Paris, Ministere de la Justice, Place Vendome

Fonds Marianne : le Sénat attend les précisions de la Chancellerie avant de lancer une commission d’enquête

L’information judiciaire lancée par le Parquet national financier pourrait empiéter sur les travaux du Sénat. La Chambre haute, qui a réclamé certaines précisions à la chancellerie, se prononcera mercredi sur son périmètre d’action.
Romain David

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La Chambre haute a lancé début mai une mission d’information sur le Fonds Marianne, qui pourrait bientôt se transformer en commission d’enquête parlementaire. Plusieurs enquêtes journalistiques ont montré que l’argent de ce fonds gouvernemental doté à hauteur de 2,5 millions d’euros, et lancé en 2021 après l’assassinat de Samuel Paty pour soutenir les initiatives visant à lutter contre les phénomènes de radicalisation, avait été mal utilisé par deux associations. Le 24 avril, Claude Raynal, le président de la commission des finances du Sénat, après avoir procédé à une première série de vérifications dans le cadre de la mission de contrôle exercée par les parlementaires sur l’exécutif, s’était prononcé en faveur de l’ouverture d’une commission d’enquête. Mais entre-temps, la machine judiciaire s’est également mise en marche, coupant l’herbe sous le pied des sénateurs : le 4 mai, le parquet national financier (PNF) a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire pour « détournement de fonds publics par négligence », « abus de confiance », et « prise illégale d’intérêts ». Or, la séparation des pouvoirs ne permet pas au Parlement et aux juges d’enquêter en même temps sur les mêmes sujets.

La double validation de la conférence des présidents et de la commission des lois

« Le pénal l’emporte sur les commissions d’enquête parlementaires. Si le Sénat considère qu’il n’a plus les moyens d’avancer parce que la façon dont le PNF traite les accusations est de nature à nous bloquer, eh bien nous serons bloqués le temps que le PNF fasse son travail », a expliqué Claude Raynal ce mardi 9 mai dans « Bonjour chez vous », la matinale de Public Sénat. Le 3 mai, la commission des finances, sur la base des recommandations de Claude Raynal, a voté à l’unanimité pour le lancement d’une mission d’information « sur la création du Fonds Marianne, la sélection des projets subventionnés, le contrôle de leur exécution, et les résultats obtenus au regard des objectifs du fonds », et réclamé à la conférence des présidents de pouvoir se doter des prérogatives d’une commission d’enquête.

La conférence des présidents du Sénat dira dans la soirée si elle valide cette demande. Le cas échéant, il faudra encore attendre mercredi pour savoir si la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire est bien conforme à la loi organique. L’article 8 ter du règlement du Sénat précise qu’il revient à la commission des lois de se prononcer sur ce point. Celle-ci se réunira dans la matinée, à partir de 8h30. Selon nos informations, Gérard Larcher, le président du Sénat, a lui-même écrit au garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, afin d’obtenir des précisions sur le périmètre des investigations lancées par le parquet national financier. La réponse du ministre de la Justice était attendue dans l’après-midi.

Des soupçons de « détournement par négligence de fonds publics »

« Il y a des soupçons de détournements de fonds publics, d’abus de confiance, de prise illégale d’intérêt. Ce sont des sujets qu’une commission d’enquête parlementaire peut mettre en exergue, mais pas traiter. Il revient au juge de dire le droit là-dessus et de prononcer les sanctions », précise Claude Raynal. « Par contre, il y a un autre sujet, complexe, qui concerne le détournement ‘par négligence’ de fonds publics. Est-ce que cela va passer par le contrôle de toute la chaîne préalable de décisions avant la désignation des associations ? A ce moment-là, nous serions privés de nos moyens d’action ».

Le Sénat, en effet, s’interroge sur une forme de laxisme ou de laisser-aller dans le pilotage du Fonds Marianne, et un manque de suivi sur la manière dont les sommes allouées ont été dépensées par les associations lauréates. « Il aurait été plutôt souhaitable d’attendre un mois, ou un mois et demi, pour avoir les conclusions de la commission d’enquête sénatoriale avant que le PNF n’ouvre une enquête de nature judiciaire. Ce sont deux choses à la fois concomitantes et séparées sur les objectifs », relève Claude Raynal. « On peut commettre une faute sur l’un des aspects et pas sur l’autre. La commission d’enquête pourrait, par exemple, montrer les dysfonctionnements de la chaîne de décisions, sans pour autant qu’ils soient de nature judiciaire ».

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