Discours sur l’etat de la menace terroriste en France par le ministre de l’Interieur

Fiché « S », FPR, FSPRT… quels sont les différents fichiers de renseignement utilisés pour la lutte antiterroriste ?

Emmanuel Macron a ordonné une réévaluation du degré de menace représenté par les individus inscrits dans le Fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Il s’agit également d’accélérer l’expulsion des étrangers en situation irrégulière sur le territoire national et considérés comme dangereux.
Romain David

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Au peigne fin. Après l’attentat d’Arras, Emmanuel Macron a demandé aux préfets d’éplucher le Fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), l’un des outils de catégorisation des individus considérés comme potentiellement dangereux mis en place par les services français après les attentats de 2015.  Mohammed Mogouchkov, l’auteur de l’attaque au couteau qui a fait un mort et deux blessés dans un lycée d’Arras vendredi, était inscrit dans ce répertoire mais également fiché « S ». Originaire d’Ingouchie, mais arrivé en France à l’âge de 5 ans, il faisait depuis une dizaine de jours l’objet d’une surveillance particulière de la part de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

FSPRT, Fiché S, FPR… Public Sénat vous explique comment sont utilisés les différents fichiers utilisés par les forces de sécurité pour repérer et surveiller les individus susceptibles de passer à l’acte.

Fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT)

Crée par décret en avril 2015, après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, le FSPRT recense les personnes qui ont été signalées pour radicalisation religieuse, et qui seraient susceptibles de vouloir se rendre à l’étranger, sur un théâtre d’opérations terroristes, ou de participer à la préparation et à l’exécution d’un attentat. La particularité du FSPRT réside dans son caractère collaboratif. En effet, ce fichier, piloté par l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), est alimenté par les remontées de plusieurs services, dont la DGSI pour les individus situés dans le « haut spectre », c’est-à-dire ceux qui seraient le plus susceptible de passer à l’acte. Pour le reste, le suivi est généralement assuré par le service central du renseignement territorial (SCRT) ou plus spécifiquement par la direction du renseignement de la Préfecture de police de Paris (DRPP) pour les personnes qui résident en région parisienne. Les différents signalements qui nourrissent le FSPRT sont examinés par les groupes d’évaluation départementaux de la radicalisation (GED), mis en place en 2014 dans chaque département et présidés par les préfets. Ils peuvent demander un renforcement du niveau de suivi s’ils l’estiment nécessaire.

Ce lundi 16 octobre, Gérald Darmanin, le ministère de l’Intérieur, a fait état lors d’un point presse de 20 120 individus répertoriés dans le FSPRT. Sur ce chiffre, 5 100 font l’objet d’un suivi actif. Parmi eux : 1 411 sont de nationalité étrangère, dont 489 se trouvent sur le territoire national. 214 sont actuellement incarcérés en prison ou font l’objet d’un placement dans un établissement psychiatrique et 82 sont assignés à résidence. Il reste donc 193 étrangers en situation irrégulière inscrit au FSPRT. C’est ce groupe qui devrait faire l’objet d’un ciblage particulier, en vue « d’une expulsion systématique », selon la formule du ministre.

Fichier des personnes recherchées (FPR)

Le Fichier des personnes recherchées, sans doute l’un de plus anciens utilisés par les services de sécurité, est né à la fin des années 1960, mais son existence ne semble pas avoir été rendue officielle avant un arrêté daté du 15 mai 1996. Il dresse la liste des personnes visées par une mesure de recherche, qu’elle soit judiciaire mais aussi administrative, par exemple pour des motifs fiscaux.

Le FPR comte 21 catégories différentes, en fonction du motif d’inscription. L’une de ces catégories, par exemple, concerne les individus fichés « S ». Il existe également des catégories pour les mineurs fugueurs, les évadés de prison, les aliénés ou encore les personnes frappées d’une interdiction de résider sur le territoire français. Une même personne peut figurer dans plusieurs catégories. En 2019, le FPR comptait 642 000 fiches actives pour 580 000 personnes, selon la CNIL.

« Le FPR n’a pas vocation à assurer une surveillance active des personnes fichées. Ce fichier n’est ni un indicateur de la dangerosité des personnes, ni destiné au suivi de la radicalisation », précise le gendarme français du numérique. Le FPR est d’abord destiné a facilité le travail d’identification des forces de l’ordre. Les informations qu’il contient concernent des éléments de description physique, le motif de recherche et des indications sur la conduite à tenir lorsque l’individu est repéré.

La fiche « S »

La fiche « S » n’est donc pas un fichier en soi, mais une catégorie du FPR. Le « S » est utilisé pour « Sûreté de l’Etat ». Selon un rapport du Sénat, au 11 décembre 2018, le FPR comptait 30 787 fiches « S ».  Cette qualification ne peut être attribuée que par quatre services de renseignement : la DGSI, le service central du renseignement territorial (SCRT), la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) et la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).

« La fiche S peut concerner toute personne, de toute nationalité, présente sur le territoire national ou non, qui en raison de son activité individuelle ou collective, directement ou indirectement, est susceptible de porter atteinte à la sûreté de l’État ou à la sécurité publique par le recours ou le soutien actif apporté à la violence », explique la Haute-Assemblée. La fiche « S » ne vise pas spécifiquement les personnes liées à l’islamisme radical, elle peut désigner un militant violent, un black-block ou encore un hooligan. Ainsi, début octobre, Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, a indiqué devant la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les groupuscules violents que 3 000 membres de « l’ultra-gauche » étaient fichés S. Un individu ayant des liens avec une personne fichée « S » peut lui-même se voir ficher « S ».

Il existe 11 sous-catégories de fiches « S », qui ne correspondent pas au niveau de dangerosité de l’individu – le motif de fichage n’y est pas précisé – mais plutôt à la conduite à adopter en cas de contrôle par les forces de l’ordre. Il ne s’agit pas nécessairement de mesures coercitives. Ainsi, lorsqu’un officier de gendarmerie procède à une vérification d’identité, par exemple dans le cadre d’un contrôle routier, s’il constate sur son terminal que le conducteur est fiché « S », il peut avoir à procéder à une collecte supplémentaire d’informations, sans éveiller les soupçons de l’individu. La Fiche « S » est essentiellement un moyen de recensement des déplacements. « Seules 4,8 % des fiches ont expressément pour conduites à tenir de retenir l’intéressé, et d’aviser le service demandeur », précise encore le Sénat.

La durée de vie d’une fiche « S » est de deux ans. Si, passé ce délai, elle n’a fait l’objet d’aucune mise à jour, elle est effacée après l’envoi d’une notification aux services, qui peuvent demander sa prorogation.

Le fichier des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT) 

Également crée en 2015, le FIJAIT dresse la liste des personnes condamnées ou simplement mises en cause pour des actions de nature terroriste. Il est le pendant du FIJAIS, fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. Un signalement pour apologie du terrorisme suffit pour se voir inscrire au FIJAIT.

L’une des particularités de ce fichier, par rapport à ceux précédemment cités, réside dans son caractère judiciaire ; les personnes qui y figurent en sont informées, par un juge ou par courrier. Elles doivent se soumettre à certaines obligations administratives, même après avoir purgé une peine de prison : pointer tous les trois mois dans un commissariat ou une gendarmerie, et signaler dans les quinze jours tout changement d’adresse. Ces obligations courent pour une durée de dix ans à compter de la date d’inscription au FIJAIT ou de sortie de prison dans le cas d’une incarcération.

Les mineurs de 13 ans et plus sont également recensés au FIJAIT. La durée de leurs obligations est limitée à cinq ans. Les informations inscrites dans le FIJAIT peuvent être conservées pour une durée de 5 à 20 ans, selon la gravité du crime commis et l’âge de l’individu au moment des faits.

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