Emeutes en Nouvelle-Calédonie : « Nous parviendrons à un consensus », veut croire Gabriel Attal

Les questions d’actualité au gouvernement du Sénat ont largement porté sur la situation alarmante de la Nouvelle-Calédonie où l’état d’urgence va être décrété après deux nuits de violences qui ont fait plusieurs centaines de blessés et 4 morts.
Simon Barbarit

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Alors qu’il s’apprêtait à décréter l’Etat d’urgence en Conseil des ministres, Gabriel Attal a fait face à plusieurs interpellations des sénateurs sur la situation de plus en plus préoccupante en Nouvelle Calédonie.

Les deux nuits d’émeutes dans l’Archipel contre la réforme du corps électoral, contestée par les indépendantistes, se sont soldées par un bilan très lourd. Des centaines de blessés, quatre morts dont un gendarme.

Si les députés ont voté, hier soir, dans les mêmes termes que les sénateurs, le projet loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral pour les élections provinciales en Nouvelle Calédonie, Emmanuel Macron a temporisé la convocation du Congrès à Versailles pour réviser la Constitution et a demandé au Premier ministre Gabriel Attal et au ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer Gérald Darmanin de recevoir les « représentants des forces politiques indépendantistes et non indépendantistes à Paris » « dans les prochaines semaines ». (lire notre article).

« Quelles sont les mesures immédiates que le gouvernement entend prendre pour ramener l’ordre dans l’Archipel ? Et quelles sont les voix pour rétablir un dialogue et bâtir un avenir commun aux côtés de tous les Calédoniens ? », a interrogé le président du groupe des sénateurs Renaissance, François Patriat.

Le Premier ministre a d’abord rendu hommage « à l’engagement exceptionnel des forces de l’ordre » dans un contexte de violences « d’une gravité rare » et a formulé « une pensée » pour tous les Calédoniens qui veulent le retour au calme. « Aucune violence n’est justiciable ni tolérable ».

« Si ce consensus n’est pas trouvé, nous devrons avancer de la manière que nous avions prévue »

Gabriel Attal a aussi souligné les « décisions fortes » qui ont été prises comme le recours à l’état d’urgence « qui va nous permettre de déployer des moyens supplémentaires massifs pour le rétablissement de l’ordre ».

Il a également rappelé que le dégel du corps électoral pour les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie qui doivent se tenir avant la fin de l’année « était un enjeu démocratique ». « Le Conseil d’Etat nous a enjoint à prendre cette mesure ».

En ce qui concerne la perspective d’un accord global sur l’avenir institutionnel de l’île, au point mort depuis les trois référendums sur l’autodétermination, Gabriel Attal assure « que son gouvernement n’a jamais cessé de créer les conditions du dialogue en tendant la main à tous les acteurs non-indépendantistes comme indépendantistes ». Il a également réaffirmé la volonté de l’exécutif de trouver un accord avant la fin du mois de juin. « Si ce consensus n’est pas trouvé, nous devrons avancer de la manière que nous avions prévue », c’est-à-dire en révisant la Constitution. « Je crois fermement qu’il est possible de trouver la voie d’un consensus et qu’avec toutes les bonnes volontés autour de la table, nous y parviendrons ».

« Pour sortir de cette crise, il faut renouer avec la lucidité, l’impartialité, l’humilité qui prévalaient depuis 1988 »

A gauche de l’hémicycle, les questions ont pris la forme de critiques de la méthode gouvernementale. « Pour sortir de cette crise, il faut renouer avec la lucidité, l’impartialité, l’humilité qui prévalaient depuis 1988. Il faut créer immédiatement une mission de dialogue entre tous les partenaires Calédoniens et l’Etat. Il faut annoncer que le Congrès ne sera pas convoqué. Il faut aboutir, sans ultimatum dans le temps, à un accord global tripartite dont vous devez être, M. le Premier ministre, le garant », a plaidé le président du groupe PS, Patrick Kanner.

« Si nous n’étions pas ouverts au dialogue, nous aurions annoncé la convocation du Congrès immédiatement après l’adoption du projet de loi par l’Assemblée nationale dans les mêmes termes (que le Sénat) », a objecté le Premier ministre.

« C’est une faute lourde, démocratique, d’avoir recours à l’état d’urgence pour imposer un projet de loi constitutionnelle »

La présidente du groupe communiste, Cécile Cukierman, dont fait partie l’unique sénateur indépendantiste, Robert Wienie Xowie, a pointé du doigt la responsabilité du gouvernement dans cette situation. « En poussant l’Assemblée nationale à l’adoption du texte, vous saviez que vous fermiez la porte au dialogue ». Pour la sénatrice, le recours à l’Etat d’urgence est le symbole « d’une faillite » de la politique du gouvernement. « C’est une faute lourde, démocratique, d’avoir recours à l’état d’urgence pour imposer un projet de loi constitutionnelle », a-t-elle tancé.

« Il y a un dialogue politique entre le FLNKS et les loyalistes »

Enfin, très ému, le sénateur non-indépendantiste de Nouvelle-Calédonie, Georges Naturel (LR) a salué le choix du gouvernement de recourir à l’état d’urgence et a demandé qui seront les acteurs calédoniens invités à participer aux discussions à Paris dans les prochains jours.

Pour lui répondre, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a rappelé que sur place « il y a un dialogue politique entre le FLNKS et les loyalistes ». « Pendant que nous parlions au Parlement, il y avait ces réunions […] Mais il ne faut pas confondre la pression politique, les contestations avec la violence et les tirs à balles réelles, les personnes qui pillent qui tuent et qui en veulent à la République ». Gérald Darmanin a particulièrement visé les actions du CCAT, (Cellule de coordination des actions de terrain), « un groupe mafieux qui veut manifestement instaurer la violence », a-t-il fustigé.

 

 

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