« Laxisme judiciaire » : Bruno Retailleau veut interdire la syndicalisation dans la magistrature

Invité de notre matinale, Bruno Retailleau a appelé l’intersyndicale à « terminer la grève » face à un mouvement social qui « dégénère. » Le président du groupe LR au Sénat remet sa loi « anticasseurs » de 2019 sur la table, et estime que le problème réside dans « la réponse pénale » et « la politisation des magistrats », jusqu’à envisager une interdiction de se syndiquer dans la magistrature.
Louis Mollier-Sabet

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Face aux « risques d’hyperviolence » dans les manifestations, Bruno Retailleau appelle l’intersyndicale à « assumer ses responsabilités. » « Il faut savoir terminer une grève », a lâché le président du groupe LR au Sénat, paraphrasant Maurice Thorez, qui ajoutait, lui, « dès que la satisfaction a été obtenue. » Le second RIP ayant été rejeté par le Conseil constitutionnel ce mercredi soir, ce n’est toujours pas le cas pour le mouvement social, et les journées de mobilisation se durcissent.

Un dispositif pour « interdire préventivement des gens de manifester » ?

« C’est en train de dégénérer, à chaque nouvelle journée de mobilisation, il y a des violences », analyse le chef de file des LR au Sénat. Une escalade qui constitue « un vrai sujet » pour Bruno Retailleau, qui remet sa proposition de loi « anticasseurs » sur la table : « J’avais prévu un dispositif comme pour les hooligans, qui permettait au préfet d’interdire préventivement des gens de manifester, sous des conditions très restrictives. C’est le texte voté par les députés à la demande de Christophe Castaner qui a été jugé anticonstitutionnel parce que disproportionné. C’était une erreur du gouvernement, ils ont dénaturé mon texte. Aujourd’hui, il y a un trou dans la raquette face à la guérilla que nous mènent les cagoules noires. Ce sont des techniques paramilitaires, donc le bouclier juridique doit être plus ferme. »

En avril 2019, le Conseil constitutionnel avait en effet censuré l’article 3 de la proposition de loi en question, au motif que le législateur avait « porté au droit d’expression collective des idées et des opinions une atteinte qui n’est pas adaptée, nécessaire et proportionnée. » Bruno Retailleau assure que la version initiale votée par le Sénat à l’époque pourrait être jugée constitutionnelle : « Pour que l’article ne soit pas censuré, il faut être mesuré, on est dans un Etat de droit. C’est pour ça que j’avais demandé que l’arrêté préfectoral concerne un périmètre très précis et restreint à la seule durée de la manifestation. »

« Je n’accuse pas les juges de ne pas faire le travail, j’accuse le syndicat de la magistrature d’être totalement politisé »

Ce texte viendrait aussi répondre à la problématique judiciaire qui se pose actuellement d’après le président du groupe LR au Sénat : « La nuit de la Concorde, le 16 mars, il y a eu presque 300 arrestations, et 97 % de classement sans suite, c’est-à-dire aucune sanction, alors que ces gens viennent pour tuer du flic. Je dis laxisme judiciaire. Je n’accuse pas les juges de ne pas faire le travail, j’accuse le syndicat de la magistrature d’être totalement politisé. » Bruno Retailleau estime ainsi « qu’il faut dépolitiser la justice » : « Quand ce syndicat publie un communiqué disant que l’autorité judiciaire ne peut pas être au service de la répression sociale… Quelle répression sociale ? Il faut dépolitiser la justice. »

Jusqu’à empêcher les magistrats de se syndiquer ? « On peut en discuter », répond le sénateur LR. « Se syndiquer pour des raisons professionnelles, oui. Mais pas la politisation, la justice doit être au-dessus de tout soupçon. » Bruno Retailleau charge aussi le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), organe chargé des nominations et de la discipline des magistrats, et garant de l’indépendance de l’ordre judiciaire vis-à-vis de l’exécutif. « Il y a un problème avec le CSM, qui est totalement corporatiste. Si on veut une justice impartiale, il faut réformer le CSM. Il faut des sanctions contre le syndicat de la magistrature. »

Bruno Retailleau fait le lien avec l’institution judiciaire dans son ensemble. « La justice, c’est trop important. Une majorité des Français ne croit plus en la justice parce qu’il y a un laxisme judiciaire. La question de la sécurité en France, c’est la réponse pénale qui n’est plus à la hauteur », estime le sénateur. Avant d’en revenir à ce qu’il estime être une « politisation » des magistrats : « La syndicalisation du corps des magistrats, il y a quelque chose qui n’est pas normal. Les préfets, les militaires, ne sont pas syndiqués. »

Partager cet article

Dans la même thématique

Un gouvernement RN peut-il paralyser le Conseil des ministres de l’Union européenne ?
5min

Institutions

Vingt ans après le « non » au traité européen, l’Europe est-elle encore un clivage à gauche ?

Lors d’un colloque organisé par l’eurodéputé PS François Kalfon divers intervenants sont revenus sur les changements des termes du débat sur l’Union européenne à gauche depuis vingt ans. François Ruffin a notamment admis que les frontières entre europhiles et eurosceptiques avaient été « floutées », alors que les obstacles à une Europe harmonisée fiscalement et volontariste au niveau commercial sont encore nombreux.

Le

Paris: Press conference by Didier Migaud, president of the HATVP on the 2022 activity report
5min

Institutions

Conflits d’intérêts : face à un record de contrôles en 2024, la HATVP manque de moyens

Lors de la présentation du rapport d’activité 2024 de la HATVP, son nouveau président Jean Maïa a fait état d’un exercice « record. » Face à l’afflux des déclarations à contrôler et les nouvelles missions qui lui sont confiées, la Haute autorité développe des pistes pour améliorer son fonctionnement, mais manque de moyens.

Le

« Laxisme judiciaire » : Bruno Retailleau veut interdire la syndicalisation dans la magistrature
6min

Institutions

« Nous avons un an d’espérance de vie », alerte la directrice de l’Agence Bio

Auditionnés par la commission d’enquête sur les agences de l’Etat, les représentants de l’Agence Bio ont surtout profité de l’audition pour plaider leur cause. Amputée de deux tiers de ses moyens cet hiver dans un contexte de coupes budgétaires, l’agence n’a, en l’état actuel, qu’un an « d’espérance de vie » devant elle.

Le

Biden France
3min

Institutions

80e anniversaire de la Victoire de 1945 : le programme des cérémonies du 8 mai

Alors que la France s’apprête à célébrer le 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, l’Elysée prévoit une cérémonie commémorative spéciale au niveau de l’Arc de triomphe. Au programme : passage des troupes en revue, défilé de « reconstituants » et concert.

Le