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Elections européennes : face aux ingérences étrangères, la France sur le qui-vive

La France veut mettre « la pression » sur les plateformes numériques face aux potentielles campagnes de désinformation en ligne, pilotées par des puissances étrangères, et susceptibles de perturber la campagne électorale européenne. Ce mercredi 24 avril, Jean-Noël Barrot, le ministre délégué chargé de l’Europe, a présenté la campagne de communication du gouvernement autour du scrutin du 9 juin, mais aussi les grandes lignes de la stratégie mise en place pour en garantir l’intégrité.
Romain David

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À 45 jours des élections européennes, Jean-Noël Barrot, le ministre délégué chargé de l’Europe, hausse le ton envers les plateformes numériques, comme Facebook ou X (anciennement Twitter). Le locataire du quai d’Orsay recevra, « dans les prochains jours », des représentants des principaux réseaux sociaux pour leur demander de quelle manière les plateformes assureront leur mission de modération des contenus durant les prochaines semaines, en marge d’un scrutin qui pourrait être la cible de campagnes massives de désinformation et de déstabilisation. « J’ai appelé la Commission européenne à exercer ses pouvoirs de contrôle et de régulation des plateformes, pour maintenir une pression maximale jusqu’au scrutin », a expliqué Jean-Noël Barrot ce mercredi 24 avril, en marge de la présentation du dispositif de lutte contre la désinformation et les ingérences étrangères que le gouvernement a mis en place pour garantir la bonne tenue du vote, le 9 juin prochain.

« Nous avons deux éléments qui pourraient venir perturber cette respiration démocratique : l’abstention, passée sous la barre des 50 % en 2019, et les ingérences étrangères », insiste le ministre. L’exemple slovaque est régulièrement invoqué : en septembre dernier, les élections législatives dans ce pays d’Europe centrale ont été bousculées par la diffusion, pendant la période de réserve, d’un faux enregistrement incriminant le chef de file des pro-européens, Michal Simecka. 48 heures plus tard, c’est le candidat populiste – et prorusse -, Robert Fico, qui a remporté le scrutin.

Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de mesurer l’impact réel de ce type de déstabilisation sur le choix des électeurs, mais la France, qui a vu ces derniers mois les attaques informatiques et les campagnes de désinformation pilotées par des puissances étrangères se multiplier, veut limiter au mieux les risques. « Le simple fait qu’un tel contenu se soit propagé pendant la période de silence jette un voile de doute sur la sincérité du scrutin et donc sur la légitimité de l’élection », pointe Jean-Noël Barrot.

« L’agressivité de la Russie a franchi certains seuils »

En début d’année, Stéphane Séjourné, le ministre des Affaires étrangères, a révélé l’existence d’un réseau de 200 sites internet dormants, destinés à faire interférence avec les élections dans notre pays. « Depuis le milieu des années 2010, pas un seul scrutin majeur dans une démocratie libérale n’a été épargné », à plus forte raison dans un contexte international sous tension, estime Marc-Antoine Brillant, chef du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (VIGINUM), une administration mise en place en 2021, précisément pour détecter les tentatives de manipulation venues de l’étranger. « Aujourd’hui, on voit certaines tendances s’accroître : notamment l’agressivité de la Russie à notre égard, et l’instrumentalisation systématique des sujets d’actualité qui occupent le débat public ».

« Nous subissons depuis plusieurs mois des attaques informationnelles d’Etats tiers. On pourrait citer la Russie dont l’agressivité a franchi certains seuils. Elle diffuse des narratifs qui ont vocation à introduire des biais dans le débat public », abonde Christophe Lemoine, porte-parole adjoint du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Dernière tentative de désinformation à avoir fait parler d’elle : la diffusion par un compte russophone, fin mars, d’un faux reportage, reprenant la charte graphique de la radio RFI, et affirmant sans preuve qu’une épidémie de tuberculose se répand dans les hôpitaux français après l’admission de soldats ukrainiens.

Selon Marc-Antoine Brillant, quatre types de stratégie sont déployés par les acteurs tiers : le dénigrement des candidats pendant une campagne électorale ; le dénigrement des institutions ou du processus électoral ; la polarisation du débat autour de thématiques particulièrement clivantes ; et enfin la décrédibilisation des médias traditionnels pour amener le public à se tourner vers des médias parallèles.

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Organiser une coordination européenne

« En matière de lutte contre la désinformation, la rapidité est un atout précieux », insiste Christophe Lemoine, le porte-parole adjoint du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. La force de réplique passe notamment par la coordination des moyens de riposte. Au niveau européen, un « alert system » permet aux Etats membres de signaler toute intervention étrangère mais également de communiquer entre eux sur les avancées de l’enquête. La France a construit des partenariats particuliers ; il existe depuis peu une boucle d’alerte entre Paris, Berlin et Varsovie.

Au niveau national, les signalements de « comportements inauthentiques », réalisés pendant la campagne des européennes ou le jour du scrutin auprès du site Pharos ou directement par les plateformes, seront passés au crible par VIGINUM. Le service identifie la nature et l’origine de la menace et en informe les autorités. Charge aux ministères concernés d’apporter la réponse qu’ils jugent appropriée. En bout de chaîne, le Conseil d’Etat, garant de la régularité et de la sincérité du scrutin, mais aussi l’Arcom, l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, peuvent intervenir. Le régulateur a notamment la possibilité de saisir la justice pour obtenir le blocage d’un site illicite.

« Pour la première fois, la com’ du gouvernement va passer par tous les canaux possibles »

Autre sujet d’inquiétude pour l’exécutif : le désintérêt récurrent des Français pour ce scrutin. « Aujourd’hui, moins d’un Français sur dix connaît la date des européennes », alerte Jean-Noël Barrot. Depuis quelques jours, le gouvernement a lancé une vaste campagne de communication sur l’ensemble des supports mobilisables : radio, télévision, presse écrite et réseaux sociaux, notamment avec la diffusion de brefs messages de 30 secondes, qui invitent les citoyens à se rendre aux urnes et rappellent les modalités du vote.

Un partenariat a également été mis en place avec l’influenceur César Roussel, alias « César Culture G » sur TikTok et Youtube. Il s’agit de se focaliser sur la tranche des 18-49 ans, « généralement abstentionniste sur cette élection », relève Michaël Nathan, le directeur du Service d’information du gouvernement (SIG). « Cette année, et peut-être pour la première fois, la com’ du gouvernement va passer par tous les canaux possibles ! », se félicite Jean-Noël Barrot.

En parallèle de cette campagne, vient se greffer celle lancée par le Parlement européen, qui sera notamment articulée autour d’un spot, diffusé à partir du 29 avril, et dans lequel des personnes âgées à travers l’Europe évoquent la manière dont la démocratie a changé leurs vies. De son côté, France Télévisions diffusera huit clips directement adaptés de sa série à succès « Parlement », qui raconte de manière satirique les rouages du Parlement européen à travers les yeux d’un jeune assistant parlementaire.

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