L’examen du budget 2025 a été suspendu sitôt le gouvernement de Michel Barnier censuré mercredi soir. À ce stade, trois pistes législatives se dégagent pour assurer la continuité de la vie de la nation, sans que les juristes ne semblent s’accorder sur les modalités d’application de certains mécanismes d’urgence, quasiment inédits.
Frontex : cinq questions sur l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes
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Avant de rallier le Rassemblement National, Fabrice Leggeri a été directeur de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes pendant sept ans, avant de démissioner en 2022. L’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf) avait ouvert une enquête à son encontre concernant sa gestion de l’agence. Il était aussi soupçonné d’avoir dissimulé des opérations de renvois illégaux de migrants. Depuis le 1er mars 2023, le Néerlandais Hans Leijtens dirige l’agence basée à Varsovie, en Pologne. Pour mieux comprendre le fonctionnement de Frontex, Public Sénat vous livre cinq clés de compréhension.
Quelles évolutions Frontex a-t-elle connu ces dernières années ?
Créée par le Conseil européen en 2004, Frontex voit d’abord le jour sous le nom d’« Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne (UE) ». Son objectif est d’aider à sécuriser les frontières extérieures de la zone Schengen, mais aussi celles de tous les Etats de l’UE. En 2016, l’agence change de nom pour devenir « l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes », mais conserve toutefois le surnom « Frontex ». Ce changement survient après la crise migratoire de 2015, l’année où plus d’un million de réfugiés ont foulé le sol européen.
En 2019, un nouveau réglement est adopté par l’UE pour renforcer les prérogatives de l’agence. Sur autorisation du Conseil de l’Europe, elle peut désormais proposer son intervention dans un pays, même si celui-ci n’en a pas fait la demande. Le texte permet également la création d’un contingent de garde-frontières permanent. Ces agents, reconnaissables par leur uniforme bleu, bénéficient du port d’armes.
Quel est son rôle aujourd’hui ?
Aujourd’hui, Frontex poursuit deux missions principales : assurer une veille permanente de la situation aux frontières extérieures de l’UE et de l’espace Schengen et porter assistance aux Etats membres qui le demandent. Ses agents accompagnent notamment l’enregistrement et l’identification des migrants à leur arrivée (dans les ports, les aéroports ou aux frontières terrestres). C’est par exemple le cas en Espagne depuis 2018, où, dans le cadre de l’opération Minerva, Frontex a déployé des experts en documents contrefaits dans les ports, pour contrôler les voyageurs arrivants du Maroc. L’agence coordonne aussi des opérations de renvoi de migrants irréguliers vers leurs pays d’origine et finance parfois l’aide au retour. L’agence collabore également avec des pays non-membres de l’UE, à l’instar des pays des Balkans.
Frontex est légalement tenue de fournir une assistance technique et opérationnelle lors des opérations de sauvetage en mer. En 2018, l’opération Themis a été lancée pour lutter contre le trafic de migrants en Méditerrannée. Les agents déployés sont notamment tenus de surveiller l’activité des passeurs et de porter secours aux migrants en mer.
De quel budget l’agence dispose-t-elle ?
En 2023, le budget de Frontex s’élevait à un peu plus de 845 millions d’euros. Avec une somme en constante augmentation, elle est l’agence européenne la mieux dotée financièrement.
Le règlement européen adopté en 2019 prévoit que d’ici 2027, le budget annuel moyen soit de 900 millions d’euros. 6,4 milliards d’euros ont donc été affectés à Frontex pour la période 2021-2027. Actuellement dotée de 2 100 agents, l’objectif prévoit d’atteindre une capacité de 10 000 garde-frontières permanents d’ici 2027.
Dans quelle mesure la France fait-elle appel aux services de Frontex ?
Depuis 2021, Emmanuel Macron appelle au renfort du rôle joué par Frontex dans la protection des frontières extérieures. Ces dernières années, la France a collaboré avec Frontex à diverses échelles.
D’une part, Frontex accompagne la France sur le plan de la surveillance aérienne. En 2022, 17 garde-frontières étaient présents dans les principaux aéroports du pays pour contrôler les personnes arrivant de l’étranger. D’autre part, depuis 2021, un avion de surveillance de Frontex survole la Manche pour suivre les tentatives de traversée, dans le cadre de l’opération « Opal Coast ». Enfin, l’agence participe financièrement aux opérations de retours forcés : en 2022, 50 vols groupés avaient été organisés avec un soutien de 3,2 millions d’euros de la part de l’agence européenne.
A quels reproches Frontex est-elle confrontée ?
L’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes s’est retrouvée sous le feu des critiques à de nombreuses reprises, principalement concernant des affaires de refoulements illégaux de migrants. En 2020, une enquête du New York Times et du Der Spiegel avait révélé l’implication de plusieurs agents dans des renvois illégaux en mer Egée. A la suite de ces révélations, le Parlement avait gelé une partie du budget de l’agence, demandant plus de moyens humains au sein du service de surveillance des droits fondamentaux.
En 2022, une enquête du Monde et de Lighthouse Reports pointait cette fois du doigt la responsabilité de Frontex dans ces refoulements illégaux. Selon la presse, l’agence avaient minimisé ces agissements en les répertoriant comme de simples « opérations de prévention au départ ». En réalité, des appareils de surveillance de Frontex avaient bel et bien été utilisés par les garde-côtes libyens pour arrêter illégalement des migrants.
Directeur de l’agence depuis 2015, Fabrice Leggeri est contraint de présenter sa démission en avril 2022, alors qu’il est visé par une enquête disciplinaire de l’Olaf. Elle l’accuse de « ne pas avoir respecté les procédures » et de s’être montré « déloyal » envers l’UE, alors qu’il était déjà vivement critiqué par plusieurs ONG. Dans un entretien accordé au JDD ce samedi, il affirme que ni Frontex, ni le Parlement européen n’ont été en mesure de trouver de « preuves concrètes » qui confirment ces accusations.
La Cimade, association de défense des droits des migrants, plaide, elle, pour la suppression de Frontex. Dans un communiqué publié à la suite de la démission de Fabrice Leggeri, elle dénonçait « l’impunité » d’une institution dont les actions se feraient « au mépris des droits et de la vie des personnes ». La commission européenne, elle, a rendu un avis positif dans une évaluation publiée le 5 février dernier : « Frontex a contribué de manière importante à renforcer la gestion des frontières extérieures de l’UE dans le plein respect des droits fondamentaux ».
De son côté, le Sénat avait adopté une résolution européenne début 2023 sur l’avenir de l’agence. Elle préconisait une amélioration de la responsabilité et de la transparence de l’agence.
Myriam Roques-Massarin
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