Départ de Laurent Berger de la CFDT : Philippe Martinez salue son combat « sincère »

Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger quitte ses fonctions ce mercredi après onze années passées à la tête du syndicat réformiste. L’occasion pour l’ex-secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, d’évoquer pour Public Sénat leurs huit années communes à la tête des deux principaux syndicats français.
Thomas Fraisse

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Laurent Berger Philippe Martinez. Un tandem médiatique qui aura marqué de son fer rouge le syndicalisme français de ces 10 dernières années. Le premier partira mercredi de la CFDT après onze années à sa tête, en laissant les rênes à l’actuelle numéro 2 Marylise Léon, tandis que le premier s’est retiré de la CGT fin mars après huit ans de loyaux services. « Je suis convaincu qu’on a la même conception du rôle du dirigeant syndical avec Laurent Berger. Des dirigeants qui parlent du travail », témoigne Philippe Martinez, au micro de Public Sénat ( Journaliste reporter d’images: Samia Dechir)

« Tous les deux on a beaucoup fait de déplacements pour aller écouter le monde du travail ». Pour Philippe Martinez, c’est même la clé de la longévité de Laurent Berger à la tête de la CFDT. Celui que l’on surnomme « Pépito » à la CGT ne tarit pas d’éloges au sujet de son homologue réformiste. « Il est proche des militants. Il se déplace beaucoup, va beaucoup au contact. Les syndiqués ont envie de voir des dirigeants syndicaux à leurs côtés », relate Philippe Martinez. « C’est l’une de ses qualités et c’est apprécié par les militants de la CFDT ».

La CFDT, premier syndicat de France

Sous la houlette du natif de Guérande (Loire-Atlantique), la CFDT est sortie de l’ombre de la CGT. À la veille de son centième anniversaire, en 2018, le syndicat gagne la première place des organisations syndicales, détenue sans partage par l’organisation rivale depuis 1987. « C’est un séisme dans le paysage syndical », se réjouissait alors la CFDT. Désormais, le syndicat dénombre plus de 610 000 adhérents et a même conforté sa première place lors des dernières élections professionnelles en progressant de 0,3 point. « Le fait de devenir premier syndicat ça a marqué. Enfin moi ça m’a marqué, personnellement », ironise de son côté Philippe Martinez.

Si le travail réunit Laurent Berger et Philippe Martinez, la manière de mener leurs combats syndicaux et de porter la voix des travailleurs les a souvent séparés. Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du travail, témoignait à l’automne pour Public Sénat sur l’existence de deux « pôles » syndicaux antinomiques. « Il y a un pôle CGT / FSU / Solidaires face à un pôle réformiste constitué de la CFDT, de l’UNSA, de la CFE CGC ». Les deux blocs seraient même, selon l’auteur, « dans une sorte de compétition pour savoir qui va tenir le pays [contestataire] ».

En 2016, seulement un an après l’arrivée de Philippe Martinez à la tête de la CGT, les désaccords entre les deux secrétaires généraux des deux premiers syndicats français se matérialisent au sujet de la Loi Travail, portée par la ministre du Travail Myriam El Khomri. D’un côté, Laurent Berger prône l’utilisation de la force syndicale à travers les négociations avec le gouvernement pour tenter d’influer sur le texte définitif. De l’autre, Philippe Martinez multiplie les appels à la grève et aux manifestations. Interrogé sur le leader de la CFDT en tant que premier opposant au gouvernement, Philippe Martinez sourit : « Je crois que c’est plutôt une légende ». « On a souvent dit que c’était la CGT les premiers opposants à Emmanuel Macron », ajoute l’ancien secrétaire général de la CGT.

« C’est quelqu’un de sincère »

Sept ans plus tard, pour autant, les deux leaders se sont rapprochés. La réforme des retraites, portée par le gouvernement d’Élisabeth Borne et par le président de la République, a tendu voire rompu, les liens entre l’exécutif et la CFDT. Pendant les quatorze actions de la mobilisation, les forces de la CFDT, de la CGT et de six autres organisations ont formé un front syndical uni, quasi inédit, pour lutter contre l’allongement du délai légal de départ à la retraite. « On a des différences entre la CGT et la CFDT. Forcément, on n’a pas toujours été d’accord sur le fond. Je crois qu’on a réussi à dépasser ce qui nous divisait, pour essayer de travailler sur ce qui pouvait nous rassembler. Le premier semestre de cette année a montré qu’on était capable de faire des choses bien ensemble », se satisfait Philippe Martinez. « C’est quelqu’un de sincère. C’est quelqu’un qui, quand il dit quelque chose, ne change pas d’avis ».

Au-delà de la mobilisation contre la réforme des retraites, c’est l’avenir du syndicalisme qui a trouvé un second souffle, d’après Philippe Martinez, grâce au front uni de l’Intersyndicale ce premier semestre. D’après une étude d’Elabe, publié en avril dernier, 52 % des Français estiment que les syndicats sont « un élément de dialogue social ». « Le syndicalisme a de l’avenir, le syndicalisme n’est pas mort », scande Philippe Martinez. « La cote des syndicats a beaucoup augmenté. On a fait à la CGT, comme à la CFDT, des dizaines de milliers d’adhésions. Le syndicalisme a de l’avenir grâce à nos combats communs ».

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