides progrès au rayon de l’accompagnement judiciaire des élus locaux dans les parquets. Selon les chiffres de l’AMF, seulement 21 % des plaintes déposées aboutissent à une condamnation pénale.

Proposition d’une aggravation des peines en cas en cas de violences visant un élu

Une solution chère aux sénateurs devrait revenir prochainement sur le devant de la scène : protéger les élus à la même hauteur que d’autres personnes dépositaires de l’autorité publique. La mesure avait été intégrée par amendement dans la Lopmi, la loi de programmation du ministère de l’Intérieur. Il s’agissait d’aligner les peines réprimant les violences commises sur les élus, en les alignant sur les sanctions prévues en cas de violences commises sur les forces de l’ordre ou les pompiers. Soit cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Et jusqu’à 7 ans de prison et 100 000 euros d’amendement, si elles ont entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.

La disposition avait cependant été retoquée par le Conseil constitutionnel, considérant que la disposition n’avait pas de lien direct avec le texte en question. « Je pense qu’il faut qu’on réactive ça », insiste aujourd’hui la sénatrice Françoise Gatel.

En mars dernier, le sénateur Marc-Philippe Daubresse (LR) évoquait l’hypothèse d’une intégration dans le projet de loi d’orientation pour la justice, qui sera débattu début juin en séance. François Patriat (Renaissance) laissait également entendre que son propre groupe pourrait inscrire cette peine dans une proposition de loi ad hoc, dans le cadre d’un espace réservé à son groupe. Dernière évolution législative à mettre au crédit du Sénat : la promulgation en janvier d’un texte initié par la sénatrice Nathalie Delattre (RDSE). Sa loi permet aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une victime d’agression.

De nouveaux témoignages devraient par ailleurs nourrir un peu plus les réflexions sénatoriales. Ce jeudi, la chambre haute a ouvert une nouvelle consultation à destination des élus locaux, sur « l’avenir du maire et de la commune en France ». Les parlementaires veulent notamment prendre la mesure « aspirations des maires et des difficultés qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur mandat ».

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