Mayotte :Cyclone Chido
Daily life in the districts destroyed by cyclone Chido Here in the Tsoundzou district Mayotte, 16 December 2024//04SIPA_SIPA1122/Credit:BERTRAND FANONNEL/SIPA/2412231229

Gestion de l’eau en Outre-mer : un rapport du Sénat qui souhaite accélérer l’accès à l’eau potable

Face à la problématique de manque d’eau dans les départements d’outre-mer, les sénateurs Georges Patient et Stéphane Fouassin ont présenté leur rapport sur la gestion de l’eau et de l’assainissement en outre-mer ainsi que l’enquête de la Cour des comptes sur le sujet. Commandés par la commission des finances, les rapports émettent plusieurs recommandations pour améliorer l’accès à l'eau en Outre-mer.
Marius Texier

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« Il faut aller très vite, car l’eau est un bien de première nécessité », lance Georges Patient, sénateur de Guyane, membre du groupe des Indépendants et rapporteur spécial du rapport « Gestion de l’eau potable et assainissement en Outre-mer », en conférence de presse.

Particulièrement touchés par la question de l’accès à l’eau, les départements d’Outre-mer font face à de graves manquements. « La première nécessité, c’est d’avoir de l’eau potable dans les robinets », renchérit le sénateur de la Réunion Stéphane Fouassin, également rapporteur spécial et membre du groupe des Indépendants. « Nous espérons que d’ici à 2030, tout le monde puisse boire de l’eau potable, mais cela n’est pas garanti ».

30 % de la population à Mayotte sans eau potable

Dans les collectivités d’Outre-mer, les populations ne disposent pas toutes d’un accès permanent à l’eau. À Mayotte, c’est près de 30 % de la population qui n’a pas un accès direct à l’eau potable, et cela, avant le passage du cyclone Chido, qui a ravagé l’île en décembre dernier. En Guyane, la part de la population n’ayant pas accès à l’eau potable est située entre 15 % et 25 %.

Adopté en 2016 pour une durée de dix ans, le plan Eau DOM vise à accompagner les collectivités dans l’amélioration du service de l’eau potable et de l’assainissement. Pour ce faire, plusieurs projets d’investissement sont proposés. Lors de l’adoption en 2016 du plan, les besoins en financement des territoires d’outre-mer pour perfectionner leurs services d’eau et d’assainissement avaient été évalués à 1,7 milliard d’euros. Aujourd’hui, le plan a été rehaussé à hauteur de 2,3 milliards.

Débloquer les crédits

« Il y a un manque d’efficience avec la logique de résultats », regrette Stéphane Fouassin. « Il existe encore de trop nombreux indicateurs qui ne permettent pas de débloquer les financements ».

Même constat pour son collègue Georges Patient qui pointe une sous-consommation des crédits en matière d’investissements. « La moitié des crédits n’était pas encore consommée il y a quelque temps. On peut tout de même constater une hausse. En 2023, 50 millions de crédits ont été consommés. »

60 % de l’eau potable perdue en Guadeloupe

Parmi les investissements nécessaires, le rapport pointe la nécessité de la consolidation des réseaux de transmission de l’eau. En Guadeloupe, c’est près de 60 % de l’eau potable qui est perdue du fait d’un manque d’entretien des réseaux de distribution. Dans les départements de la Martinique, de la Réunion ou encore de Saint-Martin, cette perte est évaluée à 30 % de l’eau potable disponible.

Les causes de cette fragilité ? Les risques sismiques, notamment dans les Antilles, qui fragilisent particulièrement les réseaux. Aussi, les contraintes géographiques rendent difficile le raccordement au réseau de distribution notamment en Guyane où l’isolement du territoire rend le travail de distribution difficile.

Afin de faciliter la conduite des travaux, le rapport recommande un renforcement du suivi des prestataires.

« On réfléchit en Outre-mer avec une vision hexagonale »

La Cour des comptes préconise une adaptation des procédures administratives aux contraintes des départements et régions d’Outre-mer. « Il est clair que les normes européennes nous contraignent », prévient Georges Patient. « Le problème, c’est que l’on réfléchit pour les outre-mer avec une vision hexagonale. Mais ce ne sont pas les mêmes contraintes, ce ne sont pas les mêmes matériaux ». Stéphane Fouassin ajoute : « Au lieu de devoir acheter des matériaux en Europe, pourquoi ne pas en acheter en Afrique du Sud comme dans le cas de la Réunion afin de rendre le tout plus simple. De plus, construire à l’aide des matériaux déjà présents sur l’île revient à moins cher ».

À Mayotte : 25 % du revenu des plus précaires destinés à l’eau

Mais l’une des recommandations qui risque de faire réagir repose sur le recouvrement des factures. Préconisée par la Cour des comptes, la proposition vise à intégrer dans le plan Eau DOM, en relation avec les Finances publiques, un renforcement dans la gestion des impayés et le recouvrement des factures. Dans leur rapport, les sénateurs reprennent la proposition de la Cour des comptes.

Interrogés sur cette recommandation, les sénateurs ont conscience que les populations en manque d’accès à l’eau sont déjà parmi les plus pauvres. En France hexagonale, la part moyenne d’une facture d’eau pour un ménage précaire est de 1,4 % de leur revenu. Pour la Réunion, ce chiffre s’élève à 3 % et 6,2 % pour la Guyane. Pour Mayotte, la facture d’eau peut représenter jusqu’à 25 % de la part des revenus des plus précaires.

« L’Etat ou les collectivités pourront accompagner les personnes qui n’arrivent pas à payer leur facture », propose Stéphane Fouassin. « Il nous faut un plan Marshall pour l’eau potable ».

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