C’est un phénomène sans précédent qui pourrait saper le premier échelon de la démocratie. Les maires n’ont jamais autant jeté l’éponge qu’au cours du mandat actuel, avec 3 000 changements d’édiles depuis le scrutin de 2020, dont 2 189 démissions, un chiffre historique, selon une étude réalisée par l’Observatoire de la démocratie de proximité AMF-Cevipof/SciencesPo. Le nombre de démissions a ainsi été multiplié par quatre par rapport à la période 2008-2014.
« Entre septembre 2020 et mars 2025, ce sont en moyenne 40 démissions par mois qui ont été enregistrées, soit plus d’une démission par jour », indique l’enquête. 53 % des démissionnaires effectuaient leur premier mandat. Les retraités âgés de 65 à 74 ans sont les plus touchés, ainsi que les professions intellectuelles et les cadres supérieurs.
L’étude dessine aussi une géographie des départs, avec des territoires plus concernés que d’autres : notamment le Nord, l’Essonne, la Charente, l’Isère, la Haute-Garonne ou encore le Tarn-et-Garonne. Les villages de moins de 500 habitants restent les plus touchés, néanmoins les communes de 1 000 à 3 500 habitants enregistrent une net augmentation du phénomène, et représentent désormais un quart des maires démissionnaires.
« Impossible d’établir un lien de cause à effet entre violences subies et démissions »
Première cause de démission – et de loin -, selon cette étude : les tensions au sein des conseils municipaux (31 %). « Leur décision de quitter leur fonction fait suite à des différends, disputes, conflits ou autres désaccords au sein du conseil municipal, tantôt avec des élus de l’opposition, tantôt, et c’est le cas le plus fréquent, au sein de la majorité », note l’Observatoire de la démocratie de proximité.
Suivent les passations anticipées (13,7 %), c’est-à-dire les maires qui, dès leur réélection, prévoient de passer la main, notamment pour des questions d’âge, puis les démissions pour raisons de santé, physique (13,1 %) ou psychologique (5,1 %). L’enquête s’inscrit également en porte à faux d’un phénomène très largement médiatisé ces dernières années : les démissions liées à des agressions. Elles concerneraient moins d’une quarantaine de cas sur la période donnée. « Ce résultat confirme qu’il est empiriquement impossible d’établir un lien de cause à effet entre violences subies et démissions », lit-on dans l’étude.
En mars 2024, le Parlement a adopté une proposition de loi issue du Sénat et visant à renforcer la sécurité des élus locaux. Porté par la droite, après la démission du maire de Saint-Brévin-les-Pins en Loire-Atlantique, Yannick Morez, victime de l’incendie criminel de son véhicule et de son domicile, ce texte renforce le régime de sanctions en cas d’agression contre des élus. Il automatise également l’octroi de la protection fonctionnelle aux édiles et aux adjoints victimes de violences ou de menaces.
À l’époque, le ministère de l’Intérieur faisait état de 2 265 plaintes ou signalements sur l’année 2022 pour des faits de violences verbales ou physiques contre des élus, soit une hausse de 32 % par rapport à l’année précédente.
Plus récemment, c’est une proposition de loi sur le statut de l’élu local qu’a adopté le Sénat. Elle vise précisément à lutter contre la crise des vocations avec des mesures qui doivent permettre aux élus de mieux concilier leur mandat avec leur vie professionnelle et familiale. Elle facilite notamment le recours aux autorisations d’absence pour les salariés élus, et la prise en charge des frais de garde d’enfant. Elle prévoit également une augmentation des indemnités de fonction versées aux maires.