Nommé il y a trois jours à Matignon, François Bayrou est pour le moment chef d’un gouvernement déchu. En attendant qu’il nomme son propre gouvernement, les anciens ministres de Michel Barnier restent en place. Ils sont dits « démissionnaires » depuis qu’Emmanuel Macron a pris acte de la démission du Savoyard, le 5 décembre dernier, après le vote de la motion de censure qui l’a fait tomber la veille. Depuis cette date, le rôle des ministres consiste donc à gérer les affaires courantes.
Cette période « permet de gérer le quotidien, le fonctionnement habituel de l’Etat. A savoir les nominations, les inaugurations ou les services publics », indique Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste et maître de conférences en droit public à l’Université de Rouen. « Elle permet aussi de gérer les urgences. Par exemple quand Bruno Retailleau, ministre démissionnaire de l’Intérieur, demande au préfet de Mayotte d’activer l’article 27 de la Loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur », poursuit-elle. Ce dispositif permet au préfet de prendre la direction de la crise et il a autorité sur l’ensemble des services de l’Etat au niveau local.
La situation prive aussi les ministres de toute initiative politique majeure ou encore de décisions importantes ou engageantes pour l’avenir de la France. Ils ne peuvent notamment plus porter ni défendre de projets de loi.
Le gouvernement démissionnaire pourra défendre la loi spéciale
Dans une note rédigée cet été, le Secrétariat général du gouvernement estimait que « la poursuite de la présentation de projets de loi devant le Parlement » entrait « difficilement dans le cadre des missions d’un gouvernement démissionnaire », mais qu’elle n’était « pas impossible ». Toutefois, la même instance estime qu’un gouvernement expédiant les affaires courantes pourrait « sans risque juridique » déposer un projet de loi spéciale, pour demander l’autorisation de prélever les impôts et taxes.
C’est ce qu’il se passe cette semaine. Ce lundi 16 décembre, Laurent Saint-Martin, ministre démissionnaire des Comptes publics, peut donc défendre le projet de loi spéciale à l’Assemblée nationale. Il pourra faire de même ce mercredi 18 décembre au Sénat. « Le projet de loi spéciale est précisément dans le giron des affaires courantes, car il est à la fois urgent et du quotidien », souligne Anne-Charlène Bezzina, auteure du livre « Cette constitution qui nous protège ».
La gestion des affaires courantes s’arrêtera dès lors que François Bayrou aura nommé son gouvernement. Cet été, le gouvernement de Gabriel Attal est resté dans cette disposition pendant 51 jours, soit du 16 juillet au 5 septembre. Période exceptionnelle liée à la « trêve olympique ». Dans l’histoire politique française récente, cela en fait le deuxième gouvernement démissionnaire à être resté en poste le plus longtemps. Le record est détenu par Georges Pompidou, en restant en affaires courantes pendant 62 jours, entre le 5 octobre et le 7 décembre 1962. La jurisprudence des affaires courantes remonte d’ailleurs à cette date, mais s’appuie aussi sur de nombreux précédents sous le IVe République.